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comme il avoit eu la curiofité de le voir lorfqu'il étoit en Italie, il en a fait une description très détaillée. Virgile fait mention de ce Temple, ou plûtôt il regarde comme un Temple la Grotte où la Sibylle rendoit fes Oracles, parce que veritablement on y en bâtit un dans la fuite: vocat alta in templa Sacerdos (1). On lit dans le Voyage de M. Spon (2) que près du (1) En. L. 6. lieu que (2)P.I.p.37. que les gens du pays difent être l'antre de la Sibylle Tiburtine, on voit les ruines d'un petit Temple, qu'on croit lui avoir été confacré. On peut ajouter encore que les habitans de Gergis, dans la petite Phrygie, avoient coutume de representer fur leurs Medailles, la Sibylle qui étoit née dans cette ville, comme étant leur grande Divinité (3).

(3) Alex. ab

Alex. Gen.

Une autre preuve du culte rendu aux Sibylles, c'eft qu'on dier. Liv. 4. leur avoit érigé des Statues, qu'on avoit placées dans les Tem- c. 15. ples: celles que Gallæus a fait graver, étoient même dans l'Eglife de Sienne, où apparemment on les avoit laiffées lorfqu'elle fut confacrée. Or fi on veut fçavoir quels honneurs on rendoit aux Statues qui étoient dans les Temples, Arnobe nous l'apprend : cum per omnia fupplices irent Templa, cum Deorum ante ora proftrati, limina ipfa converrerent ofculis (4) ; (4) ad Gent, on fe profternoit devant les Statues des Dieux, & on baifoit la terre. On peut ajouter encore, qu'on ne touchoit le Livre qui contenoit leurs Oracles, que les mains couvertes, ce qui fe pratiquoit dans toutes les autres ceremonies religieufes (5).

Lib. I.

(s) Voyez

C'eft-là ce qu'on trouve de plus pofitif fur le culte rendu Gall. p. 267. aux Sibylles. Gallæus à la verité rapporte d'autres preuves pour établir cette verité; mais on peut dire qu'il y en a plufieurs qui, felon moi, ne font rien moins que concluantes.

Quoiqu'il en foit, il y a apparence qu'on rendoit dans plufieurs lieux un culte religieux aux Sibylles, fur-tout dans ceux où elles avoient reçu le jour; mais je ne crois pas qu'on en ait d'autres preuves que celles que je viens d'indiquer.

Enfin pour terminer cette matiere, il ne me refte qu'à dire un mot du Tombeau & de l'Epitaphe de la Sibylle Erythrée, la plus celebre de toutes. Comme l'endroit où Paufanias en parle contient quelques particularités de cette Sibylle, qu'on ne trouve point ailleurs, je vais le copier, en me fervant de l'élegante traduction de M. l'Abbé Ġedoyn. La Sibylle

Tome I.

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(1) In Phoc. »

C. 12,

30

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Herophile, dit Paufanias (1), eft pofterieure à celle qui » étoit fille de Jupiter & de Lamia, quoiqu'elle ait vécu » avant le fiége de Troye; car elle annonça qu'Helene étoit » élevée dans Sparte, pour le malheur de l'Afie, & qu'un jour elle feroit caufe que les Grecs conjureroient la ruine de Troye. Les habitans de Delos ont des Hymnes en l'hon» neur d'Apollon, qu'ils attribuent à cette femme. Dans fes » vers elle se donne, non feulement pour Herophile, mais auffi pour Diane. Elle fe fait tantôt femme, tantôt fœur, » & tantôt fille d'Apollon; mais alors elle parle comme infpirée, & comme hors d'elle-même : car en d'autres endroits elle fe dit née d'une immortelle, d'une des Nymphes d'Ida, & d'un pere mortel: Fille d'une Nymphe`immortelle, mais d'un pere mortel, je fuis, dit-elle, originaire d'Ida, ce pays où la terre eft fi aride & fi legere ; car la ville → de Marpeffe & le fleuve Aidonée, ont donné à ma mere la naiffance. En effet, vers le mont Ida en Phrygie, on voit en» core aujourd'hui les ruines de Marpeffe, où il eft même refté une foixantaine d'habitans Marpeffe eft à

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deux cens quarante stades d'Alexandrie, ville de la Troade. Les habitans d'Alexandrie difent qu'Herophile étoit Sacrif tine duTemple d'Apollon Smintheus, & qu'elle expliqua le fonge d'Hecube, comme l'évenement a montré qu'il devoit s'entendre.Cette Sibylle paffa une bonne partie de fa vie à Sa» mos; enfuite elle vint à Claros, ville dependante de Colophon; puis à Delos, de-là à Delphes, où elle rendoit fes Oracles fur la roche dont j'ai parlé. Elle finit ses jours dans la Troade: fon Tombeau fubfifte encore dans le bois facré d'Apollon Smintheus, avec un épitaphe en vers élegia»ques, gravés fur une colonne, & dont voici le fens. Je fuis cette fameufe Sibylle qu'Apollon voulut avoir pour interprete de fes Oracles autrefois Vierge éloquente, maintenant muette fous ce marbre, & condamnée à un filence éternel. Cependant par la faveur du Dieu, toute morte que je fuis, je jouis encore de la douce focieté de Mercure, & des Nymphes mes compagnes. En effet, près de fa fepultute on voit un Mercure, dont la forme eft quadrangulaire ; & fur la gauche, une fource d'eau tombe dans un baffin, où il y a des Statues

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de Nymphes. Les Erythréens font de tous les Grecs ceux qui revendiquent cette Sibylle, avec le plus de chaleur. Ils » vantent leur mont Corycus, & dans cette montagne un » antre, où ils prétendent qu'Herophile prit naiffance. Selon

eux, un Berger de la contrée nommé Theodore, fut fon » pere, & une Nymphe fa mere. Cette Nymphe étoit fur» nommée Idéa, parce qu'alors tout lieu où il y avoit beau» coup d'arbres, étoit appellé Ida. Les Erythréens retran» chent des Poëfies d'Herophile, ces vers où elle parle de la ville de Marpeffe & du fleuve Aidonée, comme de fon pays natal ».

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Je ne dois pas omettre que le refpe&t qu'on avoit pour les vers Sibyllins dura jufques bien avant fous le regne des Empereurs, mais une partie du Senat ayant embraffé le Christianifme du temps de Theodofe, on commença à n'avoir plus tant de veneration pour eux; & enfin Stilicon sous l'Empire d'Honorius les fit brûler.

Mais en voila assez fur ces filles celebres, dont les prédictions ont été en vogue pendant tant de fiecles parmi les Payens: paffons aux autres moyens qu'on employoit pour connoître la volonté des Dieux, & cet avenir qui a toujours fait l'objet le plus vif de la curiofité des hommes.

L

CHAPITRE II I.

De la Divination.

'HOMME, toujours inquiet fur l'avenir, ne fe contenta pas de le chercher dans les Oracles & dans les prédictions des Sibylles ; il entreprit de le découvrir de mille autres manieres, & inventa plufieurs fortes de divinations, pour lef quelles même il établit des maximes & des regles, comme fi des connoiffances auffi frivoles, avoient pu fe reduire en regles & en maximes.

On definit la Divination, Rerum futurarum fcientia, & il y en a de plufieurs fortes, comme nous le dirons dans la fuite. Cette fcience au-refte, eft auffi ancienne que l'Idolâtrie, &

elle faifoit une partie confiderable de la Theologie Payenne. Elle étoit même autorisée par les Loix, particulierement chez les Romains.

Ciceron, qui a compofé deux Livres auffi curieux qu'élegans fur la Divination, examine d'abord s'il eft vrai qu'il puiffe y en avoir, & dit que les Philofophes avoient à ce fujet trois opinions. Quelques-uns croyoient que dès qu'on admettoit des Dieux, il falloit neceffairement admettre une Divination. D'autres foutenoient qu'il pouvoit y avoir des Dieux, fans qu'il y eût de Divination; & les derniers étoient perfuadés que quand même il n'y auroit point de Dieux, il pouvoit y en avoir une. H feroit inutile de raisonner fur ces trois opinions: la Religion nous apprend que non-feulement l'avenir eft inconnu à l'homme, à moins que Dieu ne le lui revele; mais encore que c'eft un crime de le tenter pour le connoître, & que toutes les pratiques que l'on employe pour cela, font auffi criminelles qu'inutiles. Ciceron lui-même, quoique plongé dans les tenebres du Paganisme, s'eft mocqué dans l'Ouvrage que j'ai cité, de la plupart de ces pratiques, & les a tournées en ridicules, quoique fon frere eût fait tout ce qu'il avoit pu pour les foutenir.

Ce fçavant & ingenieux Auteur divife la Divination, en artificielle & en naturelle. Je fuis donc du fentiment, dit Quintus fon frere, de ceux qui admettent deux fortes de Divination ; P'une où l'art a beaucoup de part, & l'autre où il n'en a aucune. C'est un art dans ceux qui fuivent les anciennes Obfervations; mais ce n'en eft point un dans ceux qui fans fe fervir d'aucune conjecture, fondée fur des Obfervations précédentes, prédifent les chofes futures par une espece d'agitation d'efprit, & par un mow vement libre & degagé de toutes fortes de raifonnemens, comme il arrive fouvent à ceux qui font des fonges, & quelquefois à ceux qui deviennent épris d'une certaine fureur, ainfi que Bachis Beo tien, Epimenide de Crete, & la Sibylle Erythrée.

Pour prouver l'univerfalité de la pratique de la Divination; il dit dans un autre endroit : Or, y a-t'il quelque Peuple qui ne reçoive, ou la Divination par art, comme par exemple, celle qui fe tire de l'infpection des entrailles des Victimes, de l'interprétation des prodiges & des foudres, de l'ufage des Aufpices, de la pratique

des Sorts, & des prédictions des Aftrologues; ou la Divination naturelle, qui eft celle qu'on a par les fonges, & par la Vaticination (a)?

J'ai fuffifamment parlé de la Divination naturelle, c'est-àdire des fonges & de la fureur, dans le Chapitre des Oracles, & dans celui des Sibylles pour l'artificielle, elle fe pratiquoit de cent manieres differentes. L'Ecriture Sainte parle de neuf fortes de Divination : la premiere fe faifoit par l'inspection des Planetes, des étoiles & des nuées ; nous en parlerons dans le Chapitre de l'Aftrologie. La feconde, par le moyen des Augures. La troifiéme, par les malefices. La quatriéme, par les enchantemens. La cinquième, en confultant les Efprits, ou comme dit Moyfe, ceux qui interrogeoient le Python. La fixiéme, par les Devins ou Magiciens, que le même Moyfe nomme Jedeoni. La feptiéme, par la Necromantie, ou par l'évocation des morts. La huitième, par le moyen des Baguettes, ainsi qu'on le voit dans le Prophete Ofée (1): on (1) Chap. 4. peut appeller cette forte de Divination, Rabdomantie, & Bo. v. 12. lomantic celle qui fe faifoit en mêlant des fléches; le Prophete Ezechiel en parle à l'occafion de Nabuchodonofor, comme nous le dirons ailleurs. Enfin la neuviéme, par l'inspection du foye, & étoit nommée l'Hepatofcopie.

Ces neuf forres de Divination font très-anciennes, puifque la plûpart étoient en ufage du temps même de Moyfe: on en a inventé depuis une infinité d'autres, qu'il fuffira de nommer: Nous nous étendrons cependant un peu plus fur celles qui étoient pratiquées par les Grecs & par les Romains, parce qu'elles entrent dans l'Hiftoire de leur Religion, dont elles faifoient partie.

Les quatres efpeces de Divination les plus generales, étoient celles dans lesquelles on employoit quelqu'un des quatre Elemens, l'eau, la terre, l'air, & le feu; d'où ces Divinations tiroient leurs noms (b).

Pour la premiere, on employoit ou l'eau de la mer, & alors

(a) Traduction de Monfieur l'Abbé Regnier des Marets.

(b) Les noms de Pyromantie, Hydromantie, Géomantie, font compofés des mots grecs, qui fignifient le feu l'eau, la terre, ainfi des autres, & du mot parreia qui dans la même langue fignifie Divination.

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