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Il n'eft pas douteux que comme Alorus dans le fystême des Chaldéens, eft inconteftablement Adam, Xixutrus ne foit Noé. Auffi racontent-ils que ce fut de fon temps qu'arriva le Deluge; en quoi, pour le dire en paffant, les Auteurs Chaldéens font plus fidelles que Sanconiathon, dont je parlerai dans la fuite, lequel rapportant les dix premieres generations du monde naiffant, & les dix qui les fuivirent, par une prévarication inexcufable ne fait aucune mention de ce celebre évenement. Voici ce qu'en rapportent les Auteurs que je viens de citer (1).

Cit.

(1) Voyez

Cronus ou Saturne étant apparu en fonge à Xixutrus, l'a- Syncel, loc, vertit que le quinziéme du mois Doefius le genre humain feroit détruit par un Deluge, & lui ordonna de mettre par écrit l'origine, l'hiftoire, & la fin de toutes choses; & de cacher fous terre fes Mémoires, dans la Ville du foleil, nommée Sippara; de conftruire enfuite un Vaiffeau, d'y mettre les provifions neceffaires, & d'y entrer, lui, fes parens & fes amis, & d'y enfermer les oifeaux & les animaux à quatre pieds. Xixutrus exécuta ponctuellement fes ordres, & fit un Navire qui avoit deux ftades de largeur, & cinq de longueur; & il n'y fut pas plûtôt entré que la terre fut inondée.

Quelque temps après voyant les eaux diminuées, il lâcha quelques oifeaux, qui ne trouvant ni nourriture, ni lieu où fe repofer, retournerent au Vaiffeau. Quelques jours après il en lâcha d'autres, qui revinrent avec un peu de bouë aux pattes. La troifiéme fois qu'il les laiffa envoler, ils ne parurent plus; ce qui lui fit juger que la terre commençoit à être fuffifamment découverte. Il fit alors une ouverture au Vaiffeau, & voyant qu'il s'étoit arrêté fur une montagne, il en fortit avec fa femme, fa fille, & le Pilote; & ayant adoré la Terre, élevé un Autel & facrifié aux Dieux, lui & ceux qui l'avoient accompagné difparurent. Ceux qui étoient demeurés dans le Vaiffeau ne les voyant point revenir, fortirent & les chercherent vainement : feulement une voix fe fit entendre, & leur annonça que la pieté de Xixutrus lui avoit merité d'être enlevé dans le ciel, & d'être mis au nombre des Dieux, avec ceux qui l'accompagnoient. La même voix, Tome I.

L

les exhorta à être religieux, & à fe transporter à Babylone, après avoir déterré à Sippara les Memoires qui y avoient été dépofés. La voix ayant ceffé de fe faire entendre, ils allerent rebâtir la Ville qu'on vient de nommer, & quelques autres.

Evang. L. 1.

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CHAPITRE II.

Theogonie des Pheniciens.

ANCONIATHON, Prêtre de Beryte, qui vivoit à ce qu'on prétend, avant la guerre de Troye, avoit écrit fur la Cofmogonie, & fur la Theogonie des Pheniciens. Eusebe (1) Prep. qui nous a confervé un long Fragment de ce Traité (1), rapporte en faveur de cet Auteur un paffage qui ne doit pas être fufpect, puifqu'il eft tiré de Porphyre, le plus grand ennemi que les Chrétiens ayent jamais eu. Cet Auteur raconte que Sanconiathon avoit écrit fur les Juifs, des chofes trèsveritables; qu'il étoit conforme à leurs Ecrivains, & qu'il avoit appris plufieurs des circonftances qu'il rapporte, de Jerombaal, Prêtre de Jevo; qu'il avoit dedié fon Ouvrage à Abibaïl Roi de Phenicie que non feulement ce Prince, mais ceux qui avoient ordre d'examiner les Livres, étoient convenus de la verité de l'Hiftoire de cet Auteur..... Enfin qu'il avoit tiré ce qu'il avangoit, partie des Actes des villes particulieres, & partie des Archives qui fe confervoient avec foin dans les Temples.

Eufebe. Ibid.

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Le temps nous a enlevé l'Ouvrage de cet ancien Auteur; il fubfiftoit encore dans les premiers fiecles du Chriftianifme, puifque c'eft vers ce temps-là, c'est-à-dire vers le regne des Antonins, que Philon de Byblos le traduifit en Grec, & le (2) Voyez divifa en neuf Livres (2). Dans les Préfaces qu'il y avoit ajoûtées, il difoit, » que Sanconiathon, homme fçavant & de grande experience, fouhaitant avec paffion de connoître les Hiftoires de tous les Peuples, & les connoître dès leur origine, avoit fait une perquifition exacte des Ecrits de Taaut, perfuadé que comme il avoit inventé les Lettres, il étoit auffi le premier des Hiftoriens. C'étoit donc dans les Ouvrages de ce chef des Sçavans, du celebre

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Mercure, que l'auteur Phenicien avoit puifé le fond de fon Hiftoire. Après cela il blâme les Grecs d'avoir tourné en froides allegories, ou en explications phyfiques, des faits très-réels; & de ce qu'ayant voulu allegorifer l'histoire des Dieux, ils l'avoient entierement renverfée, en introduifant à la place de la verité, des idées chimeriques, & des mysteres qui n'avoient pas plus de réalité.

Cette traduction, quoique visiblement interpolée par Philon, & accommodée aux idées des Grecs de fon temps, comme il paroît par ce qui nous en eft refté, ne fubfifte plus préfentement; mais Eusebe nous en a confervé un long fragment, & c'est tout ce que nous en avons.

Malheureusement encore, car il eft bon de donner une idée nette & exacte de ce fragment; outre qu'il eft interpolé par Philon, ainsi qu'on vient de le dire, Eufebe en le rapportant, au lieu de l'avoir copié tel qu'il étoit, y a mêlé, comme on jugera aifément en le lifant avec attention, non feulement les reflexions du Traducteur Grec, mais auffi les fiennes propres ; ce qui diminue beaucoup l'autorité de ce précieux refte des antiquités Pheniciennes n'étant pas toûjours aifé de diftinguer ce qui eft de Sanconiathon, d'avec ce qui n'eft que de Philon ou d'Eusebe. Il est bien clair, par exemple, que lorsqu'il eft parlé des Grecs, comme quand il dit que, trompés par des mots des mots équivoques, ils ont pris une chofe pour une autre; ou lorfqu'en parlant de Thot ou Thaut, on ajoûte que c'eft le même que les Grecs nomment Hermès; il eft clair, dis-je, que ces reflexions font de Philon ou d'Eufebe; car, fi Sanconiathon eft auffi ancien qu'on le prétend, les Grecs n'étoient guere connus des Pheniciens du temps de cet Auteur; ou du moins leur Religion, qu'ils avoient reçue des Pheniciens eux-mêmes par les Colonies qui étoient venues s'établir parmi eux, n'étoit pas encore changée au point qu'elle l'étoit du temps d'Hefiode & d'Homere, qui n'ont vêcu que plus de quatre cens ans après San

coniathon.

Quoiqu'il en foit, voici le fragment, qui peut être divifé en trois parties. Ceux qui en voudront voir la traduction entiere, n'ont qu'à lire les Reflexions de M. Fourmont fur les

(1) Tom. I. anciens Peuples (1). La premiere contient la Cofmogonie p.4.&uix. des Pheniciens ; la feconde, l'Hiftoire des premiers hommes avant le Deluge, quoique cet Auteur ne dife pas un mot de ce celebre évenement; & la troifiéme parle de ceux qui ont vêcu après, & qui font defcendus des premiers.

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1. Selon cet ancien Auteur, » le premier principe de » l'univers a été un air tenebreux & fpiritueux ; un chaos plein » de confusion & fans clarté; éternel, & d'une durée fans » fin. L'efprit devenu amoureux de fes principes, il s'en fit une conjonction, & cette conjonction fut appellée l'amour. De là fortit Mot, ou Mod, c'est-à-dire, ou un limon, ou plûtôt un mélange aqueux, qui fut le principe & la femence de toutes les créatures, & la generation de l'univers. Il y eut d'abord des animaux qui n'avoient aucun fentiment, lefquels en engendrerent d'intelligens, qui furent nommés Zophezemin, c'est-à-dire, contemplateurs des cieux. Im» médiatement après Mot, le foleil, la lune, les étoiles, » & les autres Aftres commencerent à paroître & à luire. » L'air étant fortement illuminé par le violent degré de chaleur, communiqué à la terre & à la mer, des vents furent produits, avec des nuées qui tomberent en pluyes; & les eaux dont la terre venoit d'être inondée, attirées par l'ardeur du foleil, furent de nouveau réunies dans l'air, où pouffées les unes contre les autres, elles formerent les éclairs & le tonnerre, dont le bruit réveilla les animaux intelligens, & les effraya tellement qu'ils commencerent à fe mouvoir dans la terre & dans la mer. »

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Ce premier morceau du Fragment, ne regarde, comme on voit, que la formation des êtres, & mon objet n'eft pas de m'étendre fur cette matiere. Il fuffit d'observer que ce fyfteme des Pheniciens conduifoit à l'athéifme, Dieu n'ayant aucune part dans la formation de l'univers. Sanconiathon dit même que l'efprit, tel qu'il le concevoit, ne connoiffoit pas fa propre production.

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2°. L'Auteur Phenicien, après cette Cofmogonie, com mence l'Hiftoire du genre humain, par la production du premier homme & de la premiere femme, que Philon fon Traducteur nomme Protogone & Æon, & ajoûte que celle-ci

trouva que les fruits des arbres pouvoient fervir de nourriture. Les enfans de ces premiers parens du genre humain, qui » furent Genus & Genea, habiterent dans la Phenicie. Une

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grande fechereffe étant furvenue, ils étendirent les mains » vers le foleil, qu'ils regarderent comme le feul Dieu & le » maître des cieux, & lui donnerent le nom de Beelzemen, lequel en Phenicien fignifie, Seigneur des cieux. Genus dans la fuite engendra d'autres hommes, qui furent nommés Phos, Pur, Phlox, c'eft-à-dire, lumiere, feu, & flame : » ce furent eux qui en frottant deux pieces de bois l'une » contre l'autre, trouverent l'ufage du feu. Leurs enfans qui furent d'une grandeur demefurée, donnerent leurs noms » aux montagnes qu'ils poffedoient; de là les noms du mont Caffius, du Liban & Antiliban, du Brathys, &c. »

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Les enfans de ces Geants furent Memrumus. & Hypfuranius. Ce dernier habita à Tyr, & inventa l'art de conftruire des cabanes de rofeaux & de jonc, & le papyrus; » & son frere, avec qui il fe brouilla, apprit aux hommes à »fe couvrir de peaux de bêtes. Il fit plus encore, car un vent impetueux ayant enflamé une forêt qui étoit près de Tyr, il prit un arbre, en coupa les branches, & l'ayant lancé dans la mer il le fit fervir de vaiffeau. Il rendit auffi un hommage religieux, & repandit le fang de quelques animaux en l'honneur de deux pierres qu'il avoit confacrées au vent & au feu; & voilà pour le dire en paffant, le fecond exemple d'un culte rendu à des êtres créés, le foleil, comme on l'a vû, ayant été le premier objet de l'idolatrie.

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Après la mort de Memrumus & d'Hypfuranius, continue Sanconiathon, leurs enfans leur confacrerent des morceaux » informes de bois & de pierre, qu'ils adorerent, & établirent des fêtes annuelles à leur honneur ». C'eft ici la premiere fois qu'on rendit un culte religieux à des hommes morts.

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Plufieurs années après cette generation, qui eft la fixiéme, vinrent Agreus & Halieus, inventeurs de la pêche & de la chaffe, comme leurs noms le fignifient. Ceux-ci eurent pour enfans deux freres qui inventerent l'art de faire des inftrumens de fer. Celui des deux qui porta le nom de Chryfor, & qui eft le même que Hepheftus ou Vulcain,

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