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beaucoup au-delà de ce que les chofes font en éfet 2. Quelque grandes que foient les perfections, elles ne contentent jamais l'idée. Et comme chacun fe trouve fruftré de fon atente, l'on fe defabufe au lieu d'admi rer. L'espérance falfifie toûjours la vérité. C'eft pourquoi la prudence doit la corriger, en faifant en forte, que la joüiffance furpaffe le defir. Certains commencemens de crédit fervent à réveiller la curiofité, mais fans engager l'objet. Quand l'éfet furpaffe l'idée & latente, cela fait plus d'honneur. Céte régle eft fauffe pour le mal, à qui la même éxagération fert à démentir la médifance, ou la calomnie, avec plus d'aplau diffement, en faifant paroître tolerable ce qu'on croïoit être l'extrémité mêine du mal,

|

2 Cét Aforisme revient à aprés Omne ignotum pro ma celui de Tacite, quidit, que gnifico eft Etc'eften ce sens, l'on a to jours meilleure opi- qu'ildit,que ceux qui voïoiet nion des abfens. Majora credi Agricola, cherchoient en lui de abfentibus. Hift. 2 Et que ce qui pouvoit lui avoiraquis la Majesté eft plus respectée | tant de réputation. Vilo‘afde loin, que de prês. Majefta-pectoque Agricola quererent te falva,cui majorè longinquo reverentia. Ann. Tacite dit encore, que c'eft la coutume d'eftimer beaucoup ce qui eft inconnu. Paratu magno,majore fama,uti mos est deignotis. In Agricola. Et deux pages

famam. Ibidem. Le defir de l'homme, dit Juan Rufo x• poftegme 31. eft toujours un menfonge,. car bien qu'il trouve de quoi fe fatisfaire, il ne trouve jamais tout ce qu'il avoit pensé,

L

MAXIME XX.

L'homme dans fon fiécle.

Es gens d'éminent mérite dépendent des tems. Il ne leur eft pas venu à tous celui qu'ils méritoient; & de ceux, qui l'ont eu, plufieurs n'ont pas eu le bonheur d'en profiter. D'autres ont été dignes d'un meil leur fiécle. Témoignage, que tout ce qui eft bon, ne trionfe pas toujours. Les chofes du monde ont leurs faifons 1, & ce qu'il y a plus éminent, eft fujet à la bizarerie de l'U fage 2. Mais le Sage a toûjours céte confolation, qu'il eft éternel 3. Car fi fon fiécle lui eft ingrat,les fiécles fuivans lui font juftice4

Rebus cunctis ineft quidam welut orbis, ut quemadmodum temporum vices » ita morum vertantur.dit Tacite. Ann.. 2 Car, au dire du même Tacite, il faut s'accommoder au tems, & par conféquent à FUlage Morem accommodari Prout conducar. Ann. 12. Prefentia fequi. Hift. 4. Et ce Sémateur-là avoit raifon, qui difoit, que quelque admiration qu'il eût pour les anciennes coutumes, il fe fouvenoit toujours de la condition du tems, dans lequel il fe sencontroit.Se meminiffetem

de

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L

MAXIME X XI.

L'Art d'être heureux.

Il y a des régles de bonheur, & le bonn'eft pas toûjours fortuit à l'égard

du Sage; fon induftrie y peut aider 1. Quelques-uns fe contentent de fe tenir à la porte de la Fortune, en bonne pofture, & atendent qu'elle leur ouvre.D'autres font mieux, ils paffent plus avant à la faveur de leur hardieffe, & de leur mérite, & tôt ou tard ils gagnent la Fortune, à force de la cajoler. Mais, à bien filofofer, il n'y a point d'autre arbitre, que celui de la vertu, & de l'aplica tion. Car comme l'imprudence eft la fource de toutes les difgraces de la vie, la prudence en fait tout le bonheur 2.

¶r Chacun est fils de fes | qui lui reprochoit fa naifdit un Proverbe fance: Mon bras droit eft mon Pere.

'œuvres,

Caftillan. Un Espagnol répondit à un Seigneur Italien,

2

femita certè

Tranquilla per virtutem patetunica vite

Nallum numen abeft,fi fit prudentia Juv.Sat. 10&14

L'

MAXIME XXII.

Eftre homme de mife.

'ERUDITION galante eft la provifion des honnêtes gens. La connoiffance de toutes les afaires du tems, les bons mots dits à-propos, les façons de faire agréables, font l'Homme à la mode : & plus il a de tout cela, moins il tient du Vulgaire. Quel quefois un figne, ou un gefte, fait plus d'impreffion, que toutes les leçons d'un Maître fevere. L'art de converfer a plus fervi à quelques-uns, que les fept Arts libéraux enfemble,

empreffement. Céte fcience eft toute particuliére, car elle ne s'aprend nidans les Livres,

I Hercule (dit-il dans fon I tout,&même recherchez avec Difcret, chap. Hombre de planfibles noticias) a remporté plus detriontes par fa difcrétion, que par fa valeur. Les bril-ni dans les Ecoles, mais bien lans chaînons fortans de fa dans les téatres du bon goût, bouche lui ontatiré plus d'a- &fur-tout en ce fingulier amplaudiffemens, que les coups phitéatre de la diferétion. La de mafluë de fa redoutable premiére & la plus délicieufe main. Avec fa maffue, il ex- pirtie de céte érudition plauterminoit les monftres; avec file eft la connoiffance unifes chaînes, il enchaînoitles verfelle de tout ce qui fe paffe beaux efprits, les tenant a dans le monde; une routine gréablement fufpendus par la de tout ce qui eft en usage; force de fon éloquence. Il y a une obfervation des plus bel des hommes dotiez d'une cer les actions des Princes, des taine fcience de Cour, & de févenemens rares, des merje ne fai quelle érudition fa- veilles de laNature,& des exvoureufe & familiére, qui travagances de laFortune,El Lait,qu'ils font bien reçus par. I le tient regître de ce qu'il y a

tant la grace de la nouveauté
à l'excellence, fe font céder
l'aplaudiffement par les au-
tres. Il en eft du récit des bons
mots, dit Juan Rufo apofteg
me 310.commne de la vente de
la vieille vaiff lle d'argent,
où l'on perd la façon:car l'o
cafion, à laquelle ils ont été
dits la premiére fois, eft tou
jours de manque dans la répé.
tition, & par conféquent on
ne les admire plus. Outre que
ces bons mots, hors de leur
premiére place, font comme
des diamans hors de leur en-
chaffure, ou comme à la pau.
me,des bales prifes au fecond
bond Car des fentences moi-
fies, & des exploits furannez,
ne font plus de mife,que par
mi les Pédans & lesGrammć-
riens.

de bien penfé dans les Livres,
de curieux dans les Nouvel-
les, de judicieux dans les rai-
fonnemens, & de piquant au
wif dans les fatires. Le plus
grand ornement de l'homme
plaufible confifte dans une
parfaite intelligence des ma-
tiéress dans une connoiflance
à fond des principaux perfo-
nages de céte actuelle Tragi-
comédie de l'Univers, Il mar-
que fur les tablétes ce qui fe
trouve d'hétéroclire dans un
Prince, de fingulier dans un
Grand, d'afecté dans un tel,
& de vulgaire dans un autre
&par le moïen de céte anato
mie morale, il peut juger fai-
nement des chofes, & m fu.
rer la réputation fur le pié de
la vérité. Mais fur-tout il
fait un curieux recücil de tous
les bons mots, & de toutes les
galanteries, foit héroïques,
ou plaifantes des axiomes
des Sages: des traits malins
des Critiques des droleries
des Boufons. Agréable muni-
tion, pour conquérir le goût
de tout le monde. Les dits &
les faits d'autrui, dit il dans
de Héros, font dans un efprit
fécond des femences de fubti-
lité, lefquelles rendent en
fuite une abondante recoltede
bons mots. hap. 3. Et aprés
avoir dit, que l'homme plan
fible enregitre en caractéres
précieux les fentences de Fi-
lipe II & les apoftegmes de
Charlequint: Les plus nou
veaux, continue-t-il, ont le
plus de fel, & donnent toû
jours plus d'apêtit. Les faits
&les dits modernes, ajoû-¦

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Céte fcience à la mode ajoûte Gracian, a été quelquefois plus utile, que tous les Arts libéraux enfemble; & quelquefois l'on a plus ga. gné à favoir faire une létre, & à dire un mot bien à propos, qu'avec toute la fcience des Bartoles & des Baldes. Et demi-page aprés. Ne fois pas de ceux, qui fe fruftrent du plaifir de favoir, pour ôter aux autres la gloire d'enfeigner; ni de ceux, dont fe moque Horace, qui ont honte d'a-' prendre, & n'ont pas honte d'être ignorans. Cur nefcire, pudens prave, quam difcere malo? În Arte Poëtica. Et quelques lignes aprés: Quel ques-uns ne fe fervent de la vie qu'à minget, ils n'emploient jamais les faculte

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