Anafi.

AN. 754. l'accompagner jufques à Pontyon en Champagne, où le roi devoit le recevoir. Quand le pape en fut à trois mille ou une lieuë, le roi vint au devant de lui, & l'aïant joint defcendit de cheval, & fe profterna avec la reine fa femme, fes enfans & les feigneurs de fa cour. Il marcha même quelque tems à côté de fon cheval, lui fervant d'écuyer. Le pape & tous les fiens rendirent graces à Dieu chantant à haute voix des hymnes & des cantiques fpirituels jufques à Pontyon, où ils arriverent le jour de l'Epiphanie fixiéme de Janvier, l'an 754.

Anaft.

En arrivant le pape fit de grands presens au roi & aux feigneurs: mais le lendemain il parut avec tout fon clergé fous la cendre & le cilice : & fe profterna aux pieds du roi Pepin, le conjurant par la mifericorde de Dieu & par les mérites de faint Pierre & de faint Paul, de le délivrer lui & le peuple Romain de la domination des Lombards; & il demeura en cette pofture, jufques à ce que Pepin& les feigneurs lui euffent tendu la main : car il voulut le roi lui-même le relevât de terre en figne que de la délivrance dont il l'affûroit. Enfuite le pape & le roi s'affirent dans l'oratoire, où le pape réïtera fa priere, & le roi lui promit avec ferment de fuivre en tout fes avis, & de faire rendre l'exarcat de Ravenne & les places de l'empire. Mais à cause de l'hyver il envoïa le pape avec la suite au monastere de faint Denis près de Paris, & prit grand soin qu'il y fût logé commodément. Cependant il envoïa des ambassadeurs au roi des Lombards, le priant par le respect des faints apôtres, de ne point exercer

d'hoftilitez

d'hoftilitez contre Rome, & de ne point obliger les AN. 754. Romains à des fuperftitions contraires à leurs loix. Mais cette ambaffade fut fans effet.

754.

Le roi Pepin celebra à Carifiac ou Quiercy fur Oife la fête de Pâque, qui cette année étoit le quatorziéme d'Avril. Il tint l'affemblée de tous les feigneurs de fon royaume, & y resolut le voyage d'Italie, pour le fecours du pape qui étoit prefent, & répondit en ce lieu à divers points de discipline, fur lefquels il fut confulté. Sa réponse contient dixneuf articles: dix fur le mariage, cinq fur le baptême, quatre touchant le clergé. Les questions sur le mariage regardent la plûpart son indissolubilité. Il y est défendu d'époufer fa commere, foit de baptême, foit de confirmation; ce qui montre qu'à la confirmation, il y avoit auffi des parains. On met en penitence le prêtre qui ayant de l'eau a baptifé avec du vin : mais on l'excufe s'il n'y avoit point d'eau. Ce n'eft pas que ce baptême foit approuvé, mais le prêtre eft exempt de peine canonique. On aprouve le baptême donné en cas de neceffité en verfant de l'eau fur la tête avec une coquille ou avec les mains. La confultation fait voir que cette maniere de baptifer par infufion, aujourd'huy la plus commune, étoit rare alors ; & que l'on baptifoit d'ordinaire par immerfion. On voit que plufieurs prêtres doutoient de la validité de leur ordination; ce qui venoit de ces faux évêques dont se plaignoit faint Boniface. Le pape Etienne refolut la plupart des questions propofées, par les autoritez, ou les anciennes decretales de faint Leon, de faint Innocent, de faint Și

XII.

Affemblée de

Quiercy. Arift. tom. 6. conc. p.

1650.

rice, ou des canons de Calcedoine, d'Antioche, de Neocefarée,de Carthage. En cette même affemblée de Quiercy, le roi Pepin fit une donation au pape. Etienne & à l'églife Romaine de plufieurs villes &. territoires d'Italie ufurpez par les Lombards, & la fit tant en fon nom, que des deux princes Charles & Carloman fes enfans.

Cependant Carloman frere du roi Pepin arriva en France. Le roi Aftolfe avoit obligé l'abbé du mont-Caffin à le faire fortir du monaftere pour ce voïage, dont le motif étoit, que Carloman détournât le roi fon frere de marcher en Italie. Il y fit tous les efforts, mais Pepin demeura ferme dans fa resolution : & de concert avec le pape, il renferma Carloman dans un monaftere à Vienne, pour y vivre fuivant la profeffion.Carloman y mourut l'année fuivante 755. & Pepin renvoïa fon corps au mont-Caffin dans un cercueil d'or avec de grands prefens

Le pape étant revenu à faint Denis y tombamalade de la fatigue de fon voïage, & de l'inégalité. des faifons, & fut réduit à une telle extrêmité, que ceux de fa fuite, auffi-bien que les François, defefperoient de fa vie : mais ayant mis fa confiance en Dieu, un matin comme on croïoit le trouver mort, le trouva gueri. On raporte une lettre de lui,où il raconte qu'étant en priere dans l'église de faint Denis fous les cloches, il vit devant l'autel faint Pierre & faint Paul avec faint Denis, à qui faint Pierre dit qu'on lui accordoit la fanté du malade : que faint Denis ténant un encenfoir & une palme,

on

accompagné d'un prêtre & d'un diacre, vint le trou- AN. 754ver, & lui dit : La paix foit avec vous, mon frere, ne craignez point, vous retournerez heureusement à votre fiege. Levez-vous, & confacrez cet autel en l'honneur de Dieu & de fes apôtres que vous voïez, en celebrant une meffe d'action de graces. Le pape fe fentant gueri, voulut auffi-tôt accomplir cet ordre; les affiftans difoient qu'il rêvoit. C'est-pourquoi il leur raconta la vifion, & enfuite au roi & aux feigneurs. C'étoit l'an 754. le vingtfeptiéme Juillet; & le lendemain vingt-huit, qui étoit un dimanche, le pape fit la confecration de l'autel qui lui avoit été ordonnée.

XIV

Second facre de

Pepia

Fur p. 991.

Dans cette même meffe il fit un autre ceremonie plus remarquable, car il confacra de nouveau pour rois de France par l'onction de l'huile, Pepin Fragm.ap. Greg. & fes deux fils Charles & Carloman avec la reine Bertrade; & défendit aux feigneurs François de l'autorité de faint Pierre fous peine d'excommunication, que jamais eux ni leurs defcendans fe donnaffent des rois d'une autre race. Childeric dernier roi de la premiere race étoit mort cette année dans le monaftere de Sitiu: ce.qui put être l'occafion de ce nouveau facre de Pepin.Le pape donna en mê- %. 38. me tems au roi & à fes deux fils le titre de patrices des Romains, pour les engager à la protection de Róme. On croit auffi que le baptême des deux ibid r. 17. jeunes princes avoit été differé jufques alors, & que le pape fut leur parain: car en plufieurs de fes lettres,il nomme le roi Pepin fon compere spirituel,la reine Bertrade sa commere, & les deux princes fes

Cont. an. 754.

n.

A N. 754. Steph. III. epift. 3. tom. 6. conc. p.17.8. B.

enfans fpirituels. Ces noms comme facrez par la religion, étoient alors des tires d'honneur. Le roi Pepin avoit eu deffein de repudier la reine Bertrade: mais le pape l'en détourna par des avis falutaires Hild. Areop. aufquels Pepin fe rendit, & peut-être fut-ce la raifon de facrer avec lui cette princeffe. Le pape donna de grands privileges à l'abbaye de faint Denis, & laissa sur l'autel qu'il avoit confacré fon pallium, que l'on conferve encore dans ce monaftere. Ce fut auffi pendant ce féjour du pape Etienne en France, que les clercs de fa fuite, à la priere de Pepin, enfeignerent aux François à mieux chanter, & ce chant fe répandit enfuite en plufieurs églises.

Valaf. c. 25.

XV.

bardie. Anaft.

Quoique la guerre de Lombardie fût refoluë, Guerre en Lom le roi Pepin par le confeil du pape envoya jusques à trois fois des ambassadeurs au roi Aftolfe, pour lui offrir la paix, s'il vouloit rendre à l'église & à l'empire,ce qu'il avoit ufurpé : lui promettant même de grands prefens. comme il perfifta dans fon refus, Pepin marcha contre lui: mais quand fes troupes furent à moitié chernin, il envoya encore vers le roi des Lombards, à la priere du pape, qui vouloit éviter l'effufion du fang des chrétiens; & qui de fon côté lui écrivit, le conjurant par tous les myfteres, & par le jour du jugement, de faire justice à l'église & à l'empire. Aftolfe ne répondit au roi que par des menaces. Pepin fit donc avancer fes troupes, força les paffages des Alpes, & reduifit Aftolfe à s'enfermer dans Pavie, où il l'affiegea. Alors le pape le pria encore d'épargner le fang chrétien on fit un traité entre les Romains, les

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