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veté du tems qu'il avoit donné, ni à l'incommodité des chemins, puisqu'on étoit convenu du contraire, AN. 1459. Que pour lui, quoique malade & accablé d'infirmitez, il avoit méprifé & les fatigues du Mont Apennin, & les rigueurs de l'hyver, fans que les agremens de Rome euffent pû l'arrêter dans un tems où cette ville avoit befoin de fa préfence. Qu'il avoit abandonné le patrimoine de l'église, non sans danger pour venir au fecours de la foi catholique opprimée par les Turcs. Qu'on voyoit leur puiflance s'augmenter de jour en jour: qu'ils avoient porté leurs armes dans la Grece & l'Illyrie, qu'ils avoient ravagé la Hongrie. Que pour obvier à tous ces maux il avoit convoqué cette affemblée, à laquelle il avoit invité les princes & les peuples, afin qu'unis ensemble ils concourruflent à la défense de la religion. Qu'il étoit Comment: Pii II. venu à Mantouë plein de cette esperance, & qu'il voyoit avec douleur qu'on ne répondoit point à fon zele. Qu'il étoit honteux de voir une fi grande négligence parmi les chrétiens, les uns ne s'adonant qu'au plaifir, & les autres étant retenus par leur avarice. Les Turcs, dit-il, s'expofent volontiers à la mort « pour le foûtien de leur damnable secte; & nous « autres nous ne pouvons rien fouffrir, ni faire la moindre dépente pour l'évangile.

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ככ

Le

pape

се

fut

écouté avec beaucoup d'attention, & chacun applaudit à fon zele, fur-tout lorfqu'il protefta qu'il ne fortiroit point de Mantoue, qu'il n'eut des preuves du courage & de l'affection des princes, afin de travailler de concert avec eux au bien de la Chré

tienté: que s'il étoit obligé de s'en retourner, il ne quitteroit jamais le dessein de défendre la religion,,

lib. 3

& qu'il expoferoit volontiers fa vie pour les peuples AN. 1459. que Dieu lui avoit confiez.

ct.

Le pape écrit aux

Mantouë.

Comm. Pii II. 1. 2.

Le premier foin du fouverain pontife après l'ouverture de cette affemblée fut d'écrire à l'empeprinces, & les exe reur, au roi de France, aux ducs de Savoye & de horte à venir à Baviere, aux Venitiens, aux Florentins & à d'autres, pour les exhorter à venir eux-mêmes à Mantouë, ou du moins à y envoyer leurs ambassadeurs. Sur ces entrefaites on vit arriver les députez de Thomas prince du Peloponese, un des freres du défunt empereur des Grecs Constantin, & qui avoit privé fon autre frere Demetrius d'une grande partie de fes états, & mis en fuite les Turcs. Ils venoient pour demander au pape du fecours, affurant à sa sainteté qu'avec trois cens hommes ils chafferoient les Turcs Gobelin. Perfona. de l'Ifthme. Comme ce qu'ils demandoient n'étoit pas de conféquence, on le leur accorda fans peine. Ils partirent avec ces trois cens hommes d'infanterie, & s'emparerent d'abord de la ville de Patra; mais la divifion s'étant mise parmi eux, ils furent auffi-tôt difperfez ce qui fut un mauvais préfage pour la Chalcond. biff. des fuite. Quant au prince Demetrius, il fe retira à LaPhranz. L. 3.c. 12. cedémone, & fut obligé de fe foumettre à Mahomet qui prit fa fille pour la mettre au nombre de fes femmes. Thomas fon frere ayant tout perdu, s'en alla dans l'ifle de Corfe, & de-là il vint trouver le pape. L'affemblée de Mantouë augmentoit tous les jours fieurs ambaffa par l'arrivée de plusieurs ambassadeurs. On y vit deurs à Mantouc. ceux des ifles de Chypre, de Rhodes & de Leibos, d'Albanie, de l'Epire, de la Bofnie, & de tous les confins de l'Illyrie qui venoient demander du fecours. Mais il n'y eut que les peuples de Ragufe qui

Turcs, liv. 9.

CII.

Arrivée de plu

:

Leunclav. lib. 35.

promirent d'affifter tous ces états contre les Turcs, fuivant leurs facultez. Quoique le roi de Bohême eut AN. 1459. fecretement fait alliance avec Mahomet, il ne laissa pas auffi d'envoyer les ambassadeurs à Mantouë; le prince étant allé peu de temps auparavant trouver Matthias roi d'Hongrie, l'engagea fous l'apparence de belles promeffes à le fecourir contre les Turcs, à permettre que fon fils entrât dans Synderone bourg très-bien fortifié fur les bords du Danube. Mais quelques mois après il livra la place à Mahomet, moyennant une fomme d'argent confiderable ; ce qui chagrina plus les Hongrois que la prife de Conftantinople, parce que ce bourg étoit le paffage de la Rafcie en Valachie, par lequel on pouvoit aisément porter la guerre chez les infidéles.

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ambaffadeurs fuz

Sur une dispute qui s'éleva dans cette affemblée Difpute entre les entre les ambaffadeurs des rois, & ceux des ducs, la prefféance.. les uns ne voulant pas céder le pas aux autres, & chacun prétendant s'attribuer les premieres places, le pape fit un decret par lequel il ordonnoit que les prefféances ne feroient aucun tort à ceux qui fe. roient dans un rang plus bas, & que ceux qui feroient dans les premieres places ne le prévaudroient point contre les autres : mais ce réglement ne rétablit pas la prix. L'ordre épiscopal souffroit auffi avec beaucoup de peine de voir qu'on leur préferoit les notaires apoftoliques qui étoient placez entre les évêques, fuivant la coutume de la cour Romaine. Le pape eut égard aux plaintes qu'on lui en fit,& fans écouter les remontrances des notaires qui prétendoient que la prefléance dont ils joüiffoient étoit une loi facrée à laquelle on ne pouvoit apporter aucun chan

gement fans fcandale; il jugea que c'étoit un abus AN. 1459. & non pas une coutume, que les notaires fuffent mêlez avec les évêques, & défendit ce mélange par une bulle datée de Mantouële trente-uniéme de May, à 2. Pii. II. conftit. laquelle tout le monde applaudit. Les notaires malgré eux fe foumirent à cette loi. Cette bulle préceda le decret touchant la prefféance, qui ne fut rendu que le quinzième du mois d'Août.

Extat bulla tom.

CIV. Premiere féance

Tout ayant été ainfi reglé, on indiqua la prede l'assemblée de miere féance de cette affsemblée au neuviéme de Septembre, comme on le voit dans les lettres du pape à Jean de Carvajal fon légat en Hongrie, datées de

Mantouë.

Labbe. tom. 13.

veille. La raison qu'en rend fa fainteté, eft que prefque tous les ambaffadeurs des princes chrétiens étoient arrivez, qu'on attendoit inceffamment les ducs de Milan & de Modene qui avoient promis d'arriver vers le milieu du mois; que dans peu l'on verroit les ambassadeurs de France, d'Angleterre & de Collect, concil. P. Bretagne. Cependant quelques - uns manquerent. Philippe duc de Bourgogne ne pouvant s'y trouver en perfonne, quoiqu'il l'eût promis, envoïa en fa place le duc de Cleves fils de fa four, avec un celebre cortege de feigneurs. Le pape envoïa au-devant de lui deux cardinaux qui d'abord refuferent, prétendant que c'étoit abaisser leur dignité, qui égaloit, difoient-ils, celle des rois. Mais le faint pere le r aïant remontré que l'empereur qui n'étoit pas moins qu'eux, alloit fouvent lui-même au-devant des ducs & des marquis, ils fe rendirent. Cet ambassadeur arduc de Bourgogne riva donc accompagné de ces deux cardinaux, & fut eft reçu à l'affem- adinis dans l'affemblée. Il prit féance, & dit que le duc de Bourgogne loüoit fort les grands deffeins

CV.

L'ambaffadeur du

blée.

du

guerre

du pape; mais qu'il en croyoit l'exécution impoffible, parce qu'on avoit besoin de grandes forces AN. 1459. pour faire la à un ennemi aussi puiffant que le Turc; que l'Allemagne, la France & l'Angleterre étoient divifées, & qu'il falloit les réünir avant que de penfer à cette guerre.

CVI. Demandes du pa

contre les Turcs,

Quelques fpécieufes que fuffent les raifons du duc de Cléves, elles n'arrêterent point le zéle du pape. pe pour la guerre Il répondit qu'il étoit vrai qu'on avoit fait rarement la guerre en Orient fans les François qui s'étoient toujours diftinguez dans les faintes entreprises pour la religion, qu'il travailleroit à établir une paix folide entre eux & les Anglois : qu'il n'étoit pas fi aifé de pacifier l'Allemagne; que cette affaire demandoit du tems; mais qu'il ne défefperoit pas d'y réüffir pour peu qu'on fût bien intentionné ; que fi l'on differoit davantage, la Hongrie périroit entiérement ; que les Turcs une fois maîtres de ce royaume ne trouveroient plus d'obftacles pour entrer en Allemagne, de-là en Italie, en France & en Espagne, comme autrefois les Barbares avoient fait que les fe- b. 3. cours qu'on demandoit ne pouvoient pas épuifer les princes; qu'on exigeoit d'eux feulement que chacun contribuât à compofer une armée de cinquante à foixante mille hommes; qu'un plus grand nombre seroit inutile; que les rois pourroient prendre avec eux l'argent néceffaire pour l'entretien & la folde des troupes d'Hongrie, d'Allemagne, de Boheme & de Pologne, qui fous la conduite du légat du faint fiége défendroient la Hongrie & les provinces voifines, jufqu'à ce qu'on eût raffemblé toutes les forces. Que le duc de Bourgogne étant un des plus puiffans Tome XXIII.

L

Comment. Pii I

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