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LIVRE CENT DOUZIEME.

L

AN. 1460.

I.

Légation du car

dinal Bessation en Allemagne fans aucun fuccès. Papienf. hift. 28. vide fup. liv. cx1..

E cardinal Beffarion que le pape avoit nommé fon légat en Allemagne pour exhorter les princes à la guerre contre les Turcs, y arriva dans cette année, & n'y trouva que des troubles & des divifions qui arrêterent fa négociation. L'empereur avoit les Hongrois fur les bras, il étoit en guerre avec Albert fon frere duc d'Autriche au fujet de leur parta- . 176. ge; le roi de Bohême cherchoit auffi à le fupplanter, aïant déja gagné à force de promeffes les électeurs de Maïence & du Palatinat, qui toutefois ne purent rien faire étant arrêtez par les obftacles que l'électeur de Brandebourg leur oppofa. Tous ces contretems firent que le cardinal ne trouva perfonne en Allemagne qui fut dans la disposition d'exécuter les belles promelles qu'on avoit faites à Mantouë: on s'y plaignoit au contraire de la dixme que le pape avoit impofée sur le clergé, & de ce que le légat accordoit des lettres de referve. Pour fe juftifier de ces reproches, le faint pere fut obligé de faire fon apologie, comme on l'apprend par une de fes lettres au cardinal de Pavie,

II. Revolte à Genes contre les Fran

çois.

Huber Foliet. hift.

Le fecours que le pape attendoit du roi de France: ne fut pas plus efficace, l'affaire de Genes occupoit affez la majefté très chrétienne pour ne pas penfer fo au refte. Le duc de Calabre en partant pour le roïau- de Genes. me de Naples, avoit confié le gouvernement de Genes à un François nommé Thomas Vallée, qui n'avoit pas affez de bien pour gagner le peuple, & qui

par ce feul endroit dégoûta les Genois du GouverneAN. 1460. ment de France. On fe plaignoit hautement; on méprifoit fes ordres; on publioit par-tout, que le duc de Calabre n'épuifoit le tréfor public, que pour fournir aux frais de la guerre de Naples ; qu'il avoit ruiné la ville; & qu'il n'y avoit plus de commerce faute d'argent. Les Fiefques, les Fregofes & les autres feigneurs exilez profiterent de ces mouvemens ; ils infpirerent au peuple par leurs émiffaires, qu'on méprifoit les bourgeois, pour n'accorder les faveurs qu'à la nobleffe; & le roi sur ces entrefaites aïant envoïé fes ordres dans cette ville pour faire équiper quelques vaiffeaux dont il avoit befoin contre les Anglois, on y eut aucun égard, fous prétexte que les marchands Genois aïant beaucoup d'effets en Angleterre, on ne vouloit pas s'exposer à les perdre, en se déclarant ainfi contre cette nation Enfin la revolte éclata, elle commença par les fauxbourgs, d'où elle penetra dans la ville, on prit les armes, & le commandant fut contraint de fe refugier dans le château.

III.

Les factions op

pofées fe réunilfent contre François.

Gen.

Les Fregofes & les Adornes, quoiqu'oppofez & ennemis, le réunirent pout favorifer la fédition. Paul Fregofe archevêque de la ville, & Profper Adorne fe mirent chacun à la tête de leurs amis, & entrerent dans Genes avec beaucoup de gens armez, le duc de les Milan qui voïoit avec chagrin les François fi proches de fes états, & qui n'ignoroit pas le prétentions que la maifon d'Orléans avoit fur fon duché, concouroit avec les revoltez dans le deffein de fe défaire des François, & fit fi bien par les intrigues des gens affidez qu'il avoit dans la ville, qu'il réconcilia les Fregoles avec les Adornes & avec le peuple, sous pré

Foglietta in elog.

in hift. Gen. Bizarro hift.

Paul Guicciard. du Bellay.

texte du bien commun. Ils commencerent à établir

y

une nouvelle maniere de gouvernement, ils y firent entrer le peuple, qui jufqu'alors en avoit été exclu. On choifit huit hommes, un de chaque corps de mêtier pour être admis dans le confeil, & l'on penfa à l'élection d'un doge qui fut Profper Adorne. Il ne s'agiffoit plus que d'affiéger le château où le commandant s'étoit retiré. Le duc de Milan fournit des troupes, & le fiége fut commencé dans les formes,

Comme le duc de Calabre étoit occupé dans le royaume deNaples, qu'il n'ofoit abandonner fes conquêtes, ni fe fier à la flotte Genoife pour fon retour; le commandant de Genes ne pouvoit compter que fur le fecours qu'on avoit fait partir de France, auffitôt qu'on avoit appris la nouvelle de la revolte.René d'Anjou commandoit la flotte fur laquelle on avoit embarqué mille bons foldats, outre fix mille hommes qu'on avoit tiré du Dauphiné, & qu'on avoit transporté à Savonne. La defcente fe fit à faint Pierre des Arénes à la vûë des troupes Genoises qui ne s'y oppoferent pas: & dès le lendemain on en vint à une bataille. Les François combattirent avec beaucoup de valeur, & auroient été infailliblement victorieux fans un stratagême dont s'avifa l'archevêque Fregofe qui commandoit les troupes Genoifes, & qui lui réuffit. Il répandit dans fon armée le bruit qu'il attendoit un fecours confiderable du duc de Milan; & trois officiers de ce duc étant arrivez durant le combat, il les fit monter fur une hauteur d'où ils firent figne que le fecours venoit. Cette rufe ranima la valeur des Genois, & les François perdirent courage. Dans l'appréhenfion d'être taillez en piéces par Tome XXIII.

R

AN, 1460.

IV.
Les François font

battus devant Ge
nes & fe retirent.

ces nouvelles troupes, ils lâcherent le pied, ne perAN. 1460 fant qu'à gagner les galeres pour le fauver, après avoir laiffe fur la place un grand nombre des leurs. René d'Anjoualla aborder à Savonne, & abandon-na le gouvernement au commandant de Genes: ce fut pour la troifiéme fois que les François furent honteufement chaffez de Genes..

V.

Le duc de Bour

ne lui déclare la guerre.

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Cet échec ne changea rien à la fituation des affaigognecraint qu'on res du royaume de France.Le duc de Bourgogne étoit toujours dans de continuelles allarmes craignant que Charles VII. ne lui déclarât la guerre. En effet la plus grande partie du confeil du roi étoit de cet avis; mais fa majesté toujours portée à la paix n'y déferoit point. Le duc envoya au roi Jean deCroy & Lannoy gouverneur de Hollande, pour lui expofer les inquiétudes & les sujets de plaintes qu'il croïoit avoir encore des defleins qu'on formoit contre lui. Ils repréfenterent au roi l'attachement de leur maître,qui avoit abandonné le parti des Anglois à la paix d'Arras, où il avoit facrifié tous les juftes reffentimens. qu'il devoit avoir pour l'indigne mort du duc fon pere; qu'il avoit fecouru fa majefté pour la conquête de la Normandie ; que le bruit s'étoit répandu qu'elle vouloit faire une trève avec les Anglois pour venir enfuite fondre fur les états ; que la France avoit violébeaucoup d'articles du traité d'Arras, fans qu'il s'en fût plaint: qu'on lui avoit fait entendre que le roi étoit mécontent de lui pour avoir reçu le dauphin en Brabant: mais que n'ayant eu de fa majefté aucun ordre là-dessus,il n'avoit pû moins faire que d'accorder une retraite à celui qui feroit un jour fon feigneur comme heritier préfomptif de la couronne. Enfin les

ambaffadeurs demanderent au roi fes bonnes graces AN. 1460. pour leur maître, & l'affurerent qu'il le trouveroit toujours bon parent & fidéle ferviteur.

VI.
Le roi répond aux

Bourgogne.

Le roi répondit avec affez de hauteur à toutes ces plaintes; il juftifia fon procedé à l'égard du duc de plaintes du duc de Bourgogne, & refuta à fon avantage tout ce que ce duc avoit fait dire par fes ambaffadeurs. Cette réponse leur fut donnée en préfence du roi même, des ducs d'Orleans & de Bretagne, du comte du Maine, d'autres feigneurs & de tout le confeil. Mais le lendemain ils préfenterent un nouveau memoire qu'ils réduifoient à deux chefs. Le premier regardoit les difpofitions préfentes & paffées du duc envers le roi Par le fecond on prioit le roi d'expofer les fujets de mécontentement qu'il pouvoit avoir du duc, & de les marquer en détail. On leur repliqua que le roi s'étoit suffisamment expliqué dans fa réponse, & que s'il étoit befoin, il feroit fçavoir dans la fuite fes intentions plus en détail. Tout cela paroiffoit tendre à une prochaine rupture, d'autant qu'il y avoit treize ans que le dauphin étoit éloigné de la cour, que le roi l'avoit mandé fouvent fans qu'il eût voulu obéïr, qu'il avoit plufieurs fois fommé le duc de Bourgogne de le lui renvoyer, l'avertiffant qu'il nourriffoit un ferpent qui lui feroit quelque jour reffentir fes piquûres mortelles, qu'il en étoit venu aux menaces en fufcitant diverses affaires au duc, & que le roi avoit def fein d'avancer Charles fon fecond fils dans les droits d'aîneffe, pour punir l'aîné de fa défobéïffance. Mais la mort du jeune prince renverfa tous ces projets, & fit revenir le dauphin pour jouir d'un royaume qui lui appartenoit de droit.

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