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E Procez fe poursuit pre fentement à Lyon ; mais je prendrai l'Hiftoire de plus loin, car on vient de m'envoïer des memoires fecrets fur l'origine de cette avanture.

Cel font les amours d'un jeune Lyon. nois & d'une jeune Lyonnoife. Je taira i le nom de ces Amans : l'Histoire est pourtant publique, tout Lyon les connoît ute la Ville les nomme, je ne les nom, Teme VI.

A

merai point, je veux être plus difcret qu'une Ville entiere. Leurs noms de galanterie feront, fi vous voulés, Cleonte, & Angelique; & fans rien changer au fond de l'avanture, je deguiserai seulement les noms & les qualités des principaux Acteurs.

Angelique & Cleonte fe rencontrérent par hazard dans une affemblée. Angelique Fille fage & modefte, regarda tant Cleonte dès la premiere fois que dès la feconde elle n'ofoit plus le regarder; mais; Cleonte moins timide fixa fi tendrement fes yeux fur elle qu'il en devint paffionnément amoureux.

Si Angelique eft brune ou blonde, fi Cleonte a beaucoup d'efprit ou s'il en a peu, je n'en fçai rien; on ne m'a pas fait le détail de leurs perfections; mais j'ai fçu qu'ils s'entr'aimérent commé s'ils euffent été parfaits.

Cleonte trouva un jour l'occafion de parler en particulier à Angelique ; d'abord il lui fit une déclaration d'amour à la Françoife, & fans s'amuser à lui apprendre qu'il l'aimoit, il commença par lui jurer qu'il l'aimeroit toute fa vie : Mais

Angelique le conjura de ne la point aimer, parce que des raifons de famille l'empê cheroient de pouvoir jamais être à lui.

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Que je fuis málheureux ! s'écria Cléonte: un pere avare que j'ai: m'empêchera auffi d'être à vous. Ils fe conterent l'un à l'autre toutes les raifons de famille qui s'oppofoient à leur union, & là-dessus ils refolurent très-prudemment de ne fe plus voir. Angelique s'en alloit, mais par un excés de prudence elle revint fur fes pas pour défendre à Cleonte de penser jamais à elle. Oui, dit-elle, pour votre repos je vous défends de m'aimer. Que vous êtes' cruelle, s'écria Cleonte, de foupçonner feulement que je puiffe vous obéir: ah! me défendre de vous aimer,c'est me prouver que vous ne m'aimés guéres. Enfuite il se plaignit de fon malheur en des termes fi tendres, fi paffionnës,qu'Angelique en foupira, & lui dit en voulant fuïr, hé bien Cleonte aimés-moi donc; mais je vous défends de me voir jamais. Cleonte l'arrête, fe jette à fes genoux, se défefpere; vous aimer fans vous voir vous voulés donc que je meure. Helas! lui ré pond-elle, (croïant déja le voir mourant

hélas voïès-moi donc; mais ne me parlés plus de votre amour. Autre defespoir : autres ménaces de mourir. Hé bien ( dit Angelique toute troublée) vous me parlerés donc ; mais que perfonne n'en fçache rien, car fi j'y confens, c'eft dans l'ef perance qu'il arrivera quelque changement dans nos affaires. Il en årrivera fans doute, reprit Cleonte; mon amour m'en affure.

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Ils fe quitterent,dans l'esperance de pouvoir obtenir par leurs foins, le confentement de leurs parens; & fe virent plusieurs fois, pour fe rendre compte des facilités qu'ils fe flattoient d'avoir trouvées, Cependant les obftacles étoient toujours les mêmes ; ils ne diminuoient qu'à leurs yeux; mais ils fe les diminuoient l'un à l'autre à mefure que le defir de les furmonter augmentoit dans tous les deux. En un mor leur amour les aveugla fi fort qu'en peu de jours toutes les difficultés difparurent: Ils fe perfuadérent fermement que rien ne pouvoit plus s'opposer à leur mariage, & qu'ils n'avoient contre eux qu'un peu de tems à attendre. Ils remirent donc les formalités à ce tems-là; mais dès ce même

jour la foi de mariage fut donnée recis proquement, un anneau fut mis au doigt de l'Epoufe, & tous deux convaincus que la foi mutuelle & l'anneau nuptial fuf fifoient tous deux enfin dans l'aveuglement & dans la bonne foi, s'imaginérent être affez mariés pour pouvoir s'affurer qu'ils l'étoient.

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Le Pere de Cleonte étoit pour lors à Paris. Son confentement étoit neceffaire, & nos Epoux étoient convenus que c'étoit par-là qu'il falloit commencer. Ainsi Cleonte refolut de partir au plutôt. Les adieux furent plus tendres que triftes, parce que Cleonte étoit fûr, difoit-il, de rapporter le confentement de fon Pere. Il ne quittoit Angelique que pour aller s'affurer le bonheur de paffer avec elle le refte de fa vie. Il part enfin & laiffe Angelique fort triste de fon départ, mais très-perfuadée que le mariage fe confirmeroit à fon retour.

Quelques femaines s'écoulérent : Angelique entre la trifteffe & l'efperance n'étoit pas tant à plaindre qu'elle le fut dans la fuite; les reflexions commencerent à la troubler; Elle envifage fa faute, elle

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