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tier fur le dédít : mais enfin cet amour devint fi violent qu'elle ptia fon amie de vouloir bien compofer avec elle, & la quitter du dèdit pour moitié: l'amie ru sée lui jura que dans un autre temps elle n'en autoit pas rabatu une obole; mais qu'un procés important, pour lequel elfe avoit befoin inceffamment de 20000. liv. l'obligeoit à lui en temettre dix.

On marchanda, & l'on convint enfin que Belife mettroit vingt-mille francs entre les mains d'un dépofitaire, pour être remis après le mariage, dans celles de l'amie; moïennant quoi, Belife prendroit des mefures avec cet amant pour le mâriage. L'argent pour le dédit fut dépofé fous condition qu'on le délivreroit dans huitaine à l'amie, après lequel tems, elle vouloit les dix mille écus entiers. Ce fut la convention.

Belife ne pouvoit avoir aucun foupçon fur le jeune amant: elle fçavoit qu'il n'étoit pas riche, & ne croïoit pas feulement qu'il connut fon amie. Elle fe preffoit donc de conclure dans la huitaine preferite, mais l'amant lui faifoit naître d'un jour à l'autre des fujets de retardemens fi vrai

femblables, qu'elle ne pouvoit fe deffier de lui. Enfin la huitaine étant échuë, le cava lier fit paroître un obftacle infurmontable, qui differoit le mariage de quelques jours; fur quoi l'amie feignant d'être fort preffée pour fon procès, quitra le dédit pour les vingt mille francs comptant; & Belife les fit livrer, dans la certitude où elle étoit de fon mariage, pour ne pas donner les dix mil écus entiers: & ce fut déja une partie de la dot que cette pauvre veuve deftinoit à fon jeune amant, en cas qu'il ne fût pas obligé d'honneur à tenir parole à Belife: mais on efperoit qu'elle romproit la premiere ; & ce fut pour la mettre en fon tort qu'on lui tendit un fecond Pan

neau.

Dès que la veuve cut touché l'argent du premier dedit, elle ne fongea plus qu'à en tirer un fecond; & travaillant en apparence à preffer le mariage de fon amie & de fon amant, elle le retardoit en effer: ce procedé n'étoit pas dans la regle fevere des bonnes mœurs; mais l'amour & la neceffité relâchent fouvent la morale: Nos amans justifioient tout ceci par leur intention: car fuppofë, disoit l'amant, que

Belife perfevere dans fon amour, je ne puis en honneur me dispenser de l'époufer : & fi au contraire, difoit la veuve, je fais que Belife change la première, il est juste qu'elle paye le dédit de fon inconftanceEst-ce trop exiger d'elle, difoit l'amant, qu'un mois de conftance? Il faut abfoluinent que je fare un voïage en Province pour mes affaires : Si vous venez à bout de de la faire changer avant mon retour, mérite-t'elle que je lui facrifie l'amour que j'ai pour vous? non vraiment, répondit la veuve, voïons donc fi fa conftance eft à l'épreuve du panneau que je vais lui tendre.

Après qu'ils eurent digeré leur projet, le Cavalier alla trouver Belife, & la fit convenir de la neceffité de fon voïage. Quelques jours après, l'amie qui commença d'être la confidente de ce mariage, dit au Cavalier, en préfence de Belife, que puifqu'il ne pouvoit pas l'époufer avant fon départ, il falloit du moins qu'il lui fignât une promeffe de mariage avec un dédit. La propofition fut goûtée par Belife on fit le dédit de dix mille écus &

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le Cavalier partit réellement pour un voïage néceffaire; car toute cette intrigue fe traitoit moitié franchise, & moitié tromperie de la part des amans; le Cavalier vouloit de bonne foi s'engager par ce dédit à épouser Belife, fi elle perfiftoit dans le deffein de recevoir la main : c'étoit donc ici une véritable crife pour nos amans ; car la jeune veuve fe voïoit dans la néceffité de rendre Belife inconftante dans un mois, ou de lui voir époufer fon amant.

La jeune veuve avoit éré recherchée par un jeune Confeiller très-aimable, mais qu'elle n'avoit jamais pû aimer. Ce Confeiller étoit affez mal dans fes affaires pour fouhaiter de les rétablir par un riche ma riage. Elle lui fit confidence de tout ce qui s'étoit paffé, & lui dit que s'il vouloit fonger férieufement à fe faire aimer de Belife, elle pourroit bien la lui faire épou fer. Le Confeiller, dont l'ainour étoit fort rallenti, confentit à tout ce que lui pref crivit celle qu'il avoit fort aimée; & voici le jeu qu'ils jouerent.

Un jour la jeune veuve parut accablée de chagrin, & Belife lui en demandant le fujet, elle lui dit, que quelque force d'ef

prit, & quelque gayeté qu'elle eut toû jours affecté d'avoir, elle ne pouvoit furmonter une forte paffion qu'elle avoit encore pour un homme dont l'indifference la défoloit: que cet homme n'avoit jamais rien aimé vivement, & n'étoit capable que d'une amitié conftante qu'il avoit encore pour elle, mais qui ne fuffifoit pas pour un cœur fenfible à l'amourCe qui m'afflige depuis quelques jours, continua-t'elle, c'eft qu'il penfe à s'établir, & qu'il époufe une femme bizarre avec qui je ne pourrai jamais avoir aucune liai fon; il faudra que je rompe avec cet ami folide.

Enfuite cette adroite veuve fit un fi beau portrait du Confeiller à Belife, qu'elle lui donna envie de le voir : elle ne l'eut pas vû deux fois, qu'il lui parût plus aimable que l'abfent: il s'attacha à elle de meilleure grace que l'autre, qui tout occupé de fon amour pour la veuve, n'avoit pour Belife qu'une politeffe forcée : en un mot le Confeiller fut aimé, & par conféquent le Cavalier absent fut haï ; car la vivacité de Belife la faifoit toujours paffer d'une extrémité à l'autre. La voilà donc entêtée

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