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reüssir. Aussi ma plus forte paffion dans mes voyages a toûjours été d'aprendre exactement la verité des chofes les plus remarquables, parce que je me propofois d'en rendre un jour compte à VôTRE MAJESTE'. Je ne puis maintenant lui offrir rien de plus confiderable qu'une peinture fidéle de la Cour d'un des plus puiffans Princes de la Terre. Mais j'efpére faire voir à VÔTRE MAJESTE dans la fuite d'autres Relations du Lêvant auffi curieufes que celle-ci. Il eft vrai que toutes ces merveilles de l'Empire du Turc, du Perfan & du Mogol, dont je parlois avec tant d'éloges à mon retour en France, se font presque effacées de mon efprit à la vue des grandeurs de votre Cour. f'ai vû, SIRE, & pour la majesté, & pour la magnificence, pour toutes les qualitez heroiques qui diftinguent les Rois d'avec leurs femblables, je ne fçai quoi de fi grand de fi extraordinaire dans vỗtre Perfonne facrée, qu'il me femble que tous les Rois de l'Afie & de l'Affrique ne font faits que pour être un jour

vos Tributaires, que vous êtes deftiné pour commander à tout l'Univers. Leurs richeffes même à le bien prendre n'égalent pas les Vôtres ; la vafte étendue de leurs Etats ne vaut point en abondance, en force & en beauté quelques-unes de vos Provinces; cette multitude prefque infinie de peuples mal aguerris dont ils forment leurs armées, n'a rien de comparable à la discipline & à la valeur des Vôtres. Il est vrai que la plupart de ceux qui raisonnent fur la puiffance de ces Princes infidéles, l'élevent ou la rabaiffe trop: Neanmoins, SIRE, il eft certain que plus un véritable François a voyagé, & plus il eftime fon pais; & que quand on a en le bonheur de voir VOTRE MAJESTE', on ne peut plus rien admirer. J'en dois être crû plus qu'aucun autre, aprés avoir parcouru fix fois la meilleure partie de l'Afie & quelques lieux de l'Affrique, & fait plus de foixante mille ·lieuës par terre pour le fervice de VôTRE MAJESTE. Je m'estimerai, SIRE, trop content du fruit de mes travaux›

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fi dans le recit que je prépare de ces longs voyages, VOTRE MAJESTE' trouve quelque chofe qui foit digne de fon attention; fi je puis lui témoigner par ces effets de mon zéle, la profonde vénération avec laquelle je fuis,

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Le trés-humble, trés-obéïffant, trés-fidéle & trés-obligé ferviteur & fujet,

TAVERNIER.

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L'AUTEUR.

E ne doute pas que l'on n'ait mis en lumiere plufieurs Relations du Serrail du Grand Sei gneur, mais j'avoue d'abord que je n'ai jamais eu le loifir d'en lire aucune. J'ai fait fix voyages par terre en Orient & par différentes routes pendant l'espace de quarante ans ; & chacun fçait que j'ai eu des occupations qui ne m'ont guére permis de m'attacher à la lecture des Livres. Mais lors que mes affaires m'ont laiffé des heures libres, je les ai uniquement employées à recueillir les chofes les plus dignes d'être remarquées, foit dans la Turquie & dans la Perfe, foit aux Indes deçà & delà le Gange, & aux mines de Diamans qui font fous la domination de divers Princes. Pendant que je travail

là mettre en ordre ces Memoires que je crois devoir à la fatisfaction du public, je lui donne cette Relation du Serrail, & elle fera accompagnée de quelques ob fervations affez fingulieres qui ne déplai..ront peut-être pas.

La Cour Othomane, qui fait tant de bruit, n'a pas été, ce me femble, affez bien connue jufqu'ici, fi j'en puis juger par ce que j'en ai vê moi-même, & oui dire à plufieurs perfonnes. J'en donne ici une fidéle & ample defcription, que j'ai tirée tant de ce que j'ai remarqué en plufieurs voyages que j'ai faits à Conftantinople, que de ce que j'ai appris de deux hommes intelligens qui avoient paffé plufieurs années dans le Serrail en de beaux emplois. L'un étoit Silicien élevé dans la charge de Cafnadar-bachi ou de Chef du Trefor, & aprés cinquante-cinq ans de fervice dans le Serrail, pour quelque legere faute où il tomba, fut relegué auprés de Burse dans la Natolie, d'où il fe fauva aprés aux Indes. L'autre né à Paris nommé de Vienne, avoit été un des Pages du Trefor. En revenant du Jublié de Rome en 1650. fur un Brigantin qui le ramenoit de Civitavecchia au port de Marfeille, il fut pris par les Corfaires de Tripoli, & le Bacha voyant ce jeune garçon bien

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