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HISTORIQUE

DES

MŒURS, USAGES ET COUTUMES

DES FRANÇOIS.

CONTENANT auffi les établissemens, fondations,
époques, anecdotes, progrès dans les fciences &
dans les arts, & les faits les plus remarquables &
intéreffans, arrivés depuis l'origine de la Monarchie
jufqu'à nos jours.

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Facta patrum, feries longiffima rerum,
Antiqua ab origine gentis.

VIRG. Eneid. lib. 1.

TOME SECON D.

A PARIS,
Chez VINCENT, rue Saint Severin.

MDCCLXVII.

AVEC APPROBATION, ET PRIVILEGE DU ROI.

AG 25 ·L14Vi 2

DICTIONNAIRE HISTORIQUE

DES

MŒURS, USAGES ET COUTUMES

DES FRANÇOIS.

[A B B]

AU: ÉPREUVE DE L'EAU. Le jugement de l'eau froide & de l'eau chaude a été long-tems en ufage en France; & il a duré jufqu'au quinzieme fiécle; & même, dans ce tems-là, l'eau ceffant de devenir une épreuve pour ceux qui étoient accufés de quelque chofe, devint prefque le fupplice ordinaire des criminels, c'est-à-dire qu'on les jettoit, pieds & mains liés, enfermés dans un fac, dans la Seine. Le parlement, par ordre de Philippe de de Valois, fit noyer, en 1338, un chevalier convaincu d'homicide, appellé au Houffoi. En 1344, on fit encore noyer, fous le Pont-au-Change, un nommé le chevalier de Rigni, pour avoir tué & vio. En 1388, on punit encore du même fupplice les Maillotins, & en 1411, quelques foldats qui pilicient & tuoient impitoyablement. S'il en faut Tom: II,

* A..

croire le Journal de Charles VI, ce fupplice étoit fi ordinaire, qu'en 1418, les Armagnacs enleverent par force, fans payer, les toiles des marchands .~ fous prétexte d'en faire des tentes & des pavillons pour le roi; mais ce ne fut que pour en faire des facs pour noyer les femmes de Paris, qui tenoient le parti des Bourguignons. Voyez la Chronique de Louis XI, le Journal de Henri III; les Antiquités de Paris par Sauval, tcm. ij, p. 597, &c.

Ceux qui étoient condamnés à faire l'épreuve de l'eau froide ou de l'eau chaude, affistoient auparavant, avec leurs parens & amis, à la meffe. Ils y communioient; mais avant, le prêtre exhortoit les aucufés à ne pas recevoir la communion, s'ils fe fentoient coupables, ou s'ils avoient connoiffance de ceux qui l'étoient; enfuite le prêtre faifoit l'eau bénite, & leur en donnoit à boire, en prononçant des prieres ; puis il conjuroit l'eau froide ou l'eau chaude, qui devoit fervir à la condamnation ou à la juftification: cela fait, on deshabilloit ceux qu'on expofoit au jugement de l'eau froide; & après leur avoir fait baifer l'évangile & la croix, on les arrofoit d'eau benite; on leur lioit la main droite avec le pied gauche, & on les faifoit jetter, tantôt dans une riviere, tantôt dans une grande cuve pleine d'eau froide, & en présence de tout le monde. S'ils alloient au fond (ce qui n'étoit qu'un effet purement naturel, ) ils paffoient pour innocens; s'ils venoient fur l'eau on les tenoient pour criminels & convaincus.

A l'égard du jugement de l'eau chaude, on faifoit bouillir de l'eau dans une grande chaudiere; on at tachoit une corde au-deffus, d'où pendoit une boucle, qu'on faifoit defcendre dans cette eau bouillante, de la longueur de la main, à la premiere épreuve ; à la feconde, de la longueur de la moitié du bras, c'està-dire jufqu'au coude; à la troifieme, de la longueur du bras lorfque l'eau bouilloit à gros bouillons, on obligeoit les accufés d'aller chercher dans la cuve la boucle, & de l'en tirer avec la main ou le bras nud; l'ayant tirée, on leur enveloppoit le bras.

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