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Jean XXIII. avoit paffé les Monts, & retourné en Allemagne, où il avoit voulu transferer le faint « AN. 1458. fiége fous prétexte du concile affemblé à Constance, usa de tant d'adresse, qu'il le fit revenir en Italie, en élevant au pontificat le cardinal Colonne qui prit le nom de Martin V. De forte que pour combattre les fentimens de votre oncle qui rame- « na le pape d'Allemagne en Italie, vous voulez « d'Italie le faire paffer en France: vous qui êtes Italien, vous voulez prendre le parti des François contre ceux de votre nation. Esperez-vous qu'il vous favorifera plûtôt que ceux de fon pays? Vous me diriez peut-être qu'il a promis de ne point fortir d'Italie fans le confentement du facré collége, & qu'il ne pourra obtenir ce confentement. Mais, dites-moi de grace, quand il voudra fortir d'Italie, « y aura-t-il un cardinal affez hardi pour combattre fes fentimens? Vous ferez le premier qui, après en avoir reçu quelques graces, lui dira: Saint pere, allez où il vous plaira. Qu'est-ce que l'Italie quand un pape en eft abfent? Elle perd tout fon luftre en .. perdant le pape: & cependant vous consentirez à ce qui doit ruiner votre patrie: ou le pape ira en France, & l'Italie demeurera fans chef & fans pafteur: ou s'il demeure à Rome,nous aurons le chagrin de voir cete ville autrefois la maîtresse du monde foumise à un étranger : nous deviendrons les esclaves des François qui s'empareront de la Sicile. Vous avez vû que fous le pontificat de Callixte, les Catalans étoient maîtres de tout. Après » avoir éprouvé la tyrannie des Espagnols, vous

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AN. 1458.

XLIII.

Le cardinal de

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voulez-vous foumettre aux François : Vous vous Lepentirez bien-tôt de leur avoir donné entrée en Italie. Vous verrez le collége des cardinaux rempli de François; ils s'y rendront fi puissans, qu'il n'y aura plus de papes que de leur nation. Vous voulez donc donner des fers à votre patrie? A quoi fongez-vous de vouloir établir vicaire de JE→ SUS-CHRIST, un homme comme l'archevêque de Roüen? Eft-ce avoir de la confcience, & le moindre fentiment de pieté & de juftice? N'est-ce pas » manquer de prudence & de jugement? N'avezvous pas dit plufieurs fois que l'église de Dieu se» roit ruinée, fi elle étoit gouvernée par ce cardinal, & que vous aimeriez mieux mourir que de confentir à son élection ? Pourquoi donc avez-vous fi-tôt changé de fentiment? Eft-ce que dans un instant, de démon qu'il étoit, il eft devenu un an»ge? ou vous-même d'ange de lumiere,êtes-vous de- yenu ange des tenébres? Il faut que ce changement > fe foit fait en vous, puifque vous approuvez l'avarice & l'ambition de cet homme. Qu'eft devenu l'amour que vous aviez pour votre patrie, que vous préferiez autrefois à toutes les nations de la » terre? J'aurois crû que vous ne l'auriez jamais abandonné, quand même vous auriez vû vos plus chers amis fe révolter contre elle, Vous m'avez bien trompé, ou plûtôt vous vous trompez vousmême, & vous trompez votre patrie, si vous ne Pfortez de cette erreur. «

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Le cardinal de Pavie fut fi touché de ces paroles, Pavic fe départ de qu'il ne put s'empêcher de répandre des larmes : & après quelques foupirs: Vous me rendez confus,

Parchevêque de

Rojen.

dit-il,

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AN. 1458.

dit-il, mais que puis-je faire ? j'ai donné ma parole, si j'y manque, je passerai pour un hommesans foi. Hé bien, reprit Piccolomini, aimez-vous mieux « trahir votre patrie que le cardinal de Rouen?« Ces paroles acheverent de convaincre le cardinal de Pavie, & il promit de fe départir de la brigue des François. Celui de Sainte Marie la Neuve ayant appris les brigues qu'on faifoit pour le cardinal de Roüen, qu'il haïffoit extrémement, & n'efperant pas d'être élevé au fouverain pontificat, fit affembler tous les cardinaux Italiens, à la réferve de Profper Colonne, dans la chambre du cardinal de Genes. Après leur avoir fait entendre les maux que l'on avoit à craindre, fi l'on élifoit le cardinal de Rouen, il les exhorta à faire paroître de la fermeté, à s'attacher plûtôt au bien de l'église & de l'Italie, qu'à leurs interêts particuliers, & leur propofa Enée Piccolomini cardinal de Sienne, qui étant Italien & homme de Neuve propofe mérite, étoit plus capable qu'aucun autre de remplir cette place. De fept cardinaux qui étoient préfens, il n'y eut que Piccolomini qui combattit cette propofition, fe confessant absolument indigne d'un rang fi élevé.

Peu de tems après on commença la messe, & quand elle fut achevée on alla au scrutin. On mit un calice d'or fur l'autel, & les cardinaux de Rimini, de Roüen & Colonne s'en approcherent pour examiner fi tout fe paffoit dans l'ordre. Les autres cardinaux prirent leurs places, & fe leverent les uns après les autres fuivant leur rang d'ancienneté, pour aller mettre dans le calice le bulletin fur lequel ils avoient écrit le nom de celui à qui ils donnoient Tome XXIII. G

LXIV.
Le cardinal de
Sainte Marie la

Enée Piccolomini.

leur voix. Piccolomini y étant allé à son tour, le AN. 1438. cardinal de Rouen qui fçavoit bien qu'il lui étoit contraire, ne put s'empêcher de lui dire: Souvenezvous de moi dans cette occafion. Ce qui marquoit fon imprudence, puifque dans ce moment on ne pouvoit changer ce qui étoit écrit. Piccolomini ne lui répondit que ces paroles: Quoi vous vous adres fez à moi qui ne fuis qu'un petit ver de terre. Enfuite il reprit la place. Le fcrutin étant achevé, on mit la table au milieu de la chambre,& les trois carferutin pour l'élec- dinaux qui étoient auprès de l'autel, prirent le cali& le renverferent fur cette table. En même tems on lut tout haut les noms de ceux qui étoient écrits dans les bulletins, afin qu'il n'y eût point de tromperie; & l'on trouva que le cardinal de Sienne avoit neuf voix, celui de Rouen fix, & les autres. beaucoup moins.

LXV.

On procede au

tion d'un pape.

ce,

Mais comme aucun n'avoit le nombre fuffifant, tous les cardinaux reprirent leurs places, pour voir fi à l'acceffit ils pourroient s'accorder, ce qui donna quelque efperance au cardinal de Rouen, quoique dans la fuite il n'en tira aucun avantage. Ils gardoient tous un profond filence; les plus jeunes attendant que les anciens parlaffent. Enfin le vicechancelier fe leva, & dit qu'il donnoit fa voix à Piccolomini; ce qui fut un coup de foudre pour le cardinal de Rouen. Le filence recommença encore pendant quelque tems, les cardinaux ne faisant connoître leurs penfées que par le mouvement de leurs yeux. Ceux qui avoient quelque prétention, voyant qu'on alloit élire Piccolomini,fortirent fous differens. prétextes. Dans le même tems Jacques cardinal de:

AN. 1458.

LXVI. 'Enée Piccolomini

faint Anastase se déclara encore pour lui:ce qui confterna beaucoup ceux du parti contraire, parce qu'il ne lui falloit plus qu'une voix. Profper Colonne voulant avoir la gloire de le faire pape, fe leva pour lui donner la fienne. Mais les cardinaux de Nice & de Roüen l'arrêterent,lui reprochant qu'il leur manquoit de parole, parce qu'il avoit déja donné sa voix au cardinal de Rouen. Ce reproche ne lui fit pas changer d'avis, il dit hautement qu'il fe déclaroit cardinal de Sienne pour Piccolomini, & en même tems tous les autres prend le nom de le faluerent en qualité de pape. Ils reprirent enfuite Pie. leurs places, & confirmerent fon élection d'un commun confentement. Piccolomini qui n'avoit que cinquante-trois ans, fut ainfi élû le vingt-septiéme du mois d'Août de cette même année, & prit le nom de Pie II.

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Saint pere,

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eft élû pape & >

LXVI.

Difcours que lui

farion.

Quelques momens après le cardinal Beffarion prenant la parole tant pour lui que pour les autres par fait le cardinal Bef tifans du cardinal de Rouen, s'adreffa au nouveau pape, & lui parla en ces termes: nous reffentons tous une joye parfaite de votre « exaltation; & il eft aifé de voir par le choix qu'on vient de faire de votre perfonne, que c'est le SaintEfprit qui préfide dans tous les conclaves, & qui conduit les fentimens des cardinaux suivant le but qu'il s'eft propofé dans le gouvernement de fon églife. Si d'abord nous avons eu des pensées différentes, c'étoit dans la crainte que vous ne puiffiez " résister aux fatigues qui accompagnent cette dignité, ayant une fanté peu affurée,& étant souvent « incommodé de la goutte. Il nous fembloit que dans les périls dont l'églife eft menacée pendant la guerre

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