nouvelle maniére de les dire & de les écrire.

Quand les chofes font exquifes, elles ne lallent pas répetées même jufqu'à sept fois. Mais quoiqu'elles n'ennuient pas, elles ne font pas admirées. Ainfi, il est befoin de les affaifonner autrement, afin qu'elles excitent l'atention. La nouveauté eft careffante, elle charme le goût : & les objets fe renouvellent par le feul changement de ragoût; qui eft le véritable art de plaire.

Tel dira toutes les mêmes chofes qu'un autre, & néanmoins flatera par où l'autre ofenfoit. Tant il importe de favoir rencontrer le COMMENT Tant fert une belle maniére & nuit une mauvaife Or fi le manque de maniére eft fi remarquable, que fera-ce d'une pofitivement mauvaise, & choquante à deffein, & fur-tout en des gens, qui tiennent un pofte univerfel: Ce n'eft qu'un petit défaut que ton air rude, difoit un Sage; & pourtant il fufic , pour dégoûter chacun de toi. Au contraire l'agrément extérieur promet celui de l'ef prit; & la beauté cautionne la belle hu

meur.

La belle maniére fe plaît à dorer fi bien le WON, qu'il foit plus eftimé qu'un oui mal allaifonné. Elle fucre fi habilement les vé

ritez qu'elles paffent pour des careffes: & quelquefois qu'il femble qu'elle flate, elle défabuse, en difant aux gens, non ce qu'ils font, mais ce qu'ils doivent être.

Voyez la Maxime 267.

MAXIME XV.

Se fervir d'efprits-auxiliaires.

'EST Où confifte le bonheur des Grans, que d'avoir auprés d'eux des gensd'efprit, qui les tirent de l'embaras de l'ien leur débrouillant les afaires. gnorance, De nourir des Sages, c'eft une grandeur, qui furpaffe le fafte barbare de ce Tigranés, qui afectoit de fe faire fervir par les Rois qu'il avoit vaincus. C'eft un nouveau genre de domination, que de faire par adreffe nos ferviteurs, ceux, que la Nature a faits nos maîtres. L'homme a beaucoup à favoir, & peu à vivre ; & il ne vit pas, s'il ne fait rien. C'est donc une finguliere adreffe d'étudier fans qu'il en coûte, & d'aprendre beaucoup en aprenant de tous. Aprés cela vous voïez un homme parler dans une Affemblée par l'efprit de plufieurs; ou plu tôt ce font autant de Sages, qui parlent par La bouche, qu'il y en a, qui l'ont instruit

auparavant. Ainfi, le travail d'autrui fe fait paffer pour un Oracle, attendu que ces Sages lui dreffent fa leçon, & lui distillent leur favoir en quint effence. Au refte, que celui, qui ne poura avoir la fagelle pour fervante, tâche du moins de l'avoir pour compagne.

L

MAXIME XVI.

Le Savoir la droite intention.

'UN & l'autre enfemble font la fource

des bons fuccés. Un bon entendement avec une mauvaise volonté, c'est un mariage monftrueux. La mauvaise intention eft le poison de la Vie Humaine, & quand elle eft fecondée du favoir, elle en fait plus de mal. C'eft une malheureufe habileté que celle, qui s'emploie à mal faire. La fcience dépourvue du bon fens eft une double folie I.

1 Le Proverbe Espagnol

dir ». Ciencia es locura, 1 buen fè'o no la cura

獎項

MAXIME XVII.

Ne pas tenir toûjours un même procedé IL. eft bon de varier, pour fruftrer la curiofité, fur-tout celle de vos envieux. Car s'ils viennent à remarquer l'uniformité de vos actions, ils préviendront, &, par conféquent, ils feront avorter vos entreprifes. Il eft aife de tuer l'oïfeau, qui vole droit, mais non pas celui, qui n'a point de vol reglé. Il ne faut pas auffi toûjours rufer car, au fecond coup, la rufe feroit décou verte. La malice eft aux aguets, il faut beaucoup d'adreffe, pour fe défaire d'elle. Le fin joueur ne joue jamais la carte qu'atend fon adverfaire, encore moins celle qu'il defire,

PE

MAXIME XVIII

L'Aplication & le Génie.

ERSONNE ne fauroit être éminent, s'il n'a l'un & l'autre. Lorfque ces deux parties concourent ensemble, elles font un grand-homme. Un efprit médiocre qui s'aplique va plus loin qu'un efprit fublime, qui ne s'aplique pas. La réputation s'aquert à force de travail.. Ce qui coûte peu, ne vaut guére. L'aplication a manqué à quelques-uns, & même dans les plus

hauts emplois. Tant il eft rare de forcer fon genie! Aimer mieux être mediocre dans un emploi fublime, qu'excellent dans un médiocre, c'est un defir, que la générosité rend excufable. Mais celui-là ne l'eft point qui fe contente d'être médiocre dans un petit emploi, lorfqu'il pouroit exceller dans un grand. Il faut donc avoir l'art & le génie, & puis l'aplication y met la derniére

main.

Ariftote dit, que pour de

faut, que trois chofes y convenir habile homme en quel-courent, la nature, l'étude,&

que profeifion que ce foit, il

l'éxercice.

MAXIME XIX.

N'être point trop prôné par les bruits de

C

la Renommée.

EST le malheur ordinaire de tout ce qui a été bien vanté, de n'arriver jamais au point de perfection, que l'on s'étoit imaginé. La réalité n'a jamais pû égaler l'imagination, dautant qu'il eft auffi dificile d'avoir toutes les perfections, qu'il eft aifé d'en avoir l'idée 1. Comme l'imagination a le defir pour époux, elle conçoit toûjours

de, forme une haute idée, parce qu'il lui coûte moins de s'ima giner de grandes chofes, quà celui qui eft regardé, de los

1 Au chapitre 16. de fon | Héros, il dit la même chose en ces termes:Il faut un grand mérite, pour répondre à une grande atente.Celui,qui regar« 'faire,