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Platina in vita

Callixti III.

Antonin. tit. 22.

cap. 26. §. 1.

Ext.

nébre qu'on trouve parmi fes ouvrages. Il avoit été AN. 1458. fecretaire de ce pape,qui laiffa en mourant cinquante mille écus d'or, felon Platine, quoique faint Antonin faffe monter la fomme jufqu'à cent cinquante mille. Les cardinaux voyant que le fouverain pontife alloit bien-tôt expirer, tirerent le château SaintCiacon. in Cal Ange des mains des Catalans, moyennant quelques milliers d'écus; & les Romains maltraiterent fort ceux de cette nation qui s'étoient comportez durant la vie du pape avec beaucoup de violence. Pierre neveu de fa fainteté fe retira dans la vieille ville,craignant les Urfins: mais il mourut peu de tems après. Les funerailles de Callixte étant faites dans l'église de faint Pierre, & fon corps pofé dans un tombeau de marbre,les cardinaux qui étoient à Rome au nombre de vingt-un,entrerent dans le conclave dix jours après les obféques, felon la coutume.

LVII

rent au conclave pour élire un pape.

Vxt. II.

Comm. Pii II. l. 1.

On tint ce conclave dans le palais de faint Pierre, où l'on avoit préparé deux falles & deux chapelles. Platina in Cal- Dans la plus grande des falles on avoit conftruit des . cellules pour le logement des cardinaux. L'affemblée fetint dans la plus petite qu'on appelloit la chapelle de faint Nicolas, le refte des appartemens étant demeuré commun pour la promenade des conclaviftes. On ne fit rien la premiere journée : la feconde fut employée à regler certains articles qui devoient être obfervez par le nouveau pape qui feroit élû ; & tous les cardinaux firent ferment de s'y conformer. Dans le troifiéme jour on alla aux fcrutins, après la messe du Saint-Elprit. Les cardinaux de Boulogne & de Sienne ( ce dernier étoit Æneas Sylvius) furent ceux qui eurent le plus grand nombre de voix. Tous les

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autres n'en eurent pas plus de trois. Guillaume cardinal de Rouen n'en eut aucune, foit qu'il ne fût AN. 1458. pas aimé, foit qu'on ne le jugeât pas capable de bien gouverner l'églife.

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LVII.
Le cardinal de

Quoique les cardinaux ayent coûtume de conferer ensemble après les fcrutins pour voir fi quelqu'un veut changer de fentiment, ce qu'on appelle aller à l'acceffit, on n'en ufa pas ainfi ce jour-là: ce qui donna beaucoup de chagrin à ceux qui croyoient avoir le plus de part à l'élection. Après le dîné on fit des conventicules où les plus puiffans briguerent des voix pour leurs amis, & employerent les prieres,les promeffes, & même les menaces. Enfin les cardinaux agissoient avec tant de chaleur, qu'ils ne fe donnoient aucun repos. Le cardinal de Roüen qui craignoit celui de Sienne plus que les autres, disoit chacun en particulier: A quoi penfez-vous de vouloir élever au fouverain pontificat Enée Picco- Rouen fe déclare lomini? Ne voyez-vous pas qu'il eft pauvre, & goutteux ? Sa fanté pourra-t'elle fupporter les poids de cette charge? Que fçavons-nous fi l'inclination qu'il a pour l'Allemagne, d'où il n'eft revenu que « depuis peu de jours, ne l'obligera point d'y tranf ferer le fiége de faint Pierre? Peut-on dire que cet homme ait la moindre teinture desibelles lettres & du droit canon? Un poëte comme lui eftil propre à gouverner l'églife? Il voudra la regir fuivant la loi des gentils. Voudriez-vous donner auffi votre voix au cardinal de Boulogne qui n'a pas aflez d'esprit pour gouverner fa propre églife, & qui manque de la docilité néceffaire pour fuivre un bon confeil?

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contre Eneas Syl

vius.

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Ce cardinal avoit attiré dans fon parti celui d'ALAN. 1458. vignon, homme entreprennant & interelé,qui agiffoit fortement en fa faveur, tant parce qu'il étoit François, que parce qu'il efperoit gagner par cette élection, l'archevêché de Rouen, le palais que ce cardinal avoit à Rome, & la charge de vice-chancelier qu'il poffedoit. Il avoit auffi mis de fon côté les cardinaux de Genes & de faint Sixte, qui tous deux avoient été de l'églife Grecque. Profper Colonne, les cardinaux de Pavie, de Boulogne, des Urfins & de faint Anastase ne s'étoient pas encore déclarez. Ainfi il étoit affuré d'onze voix, & il étoit à préfumer qu'il s'en joindroit quelqu'autre pour faire la douzième. La veille du fcrutin le cardinal de Boulogne alla trouver Enée Piccolomini à minuit, & lui dit: Sçavez-vous que le cardinal de Rouen va être pape le cardinal de pape? Sa brigue eft faire, il n'attend plus que le jour du fcrutin; je vous confeille de vous lever promptement, & de l'aller trouver pour lui offrir → votre voix, de peur qu'il ne conferve quelque ref fentiment de ce que vous avez été fon concur» rent. Pour moi je veux éviter le malheur qui m'arriva au dernier conclave. Callixte III. ne m'a jamais été favorable; je vous donne aujourd'hui le même confeil que je veux fuivre. «!

LIX.

On pense à élire

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LX.

Piccolomini fur cette élection.

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Piccolomini lui répondit, qu'il pouvoit faire ce Sentiment d'Enée qu'il voudroit, mais que pour lui il ne vouloit pas donner fon fuffrage à un homme qu'il trouvoit fi indigne de ce facré caractere. «Dieu me garde, con»tinua t-il, de commettre un fi grand peché; si d'autres lui donnent leurs voix, ce fera à eux à en

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rendre compe: pour moi je n'en veux pas char- « ger ma confcience. Vous dites qu'il eft fâcheux de « AN. 1458, ne point avoir le pape pour ami; j'en conviens: mais que me fera-t-il? Il ne me tuera pas pour lui avoir refufé ma voix; il ne me fera pas de bien, il ne me donnera ni pension, ni le plat des cardinaux pauvres, & il m'abandonnera dans ma mifere; voilà tout ce que j'ai à craindre. La pauvreté n'est pas difficile à supporter quand on s'y est accoûtumé, j'ai vêcu pauvre, & je mourrai pauvre; il ne m'empêchera pas le commerce des mufes qui me « fervent de confolation dans ma mauvaife fortune. Au refte je ne puis pas croire que Dieu veuille permettre que son épouse bien-aimée ait un chefsi indigne d'elle, & qu'un homme convaincu de fimonie devienne fon vicaire fur terre: Il ne permettra pas que ce palais qui a été la demeure de tant « de faints papes, serve de logement à un ambitieux qui ne pense qu'aux honneurs & aux biens temporels. C'eft Dieu qui donne le pontificat & non pas les hommes: il détruira ces brigues injuftes; demain on verra clairement que c'est lui qui fait les papes; fi vous êtes véritablement chrétien, vous << ne donnerez pas votre voix à un homme fi indigne. de ce rang.

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Ces paroles firent un fi grand effet fur l'efprit du cardinal de Boulogne,qu'il changea auffi-tôt de fentiment, & promit de ne point donner fa voix au cardinal de Rouen. Le lendemain de grand matin Piccolomini alla trouver le vice-chancelier, & lui demanda s'il étoit auffi engagé dans le parti de l'archevêque de Roüen; ce cardinal lui répondit qu'il n'a

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voit pû s'en défendre, parce que fa brigue étoit fi AN. 1458. forte, qu'il n'y avoit point à douter de fon élection, que s'il la traversoit mal-à-propos, il ne feroit que s'attirer la haine du nouveau pape, & perdroit la charge de vice-chancelier dont il étoit affuré par écrit, en donnant fa voix au cardinal de Rouen. Vous n'avez guere de penétration, lui repartit Enée, de vous fier à l'écrit d'un homme qui n'a ni foi ni religion: gardez votre promeffe, & le cardinal d'Avignon aura la chancelerie qui lui est promise auffi-bien qu'à vous, il y a apparence qu'il manquera bien plûtôt de parole à un Espagnol, qu'à un homme de fon pays. Seriez-vous allez foû pour donner votre voix à un jeune homme qui eft d'une nation ennemie de la vôtre? Si vous n'avez aucun égard au bien de l'église & de la chrétienté, confiderez votre interêt particulier, & voyez ce que vous avez à craindre fous le pontificat d'un pape François. «

LXII.

cardinal de Pavie

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Le vice-chancelier écouta affez patiemment la Son difcours au remontrance de son ami, sans lui rien repliquer : & vice-chancelier. Piccolomini voyant que le cardinal de Pavie l'avoit écouté avec beaucoup d'attention, lui dit qu'il connoiffoit bien qu'il étoit tellement engagé avec le cardinal de Rouen, qu'il ne pouvoit plus s'en dédire. Il eft vrai, lui répondit ce cardinal, que j'ai promis de donner ma voix pour n'être pas feul de » mon parti, étant affuré que l'archevêque de Rouen fera pape. Je croyois, reprit Piccolomini, que vous aviez un efprit plus folide, vous dégenerez des vertus de vos ancêtres; votre oncle Martin Brando cardinal de Plaisance, voyant que le pape

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