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inférieurs aux infectes, aux plantes mêmes, qui ne fubfiftent que pour remplir leur destination. Voyez l'Abeille, voyez la Fourmi mille fois plus fages que l'homme qui les méprife, jamais elles ne s'écartent des Loix de la Nature, ni de la route que le Créateur leur a tracée; auffi n'eft-ce qu'en imitant leur conduite & leur prévoyance, que les familles fe foutiennent, & que les plus grands Empires confervent leur force & leur fplendeur.

Cela doit vous convaincre, que quelqu'état que vous embraffiez, il fera toujours orageux fi votre esprit eft en oppofition avec votre cœur, & fi vous ne defcendez fréquemment en vous-mêmes pour en régler les defirs & les mouvements. Alors vous verrez, comme dans un tableau, toute la fuite de votre vie, & vous connoîtrez le motif qui vous fait agir; c'eft le moyen de le rectifier s'il n'étoit pas pur.

Nous courons avec empreffement éteindre un incendie quand la moindre maison vient à brûler, & nous laiffons

fubfifter au milieu de nous tout le feu des paffions, fans nous mettre en peine de l'appaifer. Nous ne penfons pas que notre ame est un Royaume à gouverner, & fans ceffe on doit veiller; tantôt pour en écarter les ennemis, tantôt pour y faire fleurir l'abondance & la paix.

que

Confidérez les aftres qui roulent fur nos têtes, les éléments qui nous font vivre & refpirer; hélas! toujours en fentinelle pour exécuter les ordres de Dieu, ils nous inftruifent de nos devoirs. C'est un fpectacle qui ne ceffe de nous apprendre, que chaque créature doit fe tenir dans fa fphere, & remplir fa fonction. On éleve un cahos dans fon propré cœur, & l'on infulte au Créateur lui-même, quand on n'agit que par caprice & par humeur.

J'ai toujours remarqué que ceux dont la vie n'étoit qu'une continuelle diffipation, dérangeöíent leurs affaires autant que leur confcience, & ne laiffoient à leurs enfants que des dettes ou des procès. Il est une Arithmétique naturelle que tout homme d'ordre connoît, & qui con

fifte à calculer fes forces, fes obligations & fes befoins, pour fe tenir dans de juftes bornes, & pour ne rien donner qu'à la décence & au devoir. Si vous n'avez cet efprit d'ordre dont je veux parler, vous ne faurez régler ni votre cœur, ni vos actions, ni votre maison; ou vous vivrez trop impérieufement avec ceux qui vous ferviront, ou trop familiérement; vous confondrez le fuperflu avec le néceffaire; & faute de calculer, vous n'aurez que des créanciers, ou des débiteurs dont vous ne pourrez vous faire payer.

Vous êtes nés, mes enfants, pour avoir du bien; mais que deviendra cette fortune entre vos mains, fi la fageffe n'en regle l'ufage? Les richeffes font la ruine d'un homme diffipé; comme il n'y a ni fuite ni liaifon dans fes idées, il n'y a nulle conféquence dans fes démarches; tantôt c'est une profufion qui étonne, tantôt une avarice qui révolte; il fait perdre, & ne fait pas donner; il facrifie tout pour le plaifir ou pour le fafte, & rien pour l'équité.

Quand vous aurez pris l'heureufe habitude de compter avec vous-mêmes, tout ira bien dans l'ordre physique & moral; vous vous affujettirez à des heures précifes pour vos études & pour votre réveil, vous économiferez votre temps & votre revenu, vous remplirez toute juf tice à l'égard du prochain, & vous n'entreprendrez rien d'important fans examiner quelle doit en être la fin; il n'y aura point de circonstance qui puiffe vous faire oublier les devoirs de votre état, point de jour qui ne vous rappellé ce que vous devez à Dieu : on n'en perd le fouvenir, que parce qu'on fe plaît dans le défordre, que parce qu'on exifte fans s'occuper de ce qu'on eft & de ce qu'on deviendra; auffi voyons-nous que les affections des hommes dérangés font prefque toujours les inclinations des bêtes, mêmes penchants, mêmes brutalités.

Vos heureuses difpofitions me font efpérer que mes avis fe graveront dans votre ame: fouvenez-vous toujours que ce font les confeils d'une mere qui acheteroit votre bonheur aux dépens de fa propre

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vie, d'une amie qui répand fon cœur dans le vôtre, & qui ne veut être qu'une feule & même chofe avec vous. Je n'ai fait des fautes que pour avoir péché contre l'ordre, dont on ne peut abfolument s'écarter fans manquer à fa deftination, puifqu'il est indubitable que Dieu ne nous a créés que pour modérer nos defirs & tenir nos fens dans le refpect.

Mais fi vos intentions font droites, ainfi que je le préfume, c'est vous en avoir dit affez fur cet objet, & d'autant mieux que je fens que ma refpiration s'embarraffe, & que la défaillance où je me trouve ne me permet pas de continuer.

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