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45 Qui dans l'impreffion au grand jour se montrant Ne foutient pas des yeux le regard penetrant. On fçait de cent Auteurs l'aventure tragique : Et Gombault tant loüé garde encor la boutique. Ecoutez tout le monde, affidu confultant. 50 Un Fat quelquefois ouvre un avis important.

REMARQUES.

On voit bien que c'eft le Poëme de La Pucelle, que nôtre Auteur indique ici. Nous avons vû la même chofe arriver aux Fa. bles de feu La Mothe. On les avoit louées à toute outrance, lorfqu'il les avoit récitées dans les Affemblées publiques de l'A cadémie. A peine furent-elles imprimées, qu'elles n'eurent plus pour admirateur que le petit Abbé de Pons, qui foutint toujours que le Public avoit tort, & que c'êtoit un excellent Ouvrage, Plufieurs perfonnes fe fouvien nent, auffi-bien que moi, qu'un jour il vint au Caffé très en colère contre un petit Neveu, qu'il avoit, auquel il avoit donné, pour apprendre par cœur, deux Fables, l'une de La Fontaine & l'autre de La Mothe. L'Enfant, qui n'avoit pas plus de fix ans, avoit appris fans peine celle de La Fontaine, & n'avoit jamais pu retenir un mot de celle de La Mothe. Cette expérience ne convertit point l'Abbé de Pons, & ne fit que l'indigner contre le mauvais goût futur de fon Neveu. VERS 48. Et Gombault tant loué.] JEAN Ogier de Gombault, Gentilhomme de Saintonge, l'un des premiers Académiciens fut en fon tems un Poëte célèbre. Ses Sonnets & fes Epigrammes font les meilleurs de fes Ouvra

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ges. Il compofa les dernières dans fa vieilleffe; & ce qui paroîtra fingulier, elles font com munément fupérieures aux premiers, parmi lefquels. quoique nôtre Auteur ait dit, Chant II. Vers 97. & 98. il y en a beaucoup de très-bien faits. Les Vers de ce Poëte ont de la douceur & font tournés avec art. Ce qui le caractérise principalement, c'est beaucoup de délicatefle. II a fait des Pièces de Théatre dont la Conftitution eft dans le goût de fon tems; mais dont les détails méritent quelque eftime. Le Dictionnaire & le Supplé ment de Moréri ne font point mention de l'Amarante de Gombault. C'eft une Paflorale en cinq Actes, où l'Auteur a mis à la vérité trop d'efprit, mais où l'on trouve auffi, dans quelques endroits,tout le naturel,qui convient au Genre Bucolique. La Verfification n'en eft pas égale. C'est un défaut ordinaire à cet Auteur dans tous fes Ouvrages un peu longs. Il ne fe foutient que dansfes petites Poëfies. Il êtoit Calvinilte, & mourut en 1666. âgéde près de cent ans.

IMIT. Vers 50. Un Fat quel quefois ouvre un avis important.] C'eft un Proverbe contenu dans cet ancien Vers Grec cité par MACROBE, Saturnales, Liv. VI.

Quelques Vers toutefois qu'Apollon vous inspire
En tous lieux auffi-toft ne courez pas les lire.
Gardez-vous d'imiter ce Rimeur furieux
Qui de fes vains écrits lecteur harmonieux

REMARQUES.

Ch. 7. & par AULU GELLE, Nuits Attiques, Liv. II. Chap. 6. Πολλάκι γὰρ καὶ μορὸς ἀνήρ μάλα κάιριον εἶπεν,

Sape etiam eft ftultus valde opportuna locutus.

Nos Pères difoient au même fens: Un Fol enseigne bien un Sage. RABELAIS, Liv. VIII. Ch. 36. Au refte la Maxime contenue dans ce Vers de nôtre Auteur & dans le précédent, n'êtoit point inconnue au Cardinal de Richelieu, qui, dans fon Teftament Politique, Part. I. Ch. VIII. Sect. II. dit: Le plus habile Homme du monde doit fouvent écouter les avis de ceux qu'il penfe même être moins babiles que lui. Comme il eft de la prudence, continue t'il, de parler pen, il en eft auffi d'écouter beaucoup. On tire profit de toutes fortes d'avis; les bons font utiles par eux-mêmes, & les mauvais confir ment les bons. BROSS.

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VERS (3.

ce Rimeur furieux. Du Périer. DES P. & VERS 7. Il n'eft Temple fi faint, &c. Il récita de fes Vers à l'Auteur malgré lui dans une Eglife. DESP.

Charles du Périer,Gentilhomme Provençal, natif d'Aix, s'êtoit d'abord attaché à la Poefie Latine, dans laquelle il reuffifloit trèsbien; & fes avis avoient formé

le célèbre Santeul. Mais ils fe brouillérent enfuite par une ja. loufie poëtique. Du Périer renonça à la Poëfie Latine, pour faire des Vers François dans lefquels il ne foutint pas tout à fait fa première réputation quoiqu'il fe fut propofé Malherbe pour modèle. La fureur qu'avoit Du Périer de réciter les Vers à tous venans, le rendoit infuportable. Un jour il accompagna M. Defpréaux à l'Eglife, & pendant toute la Meffe il ne fit que lui parler d'une Ode qu'il avoit préfentée à l'Acadé mie Françoife, pour le prix de l'année 1671. Il fe plaignoit de l'injuftice, qu'il prétendoit qu'on lui avoit faite, en ajugeant le prix à un autre. A peine put il fe contenir un moment pendant l'élévation. Il rompit le filence, & s'approchant de l'oreille de M. DESPRE'AUX: Ils ont dit, s'écria-t'il aflés haut, que mes Vers étoient trop Malherbiens. Cette faillie infpira à nôtre Auteur ces deux Vers, qui font le 57. & le 8.

Il n'eft Temple fi faint des Anges refpecté, Qui foit contre fa Mufe un lien de feureté, Cette Remarque eft de M. Broffette. Je n'ai fait qu'y changer quelques mots, pour la rendre

plus approchante de la vérité. Charles du Périer eft un des grands Poëtes, que la France

55 Aborde en recitant quiconque le faluë;
Et pourfuit de fes Vers les paffans dans la ruë.

REMARQUES.

ait eus. Ses Vers Latins font
très-fupérieurs à tout ce que nos
Auteurs peuvent en avoir faits.
Je n'excepte ni Santeul ni le P.
Commire. Il reuffiffoit fur tout
dans l'Ode; & l'on ne peut que
foufcrire au jugement de Ména-
ge, qui le qualifioit, le Prince
des Poetes Liriques. Il faifoit auffi
très-bien des Vers François, &
je ne crois pas que l'Académie ait
jamais rien couronné d'auffi bon
que quelques Pièces de Du Pé-
rier; & même s'il n'avoit pas,

Ta douleur, du Périer,
De-là venoit l'attachement de
Charles pour un Homme , que fa
Famille l'avoit accoutumé dès
l'enfance, à regarder avec rai-
fon, comme un très-grand Poë-
te. Il vivoit encore en 1686. Ses
Poeftes n'ont jamais êté raflem-
blées, & font répandues dans un
grand nombre de Recueils. Elles

en faifant des Odes Françoifes,ref-
ferré fon génie dans une imita-
tion trop fervile de Malherbe.
au lieu de le laiffer agir comme
il avoit fait dans fes Odes Lati-
nes, il eft à croire qu'il tiendroit
un des premiers rangs parmi
nos Poëtes Liricues. Il êtoit ne-
veu de ce M. Du Périer à qui
Malherbe adreffe ces admira-
bles Stances dans lefquelles il
le confole de la mort de fa
Fille, & qui commencent par ce
Vers,

fera donc éternelle.
mériteroient bien que quelqu'un
prit la peine de les réunir.

IMIT. Vers 5. Aborde en recitant, &c.] L'idée de ce Vers & du fuivant, auf-bien que l'Epithète de furieux donnée à Rimeur dans le Vers 53. eft prife d'Horace, qui dit, Art Poetique, Vers 472.

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certè furit, ac velut urfus,
Objectos cavea valuit fi frangere clathros,
Indoctum doctumque fugat recitator acerbus.
Quem verò arripuit, tenet occiditque legendo;
Non miffura cutem, nifi plena cruoris, hirudo.
Voïés Martial, Livre III. Epigr.
XLIV, & Muret dans fes Juve-
milia.

Voici comment La Frefnaie.
Vauquelin paraphrafe les Vers
d'Horace
, que l'on vient de voir.
Il eft pourtant tousjours incenfé caqueteur,
De fes vers à chacun importun reciteur
Comme l'Ours irrité, fi de fa cave il ofe
Deffaire les barreaux, rompre la porte close,
Loin il chaffe tous ceux, qui marchent devant luy;
L'ignorant & le docte ainfi craignant l'ennuy
S'enfuiront autrepart: Si quelqu'un il arrefte,
De fes vers jargonnant il luy rompra la tefte:
Car comme la Sangfue ayant trouvé la chair
Il s'emplira de fang, avant que la lacher.

Il n'eft Temple fi faint, des Anges refpecté,
Qui foit contre fa Muse un lieu de fureté.

Je vous l'ay déja dit, aimez qu'on vous cenfure,
60 Et fouple à la Raifon, corrigez fans murmure.
Mais ne vous rendez pas dés qu'un Sot vous reprend.
Souvent dans fon orgueil un fubtil Ignorant
Par d'injuftes degouts combat toute une Piece;
Blâme des plus beaux vers la noble hardiesse.
65 On a beau refuter fes vains raisonnemens :
Son efprit fe complaift dans fes faux jugemens;
Et fa foible raifon de clarté depourvûë,
Penfe que rien n'échape à fa debile vuë.

Ses confeils font à craindre, & fi vous les croyez, 70 Penfant fuir un écueil, fouvent vous vous noyez. Faites choix d'un Cenfeur folide & falutaire, Que la raison conduise, & le fçavoir éclaire, Et dont le crayon feur d'abord aille chercher

L'endroit, que l'on fent foible, & qu'on fe veut cacher 75 Luy feul efclaircira vos doutes ridicules:

De vostre efprit tremblant levera les fcrupules.
C'est luy qui vous dira, par quel transport heureux,
Quelquefois dans fa courfe un efprit vigoureux

REMARQUES,

VERS 19. Je vous l'ay déja dit,] Dans le premier Chant, V. 192, Aimez qu'on vous confeille, & non pas qu'on vous loiie. VERS 71. Faites choix d'un Cen- peu trop fubtile fur des endroits feur folide & falutaire, &c.] Ca- de fes Ouvrages; M. Despréaux. ractère de M. Patru, le plus ha- au lieu de lui dire le proverbe La bile, & le plus févère Critique tin. NE SIS PATRUUS MIHI. N'aïés de fon fiècle. Il êtoit en réputa- point pour moi la févérité d'un Ontion de fi grande rigidité, que cle; lui difoit: NE SIS PATRU quand M. Racine faifoit à M. Def. MIHI. N'aïés point pour moi la fé préaux quelque obfervation un vérité de Patru.

Trop refferré par l'art, fort des regles prefcrites,
80 Et de l'Art mefme aprend à franchir leurs limites.
Mais ce parfait Cenfeur fe trouve rarement.
Tel excelle à rimer qui juge fottement.

85

Tel s'eft fait par fes Vers diftinguer dans la Ville
Qui jamais de Lucain n'a distingué Virgile.

Auteurs, preftez l'oreille à mes inftructions,
Voulez-vous faire aimer vos riches fictions?
Qu'en fçavantes leçons voftre Mufe fertile
Par tout joigne au plaifant le folide & l'utile.

REMARQUES.

CHANG. Vers 80. Et de l'Art mefme aprend à franchir leurs limites. Dans les premières Editions de ce Poëme il y avoit à franchir les limites. Cette expreffion êtoit équivoque car felon la conftruction grammaticale les limites fe rapportoient à l'Art ; au lieu que cela fe doit rapporter à Règles, qui eft dans le Vers précédent. C'eft pourquoi l'Auteur a mis, leurs limites, BROSS.

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Sa Tragédie de la Mort de Ponapée, eft une preuve de l'eftime qu'il avoit pour Lucain. Son goût êtoit fi peu fur, fi nous en croïons La Bruyère, Chap. des Jugemens, qu'il ne jugeoit de la bonté de fes Pièces, que par l'argent qu'il lui en revenoit. BROSS.

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66

Les bons Juges de Poëfie font plus rares que les bons

Poëtes. Malherbe donnoit la ,, préférence à Stace, fur tous les Poëtes Latins. Et j'ai oui de DESMARESTS s'y eft trompé.,, mes oreilles avec étonnement, "Méchant Vers, dit-il, p. 103. ,, P. Corneille la donner à Lu ,, tant pour la rude inverfion cain fur Virgile. J'ajouterois ,, que pour l'équivoque. Car encore Brebeuf que j'ai vu aprend femble fe lier avec de dans les mêmes fentimens, s'il l'Art même, & toutefois le Poë- ,, ne me paroiffoit plus dignes ,, te veut que l'on entende franchir les limites de l'art même ; 2, ce qui eft une double faute qui fait une trop grande obfcurité DU MONTEIL. VERS 84. Qui jamais de Lucain n'a diftingué Virgile. ] Nôtre Auteur déligne ici le grand Corneille.

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950

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du nom d'excellent Verfifica,, teur, que de grand Poëte,,. Huetiana, p. 177. & 178. Huetit Comment. Lib. I. EDIT. P. 1740.

IMIT. Vers 88. Par tout joigne au plaisant le solide & l'utile. ] HORACE a dit Art Poëtique Vers 343.

Omne tulit punctum qui mifcuit utile dulci,
Lectorem delectando, pariterque monendo

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