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m'écarteroit trop de mon objet, les reflexions que je fais fur cet Article à la fin du Traité de l'Idolatrie, fuffifent pour en donner une idée exacte. Après tout, que peut-on conclure des differents partis où fe jetterent les Celfes, les Jambliques, les Porphyres, & quelques autres, finon que ces Philofophes,. pour diminuer l'abfurdité & la groffiereté de l'Idolâtrie dominante, & fe débarraffer en même-temps des objections triomphantes des premiers Peres de l'Eglife, avoient cherché à allégorifer un Syftême monftrueux ; mais ces allégories, qui n'avoient d'autre fondement que leur imagination, n'avoient pas même été entrevues par ceux qui les premiers avoient parlé des Dieux, & de leurs generations..

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Cofmogonic & Theogonie d'Ovide.

NFIN Ovide fidele imitateur des Poëtes qui l'avoient précedé, eft le dernier qui nous ait donné une Cosmogonie, au commencement de fes Métamorphofes. « Avant que la Mer, la Terre, & le Ciel qui les enveloppe, dit-il, » fuffent formés, l'Univers entier ne préfentoit qu'une feule face. Cet amas confus, ce vain & inutile poids, dans lequel les principes de tous les Etres étoient confondus; c'eft ce qu'on a appellé le Chaos. Le Soleil ne prêtoit point encore » fa lumiere au monde, la Lune n'étoit point fujette à fes viciffitudes; la Terre ne fe trouvoit point fufpendue au milieu des airs, où elle fe foutient par fon propre poids; la Mer n'avoit point de rivages; l'eau & l'air fe trouvoient mêlés. avec la terre, qui étoit fans folidité. L'eau n'étoit point fluide, & l'air manquoit de lumiere. Tout étoit confon» du. Nul corps n'avoit la forme qu'il devoit avoir; & tous, fe faifoient obftacle les uns les autres. Le froid combat» toit contre le chaud, le fec avec l'humide. Les durs attaquoient ceux qui ne faifoient point de réfistance, & les pefants difpuroient avec ceux qui font legers. Dieu, ou la Nature elle-même, termina tous ces différends, en

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corps.

féparant le Ciel d'avec la Terre, la Terre d'avec les eaux, » & l'Ether, ou l'air le plus pur, d'avec celui qui eft plus groffier. Le Chaos ainfi débrouillé, chaque corps fut placé dans le lieu qu'il devoit occuper, & Dieu établit les Loix qui devoient en former l'union. Le feu, qui eft des » Elemens le plus leger, occupa la region la plus élevée. L'air prit au-deffous du feu la place qui convenoit à fa legereté; la terre, malgré fa pefanteur, trouva fon équilibre, & l'eau fut placée dans le lieu le plus bas.

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Aprés cette premiere divifion, ce Dieu, quel qu'il ait été, arrondit la furface de la terre, & repandit les mers. par-deffus. Il permit aux vents d'agiter les eaux, fans permettre toutefois que les vagues puffent paffer les bornes qui leur furent prefcrites. Il forma enfuite les Fontaines, les Etangs, les Lacs, & les Fleuves, qui, renfermés dans leurs rives, coulent fur la terre....... Ilcommanda auffi aux campagnes » de s'étendre, aux arbres de fe couvrir de feuilles, aux » montagnes de s'élever, & aux vallées de s'abaiffer. »

Ovide, après avoir décrit cet arrangement, parle des cinq Zones, deux froides, deux temperées, & une brûlante qui eft la Zone Torride.. Il traite auffi des vents, & marque les lieux d'où ils foufflent; enfuite, après avoir fait mention de la région des airs, où fe forment la grêle, les éclairs & le tonnere, il poursuit ainsi ;..

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Dès que les limites, qui devoient fervir de barriere aux différents corps qui compofent l'Univers, furent reglées, » les Aftres renfermés jufques-là dans la maffe informe du » Chaos, commencerent à briller; & afin que chaque région fût peuplée d'êtres animés, les Etoiles, image des Dieux, furent placées dans le Ciel; les poiffons habiterent les eaux, les bêtes à quatre pieds eurent la terre pour demeure, & l'air devint le féjour des Dieux.

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Il manquoit encore au monde un Etre plus parfait. Il en falloit un qui fût doué d'un efprit plus élevé, & qui par-là für en état de dominer fur les autres. L'homme fut formé; foit que l'Auteur de la Nature l'eût compofé de →cette femence divine qui lui eft propre, ou de ce germe céleste, que la terre, toute nouvelle, & qui ne venoit que

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d'être féparée du ciel, renfermoit encore dans fon fein. Promethée ayant détrempé de cette terre avec de l'eau, en forma l'homme à la reffemblance des Dieux; & pendant que tous les autres Animaux portent la tête penchée vers la terre, l'homme feul la leve vers le ciel, & porte fes regards jufqu'aux Aftres. C'est ainsi qu'un morceau de terre, qui n'étoit auparavant qu'une maffe informe, parut fous la figure d'un Etre, jufqu'alors inconnu à l'Univers.

Reflexions fur les différentes Theogonies des Grecs.

Telles font les différentes Cofmogonies & Theogonies des Grecs, fur lefquelles je vais faire les reflexions fuivantes. Nous ne connoiffons pas affez le Systême d'Orphée, pour fçavoir quelle part il avoit donné à Dieu dans la formation du monde; & fi nous n'avons pas .de preuves fuffifantes, pour croire qu'il a pensé comme les autres Poëtes & les Philofophes les plus éclairés qui ont paru long-temps après lui, tels que les Pythagoriciens & lesPlatoniciens, nous n'avons auffi aucun droit de confondre fon opinion avec celle de Sanchoniathon, encore moins avec le Syftême de Diodore de Sicile, qui fait naître les premiers hommes à peu-près comme les Egyptiens croyoient, quoique fauffement, que naiffoient les Infectes, après que les eaux du Nil fe font retirées.

Tous ces Syftêmes fuppofent que l'Amour unit les principes différens, dont le Chaos étoit formé, & que de cette union fortirent tous les Etres. Mais qu'eft ce que cet Amour, fi ce n'eft l'union naturelle des Corps homogenes? Et fi les Auteurs de ces opinions extravagantes l'ont perfonifié, ont voit bien que ce n'eft qu'un perfonnage métaphorique, qui n'exifta jamais que dans leur imagination. La créa tion eft un myftere inconnu à la raison humaine. Les Philofophes, qui ne comprirent jamais que de rien on pût faire quelque chofe, avoient tous generalement adopté cet Axiome: Ex nihilo nihil, & in nibilum nil posse reverti. Ainsi voyant la forme admirable de l'Univers, qu'ils attribuoient ou à un Etre fuperieur à la nature, ou plus fouvent encore à la nature même, ils ont toujours fuppofé une matiere préexistante;

mais confufe & informe, qui fut débrouillée dans la fuite; & ne fachant à qui donner la gloire d'avoir mis dans le monde l'ordre qui y regne, ils imaginerent leur Amour, qui n'eft que l'union caufée par le feul mouvement des corps.

Ovide, qui n'eft venu au monde que huit cens ans, ou environ, après Hefiode, a commencé comme lui fon grand Ouvrage des Métamorphofes par le Chaos; mais il ne l'a imité qu'en cela; car pour la maniere de débrouiller ce même Chaos, il différe totalement du Poëte Grec. On ne voit point qu'il faffe intervenir l'Amour dans cette operation." Cependant, comme il lui faut un Agent, il ne fçait pas trop à quoi fe déterminer, & fon incertitude paroît dans ce vers. (1) ..

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Hanc Deus, & melior litem natura diremit.

Comme dans cet autre :

(2) Sic ubi difpofitam, quifquis fuit ille deorum
Congeriem fecuit, &c.

les

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Voilà donc ce Chaos & cet Erébe tant chantés par Poëtes, dont la premiere idée femble prise dans Sanchoniathon, qui lui-même l'avoit fans doute empruntée, ou de ces paroles de Moyfe: (3) Terra autem erat inanis & vacua, tenebræ erant fuper faciem Abyffi; ou plutôt des Traditions repanduës dans le pays où vivoit cet Auteur Phénicien, & plus anciennes que les Ecrits du faint Législateur des Hebreux.

Je fuis bien éloigné de trouver, comme quelques Sçavans, une gande conformité entre cette tradition de la création du monde, & ce qu'en ont écrit, Sanchoniathon, Hefiode, & Ovide; mais je ne fuis pas affez prévenu pour ne pas croire que c'eft dans elle qu'ils ont puifé l'idée de leur Chaos. Pour le refte, rien de plus différent. Ce font des efprits vifs, qui fur une fimple lueur, ont donné carriere à leur imagination, qui ayant perdu un guide fidéle, s'eft éga rée un inftant après dans le vafte pays des fictions. Mais un court parallele du commencement de la Genefe, & de

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que

la Theogonie d'Hefiode, va mettre fous les yeux du Lecteur ce qui peut s'y trouver de reffemblance, ou de différence. Je ne dis rien de la création; ni Hefiode, ni aucun Auteur profane ne l'ont reconnue. Moyfe commence par dire, que la Terre étoit vuide, & les tenebres éteient repandues fur la face de l'Abyfme. Hefiode dit : le Chaos fut avant toutes choses; enfuite la terre fpacieufe, demeure des Immortels, & le Tartare qui en étoit fort éloigné. Moyfe ajoute, & l'efprit étoit porté fur les eaux; & fpiritus ferebatur Juper aquas. Heliode au contraire parle immédiatement après ce que j'en ai rapporté, de l'Amour, le plus beau & le plus aimable des Dieux, qui ôte les foucis & les chaffe du cœur des hommes, & des Immortels. Moyfe raconte enfuite, que Dieu avoit dit, fiat lux, & lux facta eft; que la lumiere foit faite, & la lumiere fut faite: paroles qu'un Auteur profane a trou(1) Longin. Vées fi fublimes. (1) Hefiode dit auffi que de la Nuit fortit l'Æther & le Jour. Le Législateur des Hebreux dit enfuite que Dieu fit le firmament, & fecit Deus firmamentum, & qu'il divifa les eaux qui étoient au - deffus du firmament, d'avec celles qui étoient au- deffous. Il ajoute immédiatement après, que Dieu avoit ordonné que les eaux qui étoient fous le Ciel fe raffemblaffent en un lieu, & qu'il appella cet affemblage d'eaux, la Mer; & la partie de la Terre, qui par-là fe trouvoit deffechée, fut appellée, Aride: & vocavit Deus aridam terram, congregationefque aquarum appellavit maria. L'Auteur de la Theogonie lui eft encore affez femblable en cela. La Terre, dit-il, engendra d'abord le Ciel avec les Etoiles, & de fon union avec le Ciel, elle eut l'Ocean. Mais ici l'Auteur profane s'égare, & quelque entêté qu'on foit en fa faveur, je ne crois pas qu'on puiffe lui trouver aucune reffemblance avec Moyfe.

Ovide arrange autrement la formation du monde, & fa defcription ne reffemble nullement à celle d'Hefiode, ainsi qu'on a déja observé. Mais une chose digne de remarque, c'eft qu'il regarde l'homme comme la derniere production de l'Auteur de la nature. En quoi il reffemble plus à Moyfe qu'aucun autre Auteur Payen. Un autre grand trait de ref femblance, c'eft qu'il dit que l'homme fut formé avec de la

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