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Déja Dôle & Salins fous le joug ont ployé.

Bezançon fume encor fur fon Roc foudroyé.

215 Où font ces grands Guerriers, dont les fatales ligues
Devoient à ce torrent opposer tant de digues?
Eft-ce encore en fuyant qu'ils penfent l'arrester,
Fiers du honteux honneur d'avoir fceu l'éviter?

Que de remparts détruits! que de Villes forcées! 220 Que de moiflons de gloire en courant amassées !

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REMARQUES.

Depuis un chant plus haut j'entrepri tout celefle:
Alorfque Mars armé du dernier Manifefte,
Me rabaifa la voix. Je demeuray foudain,
Comme dans la foreft demeure un petit Dain,
Qui voit un Ours cruel au pied d'une defcente,
Ouvrir les flans batans de fa mere innocente :
Il fuit par la broffaille, il fuit de bois en bois,
Timide & defiant il pense à chaque fois,
Revoir l'Ours qui fa mere & la France decore:
Depuis ce jour tout tel je fuis poureux encore.
Je vivois cependant au rivage Olenois

A Caen, on l'Ocean vient tous les jours deux fois,
La moy De Vauquelin content en ma Province
Prefident je rendoy la Justice du Prince.

VERS 213. & 214. Déja Dôle
Salins, &c. Besançon fume en-
cor &c.] Ce font les trois
principales Villes de la Franche-
Comté, dont le Roi fe rendit
maître en l'année 1674. Be-
Jançon fut affiegé & pris au mois
de Mai: Dole & Salins fe rendi-
rent le mois fuivant. Le Roi
avoit déja conquis un autre fois
cette Province, en 1668.

VERS 215. Où font ces grands
Guerriers, dont les fatales Ligues. ]

La Ligue êtoit compofée de l'Empereur, des Rois d'Efpagne & de Dannemarck; de la Hollande & de toute l'Allemagne, excepté les Ducs de Bavie re & d'Hanover.

VERS 218. Fiers du honteux honneur d'avoir fceu l'éviter.]MON TECUCULLI, Général de l'Armée d'Allemagne pour les Alliés, évita le combat, & s'applaudit de la retraite avantageufe qu'il avoit faite.

Quos opimus,

Fallere & effugere, eft triumphus ;

dit Annibal, dans Horace, parlant des Romains,L. IV. Ode IV.V. sr

Auteurs, pour les chanter, redoublez vos transports.
Le fujet ne veut pas de vulgaires efforts.

Pour moy, qui jufqu'ici nourri dans la Satire,
N'ofe encor manier la trompette & la lyre :
225 Vous me verrez pourtant, dans ce champ glorieux,
Vous animer du moins de la voix & des yeux :
Vous offrir ces leçons que ma Muse au Parnasse
Rapporta jeune encor du commerce d'Horace;
Seconder voftre ardeur, échauffer vos efprits,
230 Et vous montrer de loin la couronne & le prix.
Mais auffi pardonnez fi, plein de ce beau zele,
De tous vos
pas fameux obfervateur fidele,
Quelquefois du bon or je separe le faux,

Et des Autheurs groffiers j'attaque les defaux :
235 Cenfeur un peu fâcheux, mais fouvent neceffaire ;
Plus enclin à blâmer, que fçavant à bien faire.

دو

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REMARQUES.

VERS 236. Plus enclin à blåmer, &c. Cette Remarque n'est que pour faire faire attention à ce que Desmarêts dit, p. 105. en parlant de nôtre Auteur. "Dans ce quatrième Chant de fon Art Poetique, on voit d'abord qu'aïant perdu le fil & la conduite des préceptes d'He ,, race, il tombe en des baffeffes continuelles, & dans l'embarras, comme un aveugle qui ,, a perdu fon bâton. Après fon Conte du Medecin qui eft fi long & fi inutile à fon fujet,il n'y a rien qui ne mar,, que fon défordre,,. Cette Cenfure, fi baffement exprimée, eft visiblement le langage de la haine & de la vangeance, éclairées pourtant par la raifon. Le Con

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te du Medecin n'eft pas inutile par l'ufage, que l'Auteur en fait; & l'on fe tourmenteroit en vain pour trouver ici ces bassesses continuelles, que Desmarêts croïoir y voir. Mais il me femble qu'on ne fauroit difconvenir du défordre, qu'il reproche à ce Chant. M. Defpréaux m'y paroît en effet aller de branche en branche. Je n'y vois rien de lié, rien qui sui. ve de ce qui précède, ou qui méne à ce qui fuit. Si tout ce qu'il dit, n'êtoit pas en foimefme ou très utile ou trèsagréable, & qu'il ne fut pas dit en auffi beaux Vers; je ne doute pas que la lecture de ce quatrième Chant ne fut infou tenable à tous les Amateurs de l'ordre.

LE

LUTRIN,

POEM E

HÉROÏ-COMIQUE.

172

* AVIS AU LECTEUR, (Pour la première Edition du LUTRIN, en 1674.)

JE ne feray point ici comme ( 1 ) l'Ariofte,

qui, quelquefois fur le point de débiter la Fable du monde la plus abfurde, la garantit vraye d'une vérité reconnue, & l'appuïe mefme de l'autorité (2) de l'Archevefque Turpin. Pour moy je déclare franchement que tout le Poëme du Lutrin n'eft qu'une pure fiction & que tout y eft inventé, jufqu'au nom mefme du lieu où l'action fe paffe. Je l'ai appellé

REMARQUES.

* Cet Avis au Leteur précéda le Lutrin dans toutes les Editions, jufqu'en 1683. que l'Auteur le fupprima.

(1) Ariofle, ] Louis Ariofle, Poëte Italien, qui a compofé le Poeme de Roland le Furieux, & plufieurs autres Poëfies. Il mourut l'an 1533.

(2) de l'Archevefque Turpin ] Hiftorien fabuleux des Actions de Charlemagne & de Roland. L'Auteur de ce Roman ridicule a emprunté le nom de Turpin, Archevêque de Rheims, Prélat d'une grande réputation qui avoit accompagné Charlemagne dans la plupart de fes voïages, & qui, felon Trithème, avoit écrit la Vie de cet Empereur, en

deux Livres, que nous n'avons plus. Le favant M. HUET

Origine des Romans,) croit que le Livre intitulé: Hiftoria de Vi tá Caroli Magni & Rolandi, attribué à l'Archevêque Turpin lui eft poftérieur de plus de 200. ans, & M. Allard, dans fa Bibliotheque de Dauphiné, aflure que ce Roman a êté composé dans Vienne par un Moine de faint André, l'an 1092. BROS

SETTE.

Turpin ou Tulpin, Moine de faint Denis en France, fut fait Archevêque de Rheims au pluftard vers l'an 760. Il mourut le 2. de Septembre de l'an 800. à ce que l'on croit, après 40. ans d'Epifcopat,

(3) Pourges, du nom d'une petite Chapelle qui eftoit autrefois proche de Monlhéry. C'est pourquoi le Lecteur ne doit pas s'eftonner que pour y arriver de Bourgogne la Nuit prenne le chemin de Paris & de Monlhéry.

C'est une affez bizarre occafion qui a donné lieu à ce Poëme. Il n'y a pas long-temps que dans une affemblée où j'eftois, la converfation tomba fur le Poëme Héroïque. Chacun en parla fuivant fes lumieres. A l'égard de moy, comme on m'en eût demandé mon avis, je foûtins ce que j'ay avancé dans ma Poëtique: qu'un Poëme Héroïque, pour être excellent, devoit eftre chargé de peu de matiere, & que c'eftoit à l'invention à la foûtenir & à l'étendre. La chofe fut fort conteftée. On s'échauffa beaucoup; mais aprés bien des raifons alléguées pour & contre, il arriva ce qui arrive ordinairement en toutes ces fortes de difputes: je veux dire qu'on ne fe perfuada point l'un l'autre, & que chacun demeura ferme dans fon opinion. La chaleur de la difpute eftant paffée, on parla d'autre chofe, & on fe mit à rire de la maniere dont on s'eftoit échauffé fur une queftion auffi peu importante que celle-là. On moralifa fort fur la folie des hommes qui paflent prefque toute leur vie à

REMARQUES.

(3) Pourges,) Voïés la Remar- que fur le Vers 3. du I. Chant,

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