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lieu, on y trouva des os & des cranes d'hommes, qu'on en retira, pour les faire voir au Peuple de cette grande Ville.

J'ai dit que ces myfteres étoient auffi impies qu'abominables. En effet pour leur donner plus de credit dans les premiers fiecles du Chriftianifme, temps auquel ils furent le plus en vogue, on voulut y imiter les faintes pratiques des Chrétiens, principalement le Baptême, & le myftere de l'Euchariftie; & pour cela on jettoit de l'eau fur les initiés, & on leur préfentoit du pain & du vin, afin, difoit-on, de les regenerer, & de leur donner une nouvelle vie. Je ne citerai pour le prouver que le feul Tertullien, quoique bien d'autres Auteurs aient dit la même chofe: Per lavacrum, dit-il, Mithra fignat illic in frontibus milites fuos, celebrat panis oblationem, & imaginem refurrectionis induit, &c. (1).

Remarquons avant que de finir cet article, fur lequel je me fuis un peu étendu, que la principale fête de Mithras étoit celle de fa naiffance, qu'un Kalendrier Romain plaçoit au 8. des Kalendes de Janvier, c'est-à-dire au 25. Decembre, jour auquel, outre les myfteres qu'on celebroit avec la plus grande folemnité, on donnoit auffi les Jeux du Cirque, qui étoient confacrés au Soleil, ou à Mithras. Il est vrai que le Kalendrier ne nomme pas ce Dieu; & qu'il dit fimplement, 80. Kal. Jan. n. Invicti, c'eft-à-dire, le jour de la naiffance de l'Invincible; mais les Sçavans ont fort bien jugé par l'épitete d'Invicti, qui lui eft fi fouvent donnée dans les Infcriptions & fur les marbres, qu'il s'agiffoit de Mithras.

Il ne faut pas cependant fur cette particularité s'imaginer ni qu'on ait affecté de celebrer cette fête le jour où l'Eglife celebre celle de la naiffance de Jefus-Chrift; encore moins dire avec le Pere Hardouin que les Chrétiens d'Occident aient, à caufe de cette fête, transferé à ce même jour celle de Noël, qu'ils celebroient, dit-il, auparavant dans le mois de Septembre. Car le fçavant Evêque que j'ai fi fouvent cité dans ce Chapitre, demontre que la fête de Jefus-Chrift a toûjours été fixée par l'Eglife Latine, au 25. Dacembre. La feule raison qu'eurent les Romains pour fixer le jour de la naissance de Mithras au même jour, étoit tirée de la Physique & de l'Aftronomie. Ils vouloient marquer par-là que

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(2) Gruter p.
34.

Soleil, après s'être éloigné de notre Hemifpere depuis l'Equinoxe d'Automne, alloit après le Solftice d'Hyver fe rapprocher, & porter partout la chaleur & la fecondité. Car il n'eft nullement douteux, après ce que j'ai dit en expliquant les Bas-reliefs de Mithras, qu'on n'eût mêlé dans les attributs de ce Dieu beaucoup d'idées Phyfiques & Aftrono miques.

Enfin il eft bon d'obferver que le culte de Mithras fit de grands progrès dans la fuite, & paffa dans plufieurs Pays. Strabon l'affûre de la Cappadoce, comme nous l'avons déja dit. Il fut auffi connu dans la Grece, & Pompée en porta la connoiffance à Rome, d'où après s'être répandu dans l'Italie, il paffa dans les autres Provinces de ce vafte Empire. Les marbres & les Inscriptions qu'on a trouvés en tant d'endroits differents, le prouvent fans replique. Car fans parler de ceux qu'on a decouverts à Antium, à Naples, à Milan, & dans plufieurs autres Villes d'Italie, ainfi qu'on peut le voir dans (1)Recherch. Gruter; ni de celui qui, felon M. Spon (1), a été deterré à d'Ant. Diff. 3. Lion, on en a trouvé d'autres chez les Daces (2), dans la Pannonie, où Aurelius Juftinianus rétablit un Temple de ce Dieu; chez les Noriques, Peuples voifins de la Carinthie. Ce que nous avons dit, il y a un moment, d'après Socrate & Sozomene, prouve que les Egyptiens, & en particulier les Peuples d'Alexandrie, honoroient la même Divinité. S. Epi(3) Hær. 42. phane parle d'un Prêtre de Mithras dans l'Ile de Crete (3); ainfi on ne peut pas douter que le culte de ce Dieu n'ait été très-étendu. Il dura auffi très-long-temps, & il ne fut pas détruit, lorsque les Empereurs embrafferent le Chriftianisme, puifque nous avons des Infcriptions, où il eft fait mention de ceux qui celebrerent ces myfteres du temps de Valens, & du jeune Valentinien, l'an 376. comme il paroît par les Confu(4) Voyez lats qui y font designés. (4) Enfin ce culte fut totalement aboli M. della Tor- par les foins de Gracchus, Préfet de la Ville de Rome, l'an de Jefus-Chrift 378. comme le prouve le fçavant Evêque d'Hadria.

ré. p. 244.

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ARTICLE I I.

De quelques autres Dieux des Perfes, de ceux des Parthes, des Cappadociens, & des Armeniens.

LE

Es Dieux des Peuples que je viens de nommer, fi on excepte ceux des Perfes, nous font très-peu connus, & ce n'eft que par occafion que les Anciens en parlent: il y a même beaucoup d'apparence que ces Peuples avoient reçu leur Religion des Perfes, à laquelle chacun d'eux avoit fait quelque changement. En effet, la Déeffe Anaitis, & les Dieux Ananus & Anandratus, dont il fera parlé dans ce Chapitre, & qui étoient honorés par les Medes, par les Lydiens, & par les Armeniens, venoient originairement de Perfe, ainfi que l'affûre Strabon.

Mais avant que d'entrer dans l'Hiftoire de ces Dieux, je dois dire quelque chofe de la Déeffe Sakea, parce que je crois, qu'elle étoit la même qu'Anaïtis. Parmi les Divinités des Payens, il n'y en a point qui foit fi peu connue que cette Déeffe. Les Anciens n'en font aucune mention, mais comme ils parlent d'une fête, nommée zanea, Sacea, celebrée également par les Perfes & par les Babyloniens, ainsi què nous le dirons dans la fuite, les Interprétes de l'Ecriture Sainte ont cru trouver dans Jeremie (1), le nom de cette Déeffe: (1) Cap. 25;voici ce que dit ce Prophete. Ainfi a dit le Seigneur. Prends verf. 15. de ma main la Coupe du vin de ma fureur, & fais-en boire à toutes les Nations...& le Roi Sefac en boira avec eux. Puis dans un autre endroit,il ajoûte:Comment a été prise Sefac?... Comment Babylone eft-elle devenue l'étonnement de toutes les Nations?

Tous les Interprétes, qui conviennent que dans ces deux paffages Sefac defigne également le Roi & la Ville de Babylone, font perfuadés que ce Sefac étoit une des Divinités des Babyloniens, & que Jeremie a pretendu defigner la Ville même par le nom de cette Divinité ; ce qui eft affez ordinaire aux Prophetes, ainfi que nous l'avons prouvé par ce paffage d'Ifaïe où il eft dit (1); Bel eft tombé fur les genoux Nnnn j

(1) C. 46,

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Nebo eft tombé fur le nez car il n'est pas douteux que ce Prophete n'ait voulu marquer par ces expreffions, la chute de Babylone, & celle des Moabites. Grotius croit même que le nom de Mizac, ou Meschak, que portoit un des Compagnons de Daniel, étoit compofé de celui de cette Divinité ; ce qui paroît affez vraisemblable, puifqu'il étoit affez ordinaire, ainfi que nous l'avons déja dit, qu'on joignoit les noms des Dieux à ceux des Rois, & même des particuliers. Cette coutume même étoit en ufage parmi les Hebreux, comme il paroît par les noms de Jehonatas, de Jehofaphat, d'Ezechiel, & de quelques autres.

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:

Voilà tout ce qu'on peut dire pour prouver l'existence de cette Divinité pour la fête Sacea ou Sakea, elle eft plus connue. Cette fête duroit cinq jours, & pendant tout le temps qu'on la celebroit, les Maîtres fervoient leurs Valets, comme dans les Saturnales. Berofe & Ctefias qui avoit demeuré long-temps en Perfe, parlent de cette fête, ainfi que nous (2) Liv. 4 l'apprenons d'Athenée. « Berofe, dit cet Auteur (2), rapporte » dans le premier Livre de fon Hiftoire de Babylone, que » le fixiéme du mois Lous, on celebre dans cette Ville la » fête Sakea, qui dure cinq jours qui dure cinq jours, pendant lefquels les Maîtres obéiffent à leurs Valets, dont l'un qu'ils appellent Zoganès, eft revétu d'un habit Royal, & agit comme s'il étoit veriblablement le Maître de la maifon Ctefias parle auffi de cette fête, dans le fecond Livre de l'Hiftoire de Perfe. Dion Chryfoftome (3) fait fans doute mention de la même fête, qu'il appelle la fête des Sacs. Ne vous fouvenez-vous pas, dit-il, de la fête des Sacs que les Perfes celebrent, &dans laquelle ils prennent un homme condamné à mort, le mettent fur le Throne du Roi, & après lui avoir fait goûter toutes fortes de plaifirs, le dépouillent de fes habits Royaux, lui font donner le fouet, & le pendent?

(3) Orat. 4. de Reg.

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ဘ.

Strabon eft celui de tous les Anciens qui paroît nous ramener à la veritable origine de cette fête, & nous apprendre en même-temps à quelle Divinité elle étoit confacrée : & comme il devoit être très-inftruit des coutumes & de la Religion des Peuples qui celebraient cette folemnité, étant

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né en Cappadoce, je vais rapporter ce qu'il en dit (1). « Par- (2) Liv. I. mi les Scythes qui occupoient les environs de la Mer Cafpienne, il y en avoit que l'on nommoit Sakes ou Saques. Ces Saques faifoient des courfes dans la Perfe, & pene» troient quelquefois fi avant dans le Pays, qu'ils allerent jufques dans la Bactriane & dans l'Armenie, & fe rendirent maîtres d'une partie de cette Province, qu'ils appellerent de leur nom Sakafene, d'où enfuite ils s'avancerent dans la Cappadoce, qui confine le Pont-Euxin. Un jour qu'ils celebroient une fête, le Roi de Perfe les ayant attaqués, les défit à platte couture. Pour éternifer la memoire de » cette Victoire, les Perfes éleverent un monceau de terre fur une pierre, dont ils formerent une petite montagne qu'ils environnerent de murailles, & bâtirent dans l'en» ceinte un Temple qu'ils confacrerent à la Déeffe Anaïtis & aux Dieux Amanus & Anandratus , qui font les Genies des Perfes; & établirent en leur honneur une fête appellée Saca, qui fe celebre encore par ceux qui habitent le Pays de Zela; car ceft ainsi qu'ils nomment ce

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lieu ».

Ce même Auteur qui compiloit differentes Relations, en rapporte, peu de lignes après, une autre qui attribue à Cyrus cette Victoire, & l'établiffement de cette fête. Ceux qui foutiennent que cette fête étoit celebrée par les Babyloniens du temps de Jeremie, & avant Cyrus, prétendent que cette feconde Relation rapportée par Strabon, ne fçauroit fe foutenir; mais n'eft-ce pas là ce qu'on appelle petition de principe? Difons plûtôt qu'on ignore par quelle raifon le Prophete donne au Roi de Babylone, & à cette Ville, le nom de Sefac; qu'il n'y eut jamais de Divinité de ce nom; & que celle en l'honneur de qui on celebroit la fête Sakea, étoit la Déeffe Anaïtis, dont nous avons parlé au commencement de ce Chapitre. En effet, les Perfes ayant été prefque inconnus avant Cyrus, c'eft à ce Heros qu'il faut attribuer la Victoire fur les Saques, dont parle Strabon.

Mais dans quel genre de Divinités devons-nous mettre Anaïtis, Amanus ou Omanus, & Anandratus, dont l'Auteur que je viens de citer, fait mention en plufieurs endroits de fon

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