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Les états ne furent pas plûtôt congediez, qu'on fit tous les préparatifs néceffaires pour le facre de fa majefté, qui fut fait à Reims le trentiéme de Mai, & où fe trouverent le duc d'Orleans, le duc d'Alençon le feigneur de Beaujeu, le comte dauphin d'Auvergne, le comte de Vendôme, & Philippe de Savoye comte de Breffe, qui reprefentoient les fix pairs laïques, le maréchal de Gié faifant la fonction de connétable. Après cette cérémonie le roi vint à Paris, y fit fon entrée, renouvella l'ancienne alliance avec le roi d'Ecoffe, confirma celle qu'on avoit déja faite avec les Suiffes, rappella plufieurs feigneurs exilez, retablit quelques familles dans leurs biens qu'on avoit confifquez, & menagea un accomodement entre Jean de Foix comte de Narbonne, & la princeffe de Viane, qui étoient fort broüillez ensemble, jusqu'à vouloir prendre les armes, & en venir à une guerre

ouverte.

Le duc d'Orleans qui étoit revenu de Bretagne pour affifter aux états & à ce facre, fupportoit avec peine que toute l'autorité fût entre les mains de la comteffe de Beaujeu; il fe rendit à Tours & de-là à Paris, où il travailla à fe faire un parti confiderable; il affifta avec affiduité au confeil. Mais pour contredire la gouvernante du royaume, & afin de gagner les grands, il leur répréfentoit qu'elle avoit fupplanté le duc d'Orleans, & que c'étoit un affront qui réjailliffoit fur eux. La cour étoit alors à Melun; le duc s'y rendit, & étant entré dans une par tie de paume qu'on joüoit devant le roi, une conteftation qui furvint fur un coup, obligea de conTome XXIII. LIII

AN. 1484.

CLIX Saere du roi

Charles VIII.

CLX.
On a deffein

d'arrêter le duc
d'Orleans, qui fe

retire à Verneuil.

fulter ceux qui étoient préfens. La comteffe de BeauAN. 1484, jeu qui étoit du nombre décida contre le duc quí en fut fi irrité, qu'il s'échappa en injures groffieres contre l'honneur & la réputation de la gouvernante.. Celle-ci ne voulant pas laiffer un fi mauvais traite. ment impuni, affembla extraordinairement le con feil, & on conclut d'arrêter le duc d'Orleans. Mais il prévint le coup, & fur l'avis que lui en donna Jean de Louvain un de fes gentilshommes, il se retira à Verneuil dans le Perche, auprès de René duc d'Alençon.

CLXI.

Un grand nom

joignent à lui.

Dans fa retraite il ne penfa qu'à lever des troubre de feigneurs fe pes, & fon crédit joint à celui du duc d'Alençon, alla jufqu'à mettre fur pied cent lances & de l'infanterie à proportion. Son parti devint puiffant, & le comte de Dunois y fit entrer des personnes dont la comteffe de Beaujeu fe défioit le moins. Celui dont: l'inconftance la furprit davantage,fut le duc de Bourbon fon beau-frere,qu'on venoit d'élever à la charge de connétable de France; elle apprit qu'il affembloit: pour le duc d'Orleans des troupes en Auvergne, que le comte d'Angoulême faifoit la même chofe en Poitou ; & que les feigneurs de Foix & d'Albret étoient d'intelligence avec eux; enfin que le prince d'Orange & le duc de Lorraine qui étoient alors en cour, favorifoient fon ennemi, & étoient. de fon complot. Il falut en prévenir les fuites fàcheuses, & le meilleur remede qu'elle y put appor. ter, fut de veiller fur les démarches de ces feigneurs, d'éloigner de la perfonne du roi ceux qui lui étojent.contraires, & d'envoyer ordre aux gou

verneurs des places des frontieres de Bretagne, de prendre garde à tous ceux qui pafferoient dans cette province, parce qu'on ne doutoit point que le duc d'Orleans n'y mît fa principale reffource. On arma auffi quelques vaiffeaux pour croifer fur ces côtes, & l'on envoya des troupes pour s'oppofer au paffage de celles que les ducs de Bourbon & d'Angoulême avoient affemblées.

Ces démarches déconcerterent le duc d'Orleans, qui écouta quelques personnes affidées qu'on lui avoit envoyées pour le ramener à la cour, elles lui promirent de le réconcilier avec la comteffe de Beaujeu, & de lui faire expédier une amniftie pour plus de fureté. Quelque mauvaise opinion qu'il eût de cette comteffe pour croire qu'elle facrifiât de bonne foi le défir de fe venger au repos public, il ne laissa pas de partir après avoir pris toutes les furetez, & de la venir trouver à Evreux, parce qu'il craignoit qu'on ne l'investît dans Verneüil; il eut une entrevûë avec la dame de Beaujeu; mais commençant à craindre pour sa perfonne, il partit brusquement & fe retira à Blois, pour y prendre avec les amis les mesures nécessaires à fes projets. Le comte de Dunois lui conseilla de commencer par la prise d'Orleans qui étoit la capitale de fon appanage. Ses raifons étoient que par-là les mécontens établiroient leur reputation, & que leurs troupes feroient en fureté fous le canon de cette place jufqu'à ce qu'ils euffent été renforcées par d'autres ; & ce confeil fut fuivi.

Mais comme la cour avoit pénetré les deffeins du

LIII ij

Av. 14840

Saint-Gelais, vie

de Louis XII.

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duc; on envoya promptement dans cette ville Imbert de Batarnay fieur de Bouchage pour confirmer la bourgeoifie dans la fidelité du roi. Le fuccés de fa commiffion fut fi heureux, que quand les envoyez du duc arriverent pour demander qu'on y reçût fes troupes, la bourgeoifie ferma les portes de la ville, fe mit fous les armes, & affembla le confeil, où il fur résolu tout d'une voix de ne pas entendre ces dépu tez fans le confentement de la cour. Le duc d'Orleans y vint lui même ; mais on lui fit le même compliment de deffus les murailles ; on lui répondit qu'on étoit au défefpoir de l'incivilité dont on ufoit à fon égard, mais qu'on ne pouvoit fe difpenfer d'obeir au roi dont on venoit de recevoir les ordres là-deffus. Comme le duc n'avoit pas une armée affez nombreufe pour forcer la ville, n'étant compofée que de huit mille hommes d'infanterie, & d'environ trois mille chevaux, il-fe retira à Beaugency pour at tendre les troupes qu'on lui levoit en Auvergne & en Poitou. Peu de tems après il vint à Paris pour tâcher d'engager le parlement dans fes interêts. Ce fut Denis le Mercier fon chancelier qui porta la parole, les chambres affemblées; il exagera beaucoup l'ambition. démefurée de la comteffe, & fe plaignit qu'on eût attenté à la vie du duc. Mais Jean de la Vacquerie pre-miet président, bien loin d'applaudir à son discours', exhorta le prince à rentrer dans fon devoir, & à confiderer ce que la qualité de prince du fang exigeoit de lui, c'est ce qui le fit retourner à Beaugency, où il apprit que l'armée du roi commandée par le seigneur de la Trimouille s'avançoit vers Orleans..

AN. 1484

CLXIII.

L'armée du roi va attaq et le duc.

d'Orleans.

La comteffe de Beaujeu crut qu'il étoit absolument néceffaire de mener le roi contre le duc d'Orleans, quand ce ne feroit que pour obliger la meilleure partie de fes troupes à le quitter, quand elles verroient qu'il leur feroit autrement impoffible d'éviter le crinie de rebellion, puifqu'elles combattoient contre leur roi. La cour arriva devant Beaugency avant que le duc d'Orleans eût le tems de fe forti fier. L'armée royale étoit beaucoup fuperieure à celle du duc; & le comte de Dunois fentit le befoin d'un prompt accommodement pour éviter une ruine entiere. Il perfuada au duc d'envoyer un héraut à la Trimouille pour entrer en négociation. Le genéral y confentit, & fur ce confentement on lui envoya le comte de Dunois pour traiter au nom du duc. La Accommodement Trimouille qui avoit reçu les inftructions de la duc d'Orleans. cour, demanda que le duc d'Orleans renvoyât ceux qui l'avoient fuivi, & qu'il remît Beaugency au roi. Ce qui lui fut accordé; mais avant que fa majefté ratifiât le traité on y ajouta deux autres articles. L'un, que le comte de Dunois feroit relegué de-là les Alpes, & confiné dans la ville d'Aft en: Piémont, jufqu'à ce qu'il plût au roi de le rappeller; l'autre, que le duc d'Orleans fe retireroit dans la ville capitale de fon appanage, après avoir désarmé & renvoyé fes troupes.

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CLXIV.

entre le roi & le

Quelques dures que fuffent fes conditions, il fal- Belcar in vita ducis s lut s'y foumettre, & le comte de Dunois qui gouver- Aureliani ibi. 4«noit abfolument le duc d'Orleans, & qui étoit fi avant dans fa faveur, qu'ils ne pouvoient fe paffer L'un de l'autre, fe fit un merite de s'en féparer,&

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