noître combien nous nous aviliffons par nos foibleffes & par nos vices. 4 Que vous devez nous être chere, Rien ne plaît où vous n'êtes pas, C'eft de vous que dépend le vrai, le feul bonheur, Qui ne fatisfont point le cœur, Et dont tant de mortels font follement avides. Vous rappellez ces jours heureux Que virent nos premiers ayeux, Tems de paix, d'innocence, où l'empire du vice La violence, l'injuftice, Tirans audacieux, n'avoient pas attenté LE PALAIS DU SOMMEIL, A la même. Entreprens encore par vos ordres la la defcription du palais du Sommeil, Madame. Ne portez pas plus loin l'autorité que vous avez fur mon efprit, & ne mettez point mon obéiffance à de nouvelles épreuves. C'en eft affez pour un homme qui après avoir longtems & beaucoup travaillé, ne fonge plus qu'à goûter les charmes du repos, attribut principal du perfonnage dont je vais avoir l'honneur de vous entrete nir. Il habite un palais obfcur & tranquile, où il languit dans l'indolence & dans l'inaction. Cet édifice peu folide a été bâti par la molleffe & par l'oifiveté ; & n'est défendu & gardé que par des foldats qui ne portent point d'armes à feu, & qui ne font guére furveillans. Ses troupes ne font jamais en marche, ni en mouvement, & ne fervent qu'à écarter les indifcrets qui pourroient troubler le repos de leur maître. Dans l'avant-cour, où un gazon fin & uni tient lieu de pavé, eft un haut & bel obélifque de marbre granit. Plufieurs hiérogliphes mistérieux y font repréfentés avec ces lettres initiales O. P. P. que les antiquaires, après beaucoup d'obfervations forcées, & de recherches érudites, ont déchifrées & expliquées par ces mots, optimo pacifico Principi. Au-deffus du frontifpice de la grande porte qui s'ouvre & fe ferme fans bruit, on lit cette infcription gravée en gros caractere, Dormons, dormons tous,' Ha que Les appartemens n'ont pour meubles que des fofa, des canapés, & des vafes d'agate & de criftal remplis d'opium, ou d'autres liqueurs qui provoquent l'affoupiffement. On y trouve des Loirs & des Marmotes, animaux apprivoifés qui lui font chers, & qui pa roiffent immobiles & inanimés, quoique vivans. Sa garderobe eft garnie de robes de chambre, de bonnets, de pantoufles de caftor, & de mules de velours. Au milieu d'un falon éclairé d'une lampe d'or enrichie de pierres précieuses, eft un baffin où nagent dans une eau claire & dormante des poiffons dont il s'amufe quand il fe réveille, ce qui lui arrive rarement. Les illufions, les chimeres fans ceffe voltigent fous fes lambris ténébreux: on ne peut s'y entretenir qu'à voix basse avec des noctambules, qui par des contes à mir debout, bercent ceux qui les écou tent. Ce palais eft conftruit dans un bois écarté Etendu mollement fur un lit de pavots Rempli du plus léger duvet De quoi le garantir de la moindre infomnie. Il est servi par des muets Comme les Princes de l'Afie; Les foins embarraffans, les foucis inquiets, L'amour, l'ambition chez lui n'ont point d'accès. Au travers de fombres rideaux : Que le murmure des fontaines. Des malheureux accourent de toutes parts pour implorer le fecours de fa vertu foporifique. Un courtifan difgra cié, un plaideur véxé par la chicane, un marchand ruiné par une banqueroute, un mari mécontent de fon choix, un fils deshérité, un auteur inquiet du fuccès de fon ouvrage, un créancier fans reffource, un débiteur infolvable, & mille autres le fupplient avec des vœux empreffés de remédier à leurs maux, & de finir, ou du moins de fufpendre leurs peines. |