Imágenes de páginas
PDF
EPUB

A

REFLEXION S

Voir l'empreffement avec lequel des gens courent la pofte en traverfant les rues de Paris, ne croiroit-on pas qu'ils ont des affaires de conféquence qui ne peuvent fouffrir le moindre retardement, ou qu'ils porfent au Prince la nouvelle de la prise d'une ville, ou du gain d'une bataille ? Souvent, c'eft pour aller chercher une perfonne qu'ils n'aiment point & qu'ils voudroient ne pas trouver, ou qu'ils importuneront s'il la trouvent : c'est pour débiter des fadaises & des impertinences dans une converfation peu amufante : c'eft pour aller s'ennuyer dans une compagnie où ils ennuyeront les autres : c'eft pour une partie de jeu, qui dérangera peut-être leurs affaires : c'eft pour un repas auffi nuisible à leur fanté que préjudiciable à leur raison; ou bien, c'eft pour fe donner en fpectacle à un spectacle, ou à une prome

nade. Quelles occupations pour des hommes qui connoiffent ou qui doivent connoître le prix & la rapidité du tems, & de quelle importance il eft d'en faire un bon usage!

Beaucoup de gens ne parlent que pour parler. Il faut entretenir fa compagnie & faire les honneurs de chez foi; on ne veut pas laiffer languir ou tomber la conversation de peur de paffer pour ftupide, ou pour impoli; & pour la foutenir, que de difcours puerils & frivoles! On ne devroit parler que quand on a quelque chofe de bon ou de néceffaire à dire.

Faux & chimériques dans nos idées aveugles & pitoyables dans notre orgüeil, nous nous applaudiffons & nous fommes fiers d'être richement vétus; de poffeder de grands biens, d'avoir une table délicatement fervie, de nombreux domeftiques, de brillans équipages; d'habiter de belles maifons, de dormir dans des lits fomptueux, fans penfer que nous nous faifons une gloire de ce qui ne doit que nous humilier;

4

& que tous ces objets de nos defirs déreglés, font autant d'affujettiffemens déplorables aux befoins de la vie, & aux miferes de la nature, à quoi Dieu a condamné l'homme en punition de fa défobéiffance.

Nous ne paroiffons ici-bas que comme des fantômes que la mort fait bientôt difparoître: cependant nous vivons comme fi nous devions être immortels, ou que nous fuffions fürs d'avoir le tems & les moyens de réparer le mal que

nous commettons,

Ne faifons rien que nous ne puiffions faire devant tout le monde ; & croyons que nous fommes toujours environnés de témoins refpectables qui obfervent nos actions.

La diftance eft petite de la joye à la trifteffe, de la fageffe à la folie, de la richeffe à la pauvreté, de la vie à la mort: ce font des extrêmités qui fe touchent, & des péripéties qui nous étonnent fans nous inftruire, & nous frappent fans nous corriger.

Réfléchiffons fur les fautes où nous

fommes tombés ; & que ces réfléxions, en nous humiliant, nous garantissent de la rechute.

Quelqu'un eft-il mort? On va rendre visite aux parens du défunt ; on s'entretient des miferes de l'homme, de la briéveté de la vie, de la néceffité de la mort. On moralife: on n'en vit pas

mieux.

Le spectacle de la mort nous attrifte. Ce qui nous afflige dans le trépas de ceux qui nous ont été chers, n'eft pas tant de les perdre, que de penfer que nous devons mourir comme eux.

La foi, en captivant notre raifon, nous empêche de nous égarer, Croyons fans comprendre : affùjettiffons-nous à fon joug falutaire; elle nous débarraffe du foin d'examiner, & du danger de tomber dans l'erreur.

Loin de nous plaindre quand Dieu nous humilie & nous afflige, recevons avec foumiffion les coups dont il nous frape. Par là, il nous garantit des piéges & des abus de la profpérité. Il ne veut point nous rendre malheureux,

mais fages. Il ne châtie que par bonté, il ne punit que par tendreffe.

Les paffions affujettiffent à des peines dont on ne fe rebute point, & à des baffeffes dont on rougiroit, fi l'oń -étoit moins prévenu. Elles mettent un bandeau fur les yeux de celui qu'elles tirannifent, & qui veut jouir de l'objet qu'il fe propofe, quoi qu'il lui en coûte. Peut-on trop déplorer l'aveuglement de l'homme, qui cherche dans le vice un bonheur qu'il ne peut trouver que dans la vertu ?

En fe livrant à la brutale férocité des duels, les hommes fe font un point d'honneur de défobéïr à Dieu & au Roi, & de s'expofer à des fupplices affreux dans cette vie & dans l'autre. Fauffe idée de gloire.

On appelle Grands, ceux qui font parvenus à des places de distinction, qui rempliffent des charges confidérables, qui occupent des poftes importans, qui jouent en paffant le court & dangereux perfonnage de commander aux autres, c'est-à-dire, des hommes

C

« AnteriorContinuar »