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ŒUVRES

DIVERSES

EN VERS ET EN PROSE.

Domine, labia mea aperies...

ÉIGN BUR, Ouvre ma bouche, & que

ma foible voix

Unie avec celles des Anges,

Annonce les grandeurs & chante les loüanges
De l'Eftre indépendant qui tient tout fous les loix.
Inspire-moi, fers-moi de guide :

Que pouvons-nous fans ton fecours?
Raffüre mon effor timide

Dans la carriere que je cours.

Que déformais ma plume attentive à te plaire

A

S'occupe à célébrer top nom: Quel autre emploi
Eft-il jufte & permis de faire

Des dons & des talens qu'on a reçûs de toi ?
Reçois, divin Efprit, l'offre que je t'adreffe ;
Mon zéle te confacre & l'Ouvrage & l'Auteur;
Répans fur mes écrits le fel de la fageffe

Dont toi feul es la fource & le diftributeur.
Gloire au Pere, au Fils fon image,

Gloire à l'Esprit de vérité ;

Qu'à leur augufte Majesté

Tout rende un éternél hommage,

JE ne m'attends pas que ce Livre m'attire un grand nombre de partifans. Il pourra plaire, & être utile à quel ques perfonnes qui revenues de la bagatelle, aiment à entendre un langage raifonnable & férieux, & à penfer fagement & folidement : c'eft ce que je me propofe, & tout ce que peut efpérer un Auteur, qui dépouillé d'amour propre, & peu fenfible à la gloire, s'interdit les matiéres les plus fufceptibles d'agrément. Quand on veut s'émanciper & fe donner carriere fans craindre & fans ménager rien, il n'est

pas diffi

cile d'obtenir les fuffrages de fes lecteurs, la plupart vicieux & corrompus, qui approuvent volontiers ce qui flate leur goût, & applaudiffent à ce qui favorife leur panchant. Il n'en eft pas de même d'un Ecrivain fcrupuleux, contraint fouvent de faire le perfonnage importun de cenfeur. Il marche dans un fentier étroit dont il ne lui eft pas permis de franchir les bornes ; il n'ofe prendre un effor trop haut ni trop bas; il laboure un champ épineux & ingrat ; &, comme il trouve prefque par tout des efprits indociles & mal difpofés qui ne cherchent que des fleurs brillantes & ftériles, il expofe fouvent aux dédains & aux refus, les fruits fimples mais falutaires qu'il leur préfente.

On cherche plus à s'amufer qu'à s'inftruire par la lecture; c'eft ce qui fait qu'elle ett infructueufe ; & qu'après avoir beaucoup lû, on ne devient ni plus vertueux, ni plus fçavant.

Le fuccès d'un livre, eft une preuve problématique de fa bonté. Des puérilités & des bagatelles ont eu de la

vogue: des ouvrages utiles & pleins d'érudition ont trouvé peu d'apologiftes. D'ailleurs, il y a une deftinée de bonheur ou de malheur pour les livres, comme pour les hommes; nous en voyons de bons échoüer, & de médiocres réüffir.

On lit en deux heures ce qui n'a pas été fait en deux ans. On parcourt un ouvrage, fans fonger au tems & à la peine qu'il a coûté à l'auteur; & fur quelques endroits qu'on trouve dignes de cenfure, on lui fait impitoyablement fon procès fans l'entendre, & on le condamne fans appel. Ceux qui lifent, devroient avoir plus d'indulgence pour ceux qui écrivent, & qui confacrent au public leurs veilles & leurs travaux. On veut des ouvrages parfaits: où fe trouve-t-elle cette perfection? Ces modéles que l'on vante avec une déférence fi aveugle pour l'antiquité, font-ils exemts de défauts? Et le lecteur eft-il. en droit d'exiger d'un auteur, qu'il foit infaillible?

L'approbation générale eft une gloire

chimérique où perfonne ne doit afpirer, & que l'on n'a jamais pû acquérir : il ne feroit guére plus difficile de parvenir à la monarchie univerfelle.

Plufieurs défauts accompagnent ordinairement la critique. Le mérite d'un auteur fait ombrage, on tâche de le rabaiffer; c'eft jaloufie. On veut briller aux dépens d'autrui, & faire voir qu'on eft juge connoiffeur & capable de décider; c'est amour propre. On faisit, on releve les fautes d'un ouvrage, fans citer, par compenfation, ce qui est loüable; c'eft injuftice.

Je ne blâme point la critique en général. Elle n'eft point condamnable, quand elle eft dépouillée d'aigreur, de prévention, de malignité, d'amertume; & qu'elle ne tend qu'à perfectionner les talens & les productions des auteurs. Quelqu'affaut que celle-ci puiffe effuyer, j'en ferai confolé, fi plufieurs réfléxions qu'elle renferme, & qui ont fait fur moi d'utiles impreffions, font le même effet fur quelques-uns de mes lecteurs.

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