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idée claire & diftin&te, je me demandai ce que c'est que la Poéfie, & en quoi elle differe de la Profe?

Je croyois la réponse aisée : il eft fi facile de fentir cette différence mais ce n'étoit point af

:

fez de fentir, je voulois une définition exacte.

: Je reconnus bien alors que quand j'avois jugé des Auteurs, c'étoit une forte d'inftinet qui m'avoit guidé, plutôt que la fcience & le raisonnement. Je fentis les rifques que j'avois courus & les erreurs où je pouvois être tombé, faute d'avoir réuni la lumiere de l'efprit avec l'impreffion reçue.

Je me faifois d'autant plus de

reproches, que je m'imaginois que cette lumiere & ces principes devoient être dans tous les ouvrages où il eft parlé de Poëtique ; & que c'étoit par diftraction, que je ne les avois pas mille fois remarqués. Je retourne fur mes pas, j'ouvre le livre de M. Rollin; je trouve, à l'article de la Poéfie, un discours fort fenfé fur fon origine & fur fa deftination, qui doit être toute au profit de la vertu. On y cite les beaux endroits d'Homere: on y donne la plus jufte idée de la fublime Poéfie des Livres faints: mais c'étoit une définition que je demandois.

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Recourons aux Daciers, aux Boffus, aux d'Aubignacs : con

fultons de nouveau les Remarques, les Réflexions, les Dif fertations des célebres Ecriyains:mais par-tout on ne trouve que des idées femblables aux réponfes des Oracles: obfcuris vera involvens. On parle de feu divin, d'enthoufiafme, de tranf ports, d'heureux délires, tous grands mots, qui étonnent l'oreille & ne difent rien à l'esprit.

Après tant de recherches inutiles, & n'ofant entrer seul dans une matiere qui, vue de près, paroiffoit fi obfcure; je m'avifai d'ouvrir Ariftote dont j'avois oui vanter la Poëtique. Je croyois qu'il avoit été confulté & copié par tous les maîtres de l'Art. Plufieurs ne l'avoient pás

même lu, & prefque perfonne n'en avoit rien tiré : à l'exception de quelques Commentateurs, lefquels n'ayant fait dé fiftême, qu'autant qu'il en fal loit, pour éclaircir à-peu-près le texte, ne me donnerent que des commencemens d'idées; & ces idées étoient fi fombres, fi -enveloppées, fi obfcures, que je défefperai prefque de trouver en aucun endroit, la réponse précise à la question que je m'étois propofée, & qui m'avoit d'abord paru fi facile à réfoudre.

Cependant le principe de l'imitation, que le Philofophe Grec établit pour les Beaux Arts, m'avoit frappé. J'en avois fenti la jufteffe pour la Peinture, qui

:

eft une Poéfie muette. J'en rapprochai les idées d'Horace, de Boileau, de quelques autres grands Maîtres. J'y joignis plu fieurs traits échappés à d'autres Auteurs fur cette matiere; la maxime d'Horace fe trouva vẻrifiée par l'examen ut Pictura Poëfis. Il fe trouva que la Poéfie étoit en tout une imitation, de même que la Peinture. J'allai plus loin j'effayai d'appliquer le même principe à la Musique, à l'Art du gefte, & je fus étonné de la justesse avec laquelle il leur convenoit. C'est ce qui a produit ce petit Ouvrage, où on fent bien que la Poéfie doit tenir le principal rang; tant à cause de sa dignité, que parce qu'elle en a

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