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re de la prudence. 1. Une refolution déclarée ne fut jamais eftimée. Celui qui fe déclare, s'expofe à la cenfure: &, s'il ne réüffit pas,il eft doublement malheureux. Il faut donc imiter le procédé de Dieu, qui tient tous les hommes en fufpens. 2

1. Le plus fimple des animaux en poura tromper le plus fin, dit-il dans le ch..de fon Difcret, pourvu qu'il le taife, en fe contenrant de conferver la peau de fon apparence. Car on a toujours excepté les taciturnes du nombre des fots. Lefilence ne déguife pas Teulement ce qui eft défectueux, mais il le tourne même en mistérieux.

2 L'Auteur des Entretiens d'Arifte & d'Eugene aplique céte maxime aux Princes. Les Rois & les Princes dit-il dans fon 3. Entretien, pour être eftimez de leurs Sujets, & pour foûtenir leur caracté

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re, doivent être tout à fait maîtres de leur langue.Et c'e pour cela qu'Augufte avoit fait graver fur fon cachet un Sfinx, que les Egiptiens re connoiffent pour le Dieu du Secret & des Enigmes. Et quelques lignes aprés. Comme le Prince eft la plus vive image de Dieu fur la Terre, il doit être femblable à Dieu, qui gouverne le monde par des voies inconnues aux hommes, & qui nous fait tous les jours fentir les éfets de fa bonté & de fa justice, fans nous découvrir les deffeins de fa fax geffe.

MAXIME IV.

Le Savoir la Valeur font réciproque ment les grans-hommes.

Es deux qualitez rendent les homCes mes immortels, parce qu'elles le font. L'homme n'eft grand, qu'autant qu'il fait 1g

Le moindre jour de la vie d'un favant, dit Seneque, vaut mieux que toute la vie unignorant, quelque lon

gue qu'elle foit. Unus dies ho¬ minum eruditorum plus patet, quàm imperiti longissima atas Ep.78. Nul ne vit enhomme,

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& quand il fait, il peut tout. L'homme; qui ne fait rien, c'eft le monde en ténébres 2. La prudence & la force font fes yeux &fes mains. La fcience eft fterile, fi la valeur ne l'acompagne.

dit Gracian dans fon Difcret, finon celui qui fait, chap. Hombre de plaufibiles noticias. Un des Sages de Grecedifoit, que la fanté faifoit la félicité du corps; & le favoir, celle de l'efprit. Les Létres, difoit Je Pape Jules 11. font de l'argent dans les Roturiers; de for dans les Nobles; & des diamans dans les Princes.

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MAXIME V.

Se rendre toûjours néceffaire,

Ce n'eft pas

le Doreur qui fait un Dieu, c'est l'Adorateur. L'homme d'efprit aime mieux trouver des gens dépendans, que des gens reconnoiffans. Tenir les gens en efpérance, c'eft courtoifie; fe fier à leur reconnoiffance, c'eft fimplicité, Car il eft auffi ordinaire à la reconnoiffance d'oublier 1, qu'à l'efpérance de fe fouvenir, Vous tirez toûjours plus de celle-ci, que de l'autre. Dés que l'on a bû, l'on tourne le dos à la fontaine, dés qu'on a preffé l'oran

1 Parce qu'au dire de Ta- | eft à charge. Quia gratią oneri ·· cite, le fouvenir des bienfaits Hit, 4

ge, on la jete à terre. Quand la dépendan ce celle, la correfpondance ceffe auffi, & Feftime avec elle. C'est donc une leçon de l'expérience, qu'il faut faire en forte, qu'on foit toûjours néceffaire,& même à fon Prince ; fans donner pourtant dans l'excés de fe taire, pour faire manquer les autres ; ni rendre le mal d'autrui incurable, pour fon propre intérest.

¶ Un Ministre, qui veut | n'ait pas le tems de s'accoštu conferver fon crédit duit mer à fe paffer de lui, faire en forte que fon Prince

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MAXIME VI.

L'Homme au comble de fa perfection.

L ne naît pas tout fait, il fe perfectionne de jour en jour dans fes mœurs, & dans fon emploi, jufqu'à ce qu'il arrive enfin au point de la confommation. Or l'homme confommé fe reconnoît à ces marques: au goût-fin, au difcernement, à la folidité du jugement, à la docilité de la volonté, à la circonfpection des paroles & des actions. Quelques-uns n'arrivent jamais à ce point, il leur manque toûjours je ne fai quoi: & d'autres n'y arrivent que tard.

Dans fon Diferet il y a un Dialogue fur céte matiére,intulé, El hombre en fu punto,

Aprés avoir dit que le Ters eft un grand Medecin, tant pour être vieux, que pour

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être fort experimenté: J'ai obfervé, dit-il, qu'il va d'un pas fort inégal, en ce qui eft de rendre les hommes faits. C'eft, lui répond un Docteur, qu'il vole pour les uns, & qu'il boite pour les autres; c'eft qu'il fe fert tantôt de fes ailes, tantôt de fes bequilles, Il y a des gens, qui deviennent bien-tor parfaits en quoi que ce puiffe être;& d'autres, qui tardent fort à fe faire, & quelquefois au dommage pv. blic, parce qu'ils ne remplif., fent pas leur obligation.Car les hommes n'ont pas feulement à fe faire,quant à la perfection commune de la prudence;mais encore à fe pourvoir des perfections propres de chaque état & de chaque emploi. Un Roi fe fait donc | auffi? dit Gracian. Oui, répond le Docteur car il ne naît pas tout fait. C'eft là que la

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prudence & l'expérience ont
bien à travailler,un Roi aiant
besoin de mille perfections
pour arriver à un fi grand
accompliffement.Un Général
d'armée se fait aux dépens de
fon fang, & de celui d'au-
truisun Orateur, à force d'é-
tude & d'exercice.Iln'y a pas
jufqu'au Médecin, qui avant
que de tirer un homme du lit,
en jete centau cercueil. Enfin
tous les hommes font ocupez
à se faire, jufqu'à ce qu'ils.
arivent au point de leur per
fection. Mais ce point est-ik
fixe? demande Gracian.Non,
dit le Docteur; & c'eft-là le
malheur de nôtre inconftan-
ce. Il n'y a point d'état per
manent tout eft füjet a un
changement continuel. Ou
l'on croît, ou l'on décline
& à force de changer, on va
toujours en défaillant.

MAXIME VII.

Se bien garder de vaincre fon Maître.

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OUTE fupériorité eft odieufe; mais celle d'un Sujet fur fon Prince eft toûjours fole, ou fatale. L'homme adroit cache des avantages vulgaires, ainfi qu'une femme modefte déguife fa beauté fous un habit négligé. Il fe trouvera bien, qui voudra céder en bonne fortune, & en belle humeur; mais perfonne, qui veuille céder en efprit 1,

3. Au chap. 9.du Héros, il 1 dit, qu'il n'y a rien de plus

encore moins un Souverain. L'Efprit eft une qualité dominante, &, par conféquent, chaque ofenfe, qu'on lui fait, eft un crime de lefe-majefté. Les Souverains le veulent être en tout ce qui eft le plus éminent. Les Princes veulent bien être aidez, mais non furpaflez 2. Ceux, qui les confeillent, doi vent parler comme des gens, qui les font fouvenir de ce qu'ils oublioient, & non point comme leur enfeignant ce qu'ils ne lavoient pas 3. C'eft une leçon que nous font les Aftres, qui, bien qu'ils foient les enfans du Soleil, & tout brillans, ne paroiffent jamais en la compagnie.

dificile, que de fe défabufer de l'opinion que l'on a de fa capacité, & qu'il n'y a per fonne qui fe croie indigne du plus grand emploi. Plût à Dieu, continue-t-il, qu'il y cut des miroirs pour l'Entendement, comme il y en a pour le Vifage! L'Entendement fe trompe aisément, parce qu'il faut qu'il foit lui même fon miroir. Tout juge de foimê.ne trouve incontinent des excufes & des échapatoires, & fe laiffe fuborner à fa paffion. Votez la Note 2. de la

C'eft pourquoi, dés qu'il for
de retour àla maison: Mesen-
fans, dit il, nous n'a ons
ons plus
que faire à la Cour, il n'y fera
jamais bon pour nous, car le
Roi eft offenfé de ne m'avoir
pú gagner aux échets ( feu
ou tout dépend de l'efprit des
joueurs, & non du hazard.)

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3 C'est par céte adreffe que le Cardinal de Granvelle gagna les bonnes graces de Filipe II qui au raport de Strada, amabat modeftiamindicantus, non coactus (id quod Principi eft grave)commendare fapientiam docenti. Ajoûtez à 2 Un Seigneur Efpagnol, cela le confeil, qu'un Sénaaiant joué tres-long-tems aux teur Romain donnoit à un de échets avec Filippe II. & gafes Colégues, de ne fe point gné toutes les parties, s'aper-mêler de faire des leçons à um çut au fortir du jeu,que le Roi Prince d'âge & d'experience, avoit un profond chagrin. comme Vefpafien. Suadera

Maxime 34

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