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a assez

j'ai plus de tête que lui. « Ce dis- I Pellegrin pour avoir un poème. cours, rapporté à Rameau, l'en- On avoit une opinion si désagagea à rendre la pareille à Mar- vantageuse de son taient en ce chand. 11 fit le voyage de Paris genre, que Pellegrin, ne voulant dans cette vue, et n'eut pas de pas courir les risques de l'évépeine à reconnoître la supério- nement, exigea de lui 500 liv. rité de ce maître. Devenu son pour le poème d'Hippolyte et disciple, il apprit sous lui les Aricie. Mais, après avoir entendu principes les plus lumineux de la répétition du premier acte, il l'harmonie, et presque toute la déchira l'obligation de Rameau, magie de son art. Quelque temps et préféra s'associer à ses succès. après il concourut pour l'orgue Hippolyte et Aricie, fut donnée de Saint-Paul, et fut vaincu par en 1733. Cet ouvrage, qui parut le fameux d'Aquin. Dès ce mo- alors d'un genre neuf, eut le plus ment il abandonna un genre dans grand succès, et il fit crier la lequel il ne pouvoit pas primer, jalousie et la médiocrité. A la pour s'ouvrir une carrière nou-première représentation de cette velle en musique. C'est à ses mé-pièce, le prince de Conti deditations que nous devons la Dé- manda à Campra ce qu'il en monstration du principe de l'Har pensoit. Ce musicien répondit: monie, vol. in-4°. ouvrage qui Monseigneur, il y porte sur un principe simple et unique, mais très-lumineux, la basse fondamentale. Cette idée si naturelle, dont cet auteur a fait un grand usage dans son code de la Musique, imprimé au Louvre, est la preuve du génie de Rameau, et lui mérite avec raison le titre de Newton de l'harmonie. Il a tellement facilité les règles de son art, que l'étude de la composition, qui étoit autrefois un travail de vingt années, est à présent celui de quelques mois. Les musiciens saisirent avidement la découverte de Rameau, en affectant cependant de la dédaigner. Les élèves se sont multipliés avec une rapidité étonnante; et la France s'est trouvée trop souvent inondée de mauvaise musique et de mauvais musiciens. Dès que sa théorie lui eut fait un nom, il voulut s'immortaliser encore par la prati-positeurs bornés, est une faute que de ce même art, sur lequel avoit répandu de si grandes lumières. C'étoit Newton faisant des télescopes. Il désira travailler pour le théâtre, et s'adressa à

de musique dans cet opéra pour en faire dix. » Dans une autre occasion, le même musicien, charmé de ce genre nouveau de musique, s'étoit écrié : « Voici un homme qui nous éclipsera tous. » Les ennemis de Rameau furent forcés de convenir de sa supériorité. Monteclair, un des plus ardens antagonistes du nouveau musicien dont il décrioit la personne et les ouvrages, ne put s'empêcher, à la sortie d'une des représentations des Indes galantes, d'aller lui témoigner le plaisir qu'il avoit éprouvé à un passage de cet opéra, qu'il lui cita. Kameau, qui le voyoit aussi maladroit dans ses louanges qu'il l'avoit été dans ses critiques, lui dit : : « L'endroit que vous louez, monsieur, est cependant contre les règles, car il y a trois quintes de suite; » ce qui, pour les com

grave, que Monteclair avoit souvent reprochée à Rameau. Le public de Paris rendit un jour une justice éclatante à ses talens; c'étoit à une représentation de Dar

du célèbre Lulli. L'académie royale de musique lui fit faire un service, où les plus beaux morceaux de Castor et de Dardanus furent adaptés à la musique des prières chantées dans cette occa

danus. On l'aperçut à l'amphi- | Saint-Eustache, où est le tombeau théâtre, on se retourna de son côté, et on battit des mains pendant un quart-d'heure. Après l'opéra, les applaudissemens le suivirent jusques sur l'escalier. Cet événement est d'autant plus remarquable, que Rameau évision. Ainsi les disciples de Ra

étoient grands, bien prononcés et annonçoient la fermeté de son caractère. Ses yeux étinceloient du feu dont son ame étoit embrasée. Si ce feu paroissoit quel

toit le plus qu'il pouvoit les re- phaël firent placer le tableau de gards du public : lorsqu'il assis- la Transfiguration vis-à-vis du toit aux représentations de ses cercueil de ce grand peintre, lors opéras, il se plaçoit presque tou- qu'on célébroit sa poinpe funèbre. jours dans une petite loge, s'y Rameau étoit marié et fut heureux cachoit de son mieux, et même dans son ménagé. Il étoit d'une s'y tenoit couché. Il avoua un jour taille fort au-dessus de la méà un de ses amis, qu'il fuyoit diocre, et d'une maigreur sinles complimens parce qu'ils l'em-gulière. Les traits de son visage barrassoient et qu'il ne savoit qu'y répondre. » Il étoit moins embar rassé lorsqu'il essuyoit des critiques. Il lui échappa un jour devant quelques gens de lettres qui étoient chez Ini, un anachro-quefois assoupi, il se ranimoit nisme. Il s'aperçut qu'on sourioit. Il se leve avec fureur, va à son clavecin, où ses doigts errant au hasard trouvèrent des sons admirables. Alors se tournant vers ceux qui avoient souri « Avouez, leur dit-il, messieurs, qu'il est plus beau de trouver de tels accords, que de savoir précisément dans quelle année Mérovée ou Mérovite est mort. Vous savez, et je crée. Le génie, je crois, vaut bien l'érudition....» Rameau étoit compositeur de la musique du cabinet du roi, qui lui accorda des lettres de noblesse en 1764, lettres qu'il ne fit point enregistrer, par avarice. Il étoit | désigné pour être décoré de l'ordre de Saint-Michel, lorsqu'il mourut le 12 septembre de la même année. On prétend que tout ce que son curé put tirer de lui dans ses derniers momens, fut cette phrase: « Que diable venez-vous me chanter, M. le curé, vous avez la voix fausse.» Il fut inhumé le lendemain à

ce

à la plus légère occasion; et Rameau portoit dans la société le même enthousiasme qui lui faisoit enfanter tant de morceaux sublimes. Il étoit naturellement mélancolique; il avoit l'humeur brusque et quelquefois dure en apparence; il avoit l'ame fière et indépendante nulle souplesse nul manége. A la répétition d'Hippolyte et d'Aricie, sa musique d'un caractère tout neuf, effraya les exécutans. L'auteur témoigna son mécontentement au directeur qui ce jour la conduisoit l'orchestre. Ce dernier s'offensa de la semonce, et jeta sur le théâtre le bâton de mesure. Ce bâton vint frapper les jambes de Rameau, qui le repoussant du pied jusqu'à l'endroit où étoit le directeur lui dit fièrement : « Apprenez, Monsieur, que je suis ici l'architecte, et que vous n'êtes que le maçon. » Ilauroit eru s'avilir en demandant des graces; et quoiqu'on l'accusât d'aimer l'argent, cette passion ne put

ont

jamais l'engager à plier, pour savant, plus harmonieux et plus quelque motif que ce fût. Il n'im-mâle. Lulli, quoique en généposa silence à ses ennemis et à ral plus efféminé, à quelquefois ses rivaux , que par ses talens. été grand; et Rameau, quoique On prétendit d'abord que sa mu- en général sublime, majestueux sique étoit inexécutable; il s'obs- et terrible, a sacrifié aux graces tina, et le succès prouva qu'il et à la volupté. A ce jugement sur avoit raison. Alors on se retran- Rameau, nous joindrons celui cha à dire que ses ouvrages n'é- du fameux auteur du Devin du toient merveilleux que par la dif- | Village. « Ses opéras, dit-il, ficulté ; mais le sentiment et l'ex- les premiers élevé le théâtre de périence disent qu'ils le sont en l'opéra au-dessus des tréteaux du effet par les grandes beautés qu'ils Pont-neuf. Il a franchi hardiment renferment. Il a consigné ses prin- le petit cercle de très-petite mucipes dans deux ouvrages savans, sique, autour duquel nos petits mais un peu obscurs. L'un est in- musiciens tournoient sans cesse titulé : Démonstration_du_prin- depuis la mort du grand Lulli : cipe de l'Harmonie, in-4°; l'autre de sorte que quand on seroit assez Code de Musique, 1760, 2 vol. injuste pour refuser des talens in-4°. Les ouvrages théoriques de supérieurs à M. Rameau, on ne Rameau ont cela de singulier, pourroit au moins disconvenir qu'ils ont fait une grande fortune qu'il ne leur ait en quelque sorte sans presque avoir été lus; et ils ouvert la carrière, et qu'il n'ait le seront bien moins, depuis que mis les musiciens qui viendront d'Alembert a pris la peine de faire après lui à portée de déployer dans un petit vol. in-8°, le som-impunément les leurs ce qui maire de toute la doctrine de l'auteur. Quinault avoit dit «< qu'il falloit que le poète fût le trèshumble serviteur du musicien. >> Qu'on me donne la Gazette de Hollande, dit Rameau, et je la mettrai en musique. Il disoit vrai, s'il en faut juger par certains mau-reproche eût le sens commun, vais poètes qu'il a mis au théâtre de l'opéra, et qui ont eu le plus grand succès. Quoiqu'il ait couru la même carrière que Lulli, il y a beaucoup de différence entre eux. Ils se ressemblent seulement en ce qu'ils sont tous deux créa-geoit; d'avoir souvent mal saisi teurs d'un spectacle nouveau. Les opéras de Rameau different autant de ceux de Lulli, que celuici differe de Perrin. Lulli plus simple parle au cœur, a dit un homme d'esprit; Rameau peint à l'esprit et à l'oreille; et quand il veut attendrir, il parle au coeur comme lui. L'un est plus populaire, plus uniforme, l'autre plus

assurément n'étoit pas une entreprise aisée. Il a senti les épines ; ses successeurs cueilleront les roses. On l'accuse assez légèrement, ce me semble, de n'avoir travaillé que sur de mauvaises paroles. D'ailleurs, pour que ce

il

faudroit montrer qu'il a été à portée d'en choisir de bonnes. Aimeroit-on mieux qu'il n'eût rien fait du tout? Un reproche plus juste est de n'avoir pas toujours entendu celles dont ils se char

les idées du poète, ou de n'en avoir pas substitué de plus convenables, et d'avoir fait beaucoup de contre-sens. Ce n'est pas sa faute s'il a travaillé sur de mauvaises paroles; mais on peut douter s'il en eût fait valoir de meilleures. Il est certainement, du côté de l'esprit et de l'intelligence fort au-dessous de Lulli,

quoiqu'il lui soit presque toujours fragable, mais seulement comme supérieur du côté de l'expression. le sentiment d'un grand musiRameau n'eût pas plus fait le cien, dont les opinions ne fumonologue de Roland, que Lullirent pas toujours favorables à celui de Dardanus. Il faut recon- ses rivaux et à ses contemporains. noître dans Rameau un très-Outre plusieurs recueils de pièces de clavecin, admirées pour Thar

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sur

la

grand talent, beaucoup de feu, une tête bien sonnante, une monie, on doit à Rameau plugrande connoissance des renver- sieurs opéras. Celui de Castor et semens harmoniques et de toutes Pollux passe avec raison pour son les choses d'effet; beaucoup d'art chef-d'œuvre. Les chœurs sont pour s'approprier, dénaturer de la plus grande beauté, orner, embellir les idées d'autrui tout celui des funérailles de Caset retourner les siennes; assez tor et celui des enfers, au quapeu de facilité pour en inventer trième acte. Les autres opéras de de nouvelles; plus d'habileté que ce musicien célèbre sont : Hipde fécondité; plus de savoir que polyte et Aricie, les Indes gade génie, ou du moins un génie lantes, les Fêtes d'Hébé, Darétouffé par trop de savoir; mais danus, Platée, les Fêtes de Potoujours de la force et de l'élé- lymnie, le Temple de la gloire, gance, et très-souvent du beau les Fétes de l'hymen, Zaïs, Pigchant. Son récitatif est moins na- malion, Naïs, Zoroastre, turel, mais beaucoup plus varié | Guirlande, Acanthe et Céphise, que celui de Lulli; admirable Daphnis et Eglé, Lysis et Délie, dans un petit nombre de scènes, les Sybarites, la Naissance d'Omauvais presque par - tout ail- | siris, Anacréon, les Surprises de leurs ce qui est peut-être autant l'Amour, et les Paladins. Les trala faute du genre que la sienne; vaux de Rameau, dit un écricar c'est souvent pour avoir trop vain, forment une véritable épovoulu s'asservir à la déclama-que dans l'histoire particulière de tion, qu'il a rendu son chant baroque et ses transitions dures. S'il eût eu la force d'imaginer le vrai récitatif, et de le faire passer chez cette troupe moutonnière, je crois qu'il y eût pu exceller. Il est le premier qui ait fait des sym-leurs compositions dramatiques phonies et des accompagnemens qu'un récitatif et des airs d'une travaillés... Personne n'a mieux simplicité extrême, sujète à désaisi que lui l'esprit des détails; générer en monotonie. Rameau personne n'a mieux su l'art des sut donner à ses chants plus d'orcontrastes; mais en même temps nement et de variété, à ses choeurs personne n'a mieux su donner à plus de mouvement et d'effet. 11 ses opéras cette unité si savante excella sur-tout dans les airs de et si desirée; et il est peut-être danse, dont un grand nombre le seul au monde qui n'ait pu venir seront toujours entendus avec le à bout de faire un bon ouvrage plus grand plaisir. Mais si l'on de plusieurs beaux morceaux fort ne peut lui refuser de la verve et bien arrangés. Ce jugement est de l'imagination, on doit convesévère, et nous ne le rapportons nir aussi qu'il a trop aimé le bruit, point comme une décision irré- qu'il a manqué de sensibilité,

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la musique dramatique en France, et dans l'histoire générale de l'art. Avant Ramean, les musiciens français, marchant avec plus. ou moins de succès dans la route tracée par Lulli, n'offroient dans

ces aperçus isolés, un corps de doctrine imposant par son ensemble; qu'il a donné à ses successeurs le moyen de mieux faire, et que son ouvrage perfectionné est devenu une théorie vaste et lumineuse, qui sert de liaison et de confirmation à toutes les règles connues avant lui. Le Systeme de la basse fondamentale, convenablement modifié, est reçu aujourd'hui dans toutes les écoles, et c'est une gloire que les étrangers envieront toujours à la France, sans pouvoir jamais la lui ravir.

II. RAMEAU. V. DURAMEAU.

que ses chants sont baroques et souvent de fort mauvais goût; et, en cela, il est d'autant moins excusable, qu'il connoissoit les 'meilleurs modèles en ce genre, ayant entendu, dans son voyage en Itabe, les ouvrages d'A. Searlatti, de Léo, de Durante; et que le seul motif qui l'empêcha de s'en rapprocher, est cette ridicule jalousie qui, de tout temps, a animé les musiciens français contre les compositeurs italiens. L'harmonie de Rameau, surchargée de dissonances, convient peu au style dramatique; sa facture est fort incorrecte: il est, en ce point, très-inférieur à La Lande, à Campra, à Bernier, *RAMELIN ou REMMELIN à Clerambault et autres, comme (Jean), d'Ulm en Souabe, vil'a remarqué Kirnberger. Malgré voit au commencement du 17° tous ces défauts, les composi- siecle. Il a publié un Ouvrage tions de Rameau ne devroient pas d'anatomie qui n'est remarquable tre négligées comme elles le que par la disposition des figuont aujourd'hui, il y a lieu de res, dont la plupart sont tirées roire que, retouchées par une de Vésale, mais assez mal renain habile, plusieurs d'entre dues. Les planches sont rangées les auroient même le plus grand de façon qu'on a d'un côté les ccès. Mais la gloire la plus parties antérieures, et de l'autre lide qui reste à jamais à cet les parties postérieures. En lemme supérieur est dans ses vani la planche qu'on vient d'exacouvertes théoriques. On veut miner, on voit toujours le côté rler ici de son Système de la opposé; et, en continuant ainsi, asse fondamentale. En effet, on rencontre dans leur ordre uoique plusieurs des idées sur naturel les parties situées plus lesquelles est fondé ce système, profondément. La gravure est insi que des preuves dont il l'a de Michel Spachier sous le ppuyé, eussent été entrevues nom duquel louvrage parut en vant lui; quoiqu'il règne dans hollandais dans les années 1614 a détermination qu'il a faite de et 1615, sans faire mention de es élémens, une confusion d'i- Ramelin. Le titre qu'il porte peut lées qui rend fautives la plus se rendre en français par celui-ci : grande partie de ses règles d'har-Description ou Vue microscome, nonie; quoiqu'il ait exposé lui- ou l'Anatomie du corps de l'homiême son système avec beaucoup me et de la femme. Les éditions obscurité et une profusion fati- latines sont d'Augsbourg, 1619, zante de démonstrations de phy-gr. in-fol. ; d'Ulm, 1639, in-fol.; ique et de géométrie qui n'ont de Francfort, 1660, in-folio; oint de rapport à son objet d'Amsterdam, 1667, in-fol. sous rincipal, il n'en est pas moins le titre de Catoptron microscoai qu'il a le premier fait, de micum suis ære incisis visionibus

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