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55 Remplit abondamment une Iliade entiere.
Souvent trop d'abondance appauvrit la matiere.
Soyez vif & preffé dans vos narrations.
Soyez riche & pompeux dans vos defcriptions.
C'est là qu'il faut des vers étaler l'élegance.
260 N'y prefentez jamais de baffe circonstance.
N'imitez pas ce Fou, qui décrivant les mers
Et peignant au milieu de leurs flots entr'ouverts
L'Hebreu fauvé du joug de fes injuftes Maistres,
Met pour le voir paffer, les poiffons aux feneftres,
265 Peint le petit Enfant qui va, saute, revient,
Et joyeux à fa Mere offre un caillou qu'il tient.
Sur de trop vains objets c'eft arrefter la veuë.
Donnez à voftre ouvrage une jufte étenduë.

REMARQUES.

VERS 261. N'imitez pas ce Fou,
&c.] S. Amant. DE SP.

Les poiffons ébabis
Moïfe fauvé. DESP. Ce Vers eft de
la cinquième partie de ce Poëme,
Le P. Ant. Millicu, Jéfuite,

VERS 264. Met pour le voir paffer, les poiffons aux feneftres, 1 les regardent passer.

dans fon Mofes Viator, imprimé à Lion in-8°. 1636. Liv. V. N. 18. avoit dit avant S. AMANT, Hinc inde attoniti liquido ftant marmore pifces.

VERS 265. Peint le petit en
fant qui va
faute, revient. 3

Voici les Vers de Saint Amant, au même endroit :

La l'enfant éveille courant fous la licence

Que permet à son âge une libre innocence

Va, revient, tourne, faute ; & par maint cri joïeux,

Témoignant le plaifir que reçoivent fes yeux

D'un étrange caillou qu'à fes pieds il rencontre,
Fait au premier venu la précieuse montre :
Ramaffe une coquille & d'aife transporté,
La préfente à fa mere avec naïveté.

Volts Tome III. les Réflexions Critiques fur Longin. Réflex. VÍ,

Que le debut foit fimple & n'ait rien d'affecté.
270 N'allez pas dés l'abord, fur Pégaze monté,
Crier à vos Lecteurs, d'une voix de tonnerre,
Je chante le Vainqueur des Vainqueurs de la Terre.
Que produira l'Auteur aprés tous ces grands cris?
La Montagne en travail enfante une fouris.

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Il n'y a rien de fi piteux, que , cet Homme pieux; car Homme , n'eft pas égal à la force du Virum de Virgile, & il devoit traduire le fato profugus, mais il n'en a pas eu la force,,. Ne feroit on pas fâché que la cri,, tique de Desmarêts fût jufte ?

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A l'égard du Vers de Scuderi. Voici ce qu'on trouve à fon fujet dans l'Edition de Paris 1740. "Que la faute eft belle, s'écrie SAINTE GARDE dans fa DE'

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nulle enflure, dit Desmarêts
95. & tout de fuite il critique la
traduction que nôtre Auteur fait,
Vers 278. 279. & 280. du début
de l'Eneide. "Et comment ofe-

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t'il nous préfenter, dit - il, ,, pour un Vers d'un ton aifé, doux, fimple, harmonieux,

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cet Homme pieux, &c.

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FENSE DES BEAUX ESPRITS, qui ne déplait point à STACE, qui ne déplait point à LUCAIN,qui ne dé,, plaît point à SILIUS ITALICUS qui ne déplaît point à CLAU

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,, DIEN,,.

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On peut juger par ce paflage du goût de Sainte Garde, & de fa fidélité dans la critique. Les débuts de Stace, de Lucain, & de Claudien font très-empoullés. Pour Silius Italicus, il commence d'une manière aflés fimple.

Ordior arma, quibus cælo fe gloria tollit
Eneadum, patiturque ferox Oenotria jura.
Carthago.

IMIT. Vers 273. Que produira
l'Auteur aprés tous ces grands cris?]

Dans ce Vers, dans ceux qui le
précèdent depuis le Vers 269.

Que le debut foit fimple & n'ait rien d'affecté ;
& dans ceux qui fuivent jufques au Vers 286.
Et déja les Céfars dans l'Elysée errans.

M. Defpréaux le modèle fur les
dix premiers Vers de cet endroit

d'Horace, dont il imite quelques traits. Art Poët. Vers 136.

275 O! que j'aime bien mieux cet Autheur plein d'adreffe Qui fans faire d'abord de fi haute promesse,

REMARQUES.

Nec fic incipies, ut fcriptor Cyclitus olim :
Fortunam Priami cantabo & nobile bellum.
Quid dignum tanto feret hic promissor hiatu!
Parturient montes: nafcetur ridiculus mus
Quanto rectius, hic, qui nil molitur ineptè!
Dic mihi Mufa virum, captæ poft tempora Troja
Qui mores hominum multorum vidit & urbes.
Non fumum ex fulgore, fed ex fumo dare lucem
Cogitat, ut fpeciofa dehinc miracula promat,
Antiphaten, Scyllamque, & cum Cyclope Charybdim,
Nec reditum Diomedis ab interritu Meleagri,
Nec gemino bellum Trojanum orditur ab ovo.
Semper ad eventum feftinat, & in medias res,
Non fecus ac notas, auditorem rapit, & que
Defperat tractata nitefcere poffe, relinquit:
Atque ita mentitur, fic veris falfa remifcet,
Primo ne medium, medio ne difcrepat imum.

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Voici de quelle manière La Fref- endroit, dans fon Art Poëtique,
baie - Vauquelin paraphrafe cet Livre fecond.

Pour un commencement tu n'enfleras ta veine,
Comme fift un Ciclic, d'une trop forte aleine :
De Priam les deftins hautain je veux chanter,
Ses valeureux exploits, & fes guerres conter:
Ou comme a fait celuy, qui tout plein de bravade,
Voulut du premier mot router une Iliade:
Je chante les combats de ce grand Pharamont,
Qui les Gaules jadis boulverfa contremont.
Que pourroit aporter ce prometteur qui dreffe
L'aifle fi baut, qui fust digne de sa promeffe?
Les montaignes s'enflant, groffes accoucheront,
Une mouche en naiftra dont les gens fe riront.

O combien mieux a dit d'Ulyffe la trompette,
Qui rien messeamment en fes œuvres ne traite!
Mufe, dis moy celuy qui tant a voyagé
Apres Ilion pris & fon mur faccagé:
Pratiqué tant de meurs & tant d'ames diverfes
Et tant fouffert de maux deffus les ondes perfes ?
Ou bien noftre Ronfard, fi d'un air entonné
Hautement fa trompette en long vers eust sonné.
L'on peut conclure de cette fin,
qu'il n'approuvoit pas que Ron-
fard cut emploïé dans fa Francia.
de les Vers de dix; & que ces

Vers ne lui paroiffoient pas af
fés majeftueux. Il propofe donc
en exemple un autre commen-
cement de la Franciade, foit qu'il

Me dit d'un ton aifé, doux, fimple, harmonieux,
Je chante les combats, & cet homme pieux,

REMARQUES.

foit de lui-même, foit, que ce foit un Fragment de Ronfard, qui peut-être aura voulu voir comment il auroit pu s'y prendre en grands Vers. Ce mor

ceau qui contient vingt- quatre Vers, n'eft au refte qu'une très-bonne imitation du commencement de l'Eneide. Il dit enfuite :

Et s'il m'eftoit permis d'aleguer de ma rime,
Peut-eftre je pourroy me mettre en quelque eftime
En l'ouvrage que j'ay dés long temps avancé,
Autant qu'autre qui foit en France commencé.
Nous apprenons par là, qu'il
avoit entrepris un Poëme Epique,
& qu'il l'avoit fort avancé. Vrai-
femblablement il ne l'acheva
pas. Ce qu'il y a de fur, c'eft
qu'il n'en a rien fait imprimer.
David êtoit fon Héros. Il rap-

porte cinquante Vers, qui for-
moient le débat de fon Poëme; &
fi tout le refte leur reflembloit
il n'auroit certainement pas ête
mis au rang des mauvais. Il
continue enfuite de cette ma
nière:

Mais ce n'eft nous qu'il faut aux François aleguer,
Il faut en la mer Grecque & Latine voguer,
Amener fes vaiffeaux tous chargés de la proye,
Que tant d'efprits trouvoient aux beaux restes de Troye,
Suivant Virgile ainfi ( quand du sujet plus bas,
Paffant par le moyen
il chanta les combats.)

Ce fut moy qui flutay ma chanfon bocagere
Au pipean pertuife d'une avene legere:
Puis fortant des forefts, apris aux champs voisins
A doubler au fermier les bleds & les raifins.:
Au laboureur champestre œuvre bien agreable:
Maintenant de la guerre & de Mars effroyable
Je chante les combats & ce* Prince guerrier,
Qui fugitif de Troye aborda le premier
Aux champs Italiens avec peine infinie
Arrivant par deftin au port de Lavinie, &c.
Il continue fa traduction juf- qu'à ces mots :

-Tanta-ne animis cæleftibus ira?

* Ces deux

mots ren

dent toute la force du Virum de l'original.

lefquels il me paroît avoir fort tour de phrafe fort ufité de fon bien rendus, en fe fervant d'un tems.

Peut un celefte cœur eftre tant irrité.

İl se remet ensuite à paraphra- ser HORACE.
Voyez comme le Grec rend la Mufe efiimee,
Tirant une clarté d'une obfcure fumee :

Qui des bords Phrygiens conduit dans l'Aufonie, 180 Le premier aborda les champs de Lavinie.

Sa Muse en arrivant ne met pas tout en feu :

Et pour donner beaucoup, ne nous promet que peu.
Bien-toft vous la verrez, prodiguant les miracles,
Du deftin des Latins prononcer les oracles,

REMARQUES.

Ne voulant pas auffi la lueur enfumer,
Mais d'un epais brouillas une flamme allumer
Afin qu'il chante apres des chofes merveillenfes
Un Antiphat, Caribde & Scille perillenfes ;
Un Cyclops qui cruel Ulyffe eut englouti,
S'il ne s'en fuft plus caut que les fiens garanti.
Ainfi le doux Virgile a fa voix abaiffee
Afin qu'elle parut d'avantage hauffee",
Pour dire de Junon le couroux tempesteux,
Et d'Fole animé les tourbillons venteux,
Une Troye embrafee, une Didon pleureuse,
La defcente d'Enee en la caverne ombreuse
De Pluton ou chetif il fuft lors demeuré
Sans fa guide fidelle & le rameau doré.

la

Le Grec n'a commencé des l'œuf jumeau,
Des Troyens & des Grecs: le retour en fa terre
De Diomede auffi, des le fatal trespas
Du faé Maleagre il ne raconte pas.

guerre

* Je ne con

Et de forte Maron n'a fon œuvre ordonnee, nois point c Qu'elle commence auffi des l'enfance d' Enee: terme.

Mais le milieu prenants ils font fubtilement

Sçavoir la fin enfemble & le commencement:

Et tendant vers la fin, chacun d'eux rend connues
Les chofes qui ne font & qui font avenues:
Car ils font au lifeur le milieu fi bien voir
Que tout le precedent il en peut concevoir :
S'ils trouvent quelquefois la matiere choisie,
Ne pouvoir aifement couler en Poëfie,
Ils la quittent bien toft, & fi vont tellement
Meflant le faux au vray mentant fi doucement
Qu'au premier le milieu fe rencontre en la forte
Qu'au milieu le dernier proprement se raporte.
Pout ce qui concerne la durée
de l'Action du Poeme Epique,
Voïés la Remarque fur le Vers
45. de ce Chant.

VERS 282.
Tome II.

promet que peu. ] Il y a dáns quelques Editions: Ne nous promet pas pen; ce qui eft une faute remarquable d'impreffion ne nous BROSS.

H

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