Quand, on a de l'ordre, on eft bon parent, bon ami, bon Citoyen; on ales fentiments qu'il convient d'avoir, on fait les chofes à temps, & on les fait toujours bien. C'est le plus grand des malheurs que de perdre la trace de fes devoirs, & de vivre dans la confufion. Nous devons être une image de l'harmonie de cet Univers, qui ne fubfifte & qui n'a de beauté que parce qu'il eft dans les plus exactes proportions. Retranchez l'ordre du monde, & il n'y aura plus qu'un affreux cahos laiffez l'homme fans autre guide que fes caprices & fes paffions, & il n'y aura plus d'intelligence entre fon efprit & fon cœur.

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Tout eft perdu quand on éprouve en foi-même les malheurs de l'anarchie; les idées fe confondent, l'imagination s'égare, la confcience s'abuse, la raifon s'obfcurcit, & l'ame devient le féjour du trouble & de la confufion.

Si l'on ne s'accoutume de bonne heure à fe faire un fyftême de vie, on risque de ne jamais acquérir cette jufteffe d'efprit qui estime les chofes felon leur valeur,

& qui faifit le vrai au milieu des erreurs & des préjugés.

Votre pere avoit fi bien réglé fes defirs, que c'étoit toujours l'amour de l'ordre qui le décidoit ; il favoit, avec le Sage, qu'on doit lire en foi-même les motifs qui font agir, & fe rendre compte chaque foir de fes propres actions.

Qu'est-ce qu'un homme qui vit à l'aventure, & qui s'abandonne à tous fes caprices & à tous fes goûts? l'Univers le reprouve comme un monftre qui trouble fon harmonie, & la Société le rejette comme un perfonnage incapable d'être ami. Nous voyons, en effet, que tous ces hommes qui entretiennent une guerre inteftine au-dedans d'eux-mêmes, manquent des qualités qui conviennent dans le commerce de la vie; leurs manieres font choquantes, leurs dépenfes exceffives, leur conduite un problême.

N'allez pas vous perfuader que mon imagination groffiffe les objets, vous me trouverez toujours vraie, & l'expérience vous apprendra qu'on ne peut arranger fes affaires & remplir exactement fes de

voirs, qu'en modérant fon efprit & fon cœur. L'ame eft comme une montre, dont tous les mouvements doivent être réglés.

Dieu n'a mis de fi juftes proportions dans tout ce qu'il a fait, que pour nous apprendre qu'il n'y a de beau que l'ordre, & que c'est contredire fa Loi que d'y déroger. Etudiez-vous donc, je vous en conjure, à exprimer dans vos mœurs cette harmonie générale qui nous procure chaque année l'agréable & l'utile; que vos lectures fe faffent fans confufion, & qu'el les fervent plus à vous inftruire qu'à vous amufer. Si vous lifez fans ordre, vous furchargerez votre mémoire au-lieu de l'enrichir, & votre favoir ne fera qu'un cahos, qu'on ne pourra débrouiller.

Une ame où regne le trouble n'eft pas moins affreufe aux yeux de la raifon, qu'une Ville fans police, & qu'un ménage fans union: mais on fe trompe foi-même; & tandis qu'on a les plus fortes raifons pour s'effrayer fur fa propre vie, on ne s'allarme que de quelques irrégularités qui bleffent la vue ou la Société. Vous verrez dans le monde des hom

mes qui n'aiment que le défordre, qui fe couchent quand les autres fe levent, qui mangent quand on jeûne, qui évitent d'aller à l'Eglife quand tout le monde s'y rend, & qui n'ont d'autre occupation que celle de vivre fans regle, fans affujettiffement.

Hélas! quand j'étois une de ces femmes à la mode dont on envioit le bonheur, je confondois la nuit avec le jour, je ne connoiffois d'autre Loi que le caprice, d'autre temps que celui de me réjouir, d'autre ordre que celui de n'en point avoir.

C'est un cahos que la vie d'une perfonne livrée au tourbillon du monde; il n'y a pour elle ni heure qui l'affujettiffe, ni fête qui lui en impofe, ni circonftance qui la rappelle à fon devoir; elle fe fait une étude de toutes les modes, une af faire de toutes les inutilités, un paffetemps de tout ce qui avilit l'ame & de tout ce qui bleffe la raifon; on joue, on danfe, on cherche le bonheur par-tout où il n'eft pas, & toujours on recommence, malgré la laffitude & l'ennui.

Le monde eft rempli de perfonnes pleines de defirs & de projets, qui meurent fans retour fur elles-mêmes, parce qu'elles ont vécu fans fe connoître. Quand on eft dans le défordre, on craint de s'approfondir, & l'on prend pour fon ame, ce qui n'en eft que l'enveloppe & la furface; les fens deviennent autant de tyrans dont on ne peut plus fe défendre, & il n'y a plus rien d'estimable que ce qui nourrit la volupté..

Tenez votre ame entre vos mains pour -la dégager des paffions qui viendroient l'affiéger, & vous ne penferez que d'après la raison, & vous vous éleverez audeffus de ces nuages qui offufquent l'efprit & le cœur. Chacun de nous est un petit monde, où il y a des éclipfes, des brouillards, & des volcans; chacun de. nous retrace les révolutions qui arrivent dans l'Univers; mais de même que la Providence maintient l'harmonie de la Terre & des Cieux au milieu d'une multitude de chofes & de mouvements, la raifon doit conferver au-dedans de nous l'ordre & la paix ; fans cela nous devenons