Imágenes de páginas
PDF
EPUB

longue fuite d'années leur fut utile & n'a point diminué leur fucceffion que vous avez recueillie. Voila de quoy je n'ay jamais parlé à perfonne, m'eftant tousjours contenté de faire plaifir quand j'ay efté en pouvoir de le faire, fans autre vue que d'en eftre bien-aife dans le fonds de mon cœur. Je ne vous en aurois jamais rien dit fi je n'eftois obligé de faire voir que nous avons tousjours efté bien éloignez mon frere & moy d'avoir mérité les mauvais traitemens que vous nous avez faits.

XIV. Vous ajoutez, Monfieur, que la Bizarrerie qui m'eft commune avec toute ma famil le, me rend infenfible à tout ce qui frappe ordinairement les hommes. A la referve de certaines beautez de Pindare & de quelques endroits des Anciens qui ne me plaifent pas, à quelles belles chofes trouvez-vous que je fois infenfible. Il ne vous fied pas bien, Monfieur, de me faire ce reproche, vous qui n'avez de fenfibilité, à ce qu'on dit, que pour la Poësie, ( 31 ) fenfibilité que je vous difputeray tousjours, vous qui connoissez fi

REMARQUES.

tomba dans une mélancolie qui le conduifit au tombeau. Je tiens ce fait d'un homme trèsdigne de foi, qui l'avoit connu particulièrement. GRAN.

Pierre Boileau de Puimorin mourut en 1683. âgé de 58. ans.

(31) fenfibilité que je vous difputeray tousjours, ] Par ce que j'ai rapporté de M. Perrault dans la Remarque 18. on peut juger que,

connoiffant, auffi-bien qu'il faifoit, l'effence de la Poefie, il ne devoit pas être infenfible à ses beautés. Ses Ouvrages en vers, quoique trop peu travaillés, en fourniffent encore des preuves. On n'eft point infenfible aux beautés, qu'on fait trouver & dont on fait faire ufage foi-même. Mais il faut convenir que cet Ecrivain, content de s'être

peu l'Architecture, la Sculpture, & la Peinture, qui n'avez prefque point de commerce avec la Philofophie & les Mathematiques, ny avec mille autres chofes femblables qui font le plaifir des honneftes gens, comment pouvez-vous m'accufer d'infenfibilité fur ce qui touche ordinairement les hommes, moy qui à la verité ne fuis pas fort habile dans toutes les Sciences & dans tous les Arts que je viens de nommer, mais qui fuis connu pour les aimer avec paffion, & pour n'avoir point donné fujet de me reprendre toutes les fois que j'ay eu occafion d'en efcrire. Quelques perfonnes ont creu que quand vous parlez de la Bizarrerie de ma famille, (32) vous n'avez voulu dire autre chofe finon que mes freres eftoient dans

REMARQUES.

bien mis au fait des principes généraux de la Poësie, êtoit bien loin d'avoir approfondi toutes les parties de cet Art ; & qu'en ce point il êtoit fort inférieur à M. Defpréaux, dont ce même Art avoit fait la principale & peut-être l'unique étude. Mais d'un autre côté combien celui-ci n'êtoit-il pas inférieur à l'autre par l'étendue des Connoiflances. On voit par la lec ture des Ouvrages de M. Perrault, que ce n'êtoit pas pour lui des connoiffances inutiles. Elles lui fourniflent continuellement des Idées, qui fervent beaucoup à l'ornement de tout ce qu'il écrit; & quoiqu'on l'ait comté parmi les Auteurs propres à former un mauvais Poëte; je me fens tenté de confeiller aux jeunes

Poëtes de lire tous fes Ouvrages. Quand ils n'y prendroient que le goût d'avoir du moins une forte teinture des Arts & des Sciences, & que fes exemples ne ferviroient qu'à leur apprendre quel ufage on en peut faire; ne feroit-ce pas tou ours un avantage confidérable pour eux ?

(32) vous n'avez voulu dire autre chofe &c.] M. Defpréaux n'a pas manqué de profiter de l'ouverture, que M. Perrault lui donne ici; mais j'ofe dire que c'eft avec un peu de malignité. Ces paroles de fa I. Réflexion Critique, feront voir fi je me trompe. Il y parle d'abord de Clande Perrault enfuite de Pierre "C'eft donc de lui, dit-il; &

[ocr errors][merged small]

le mefme fentiment que moy touchant les Anciens &les Modernes. On a fujet de le croire ainfi, car vous n'avez aucune raifon de l'entendre autrement; Mais quand on parle de famille dans un efcrit public, il faut y apporter plus de precaution que vous n'avez fait, parce que ces fortes de chofes s'expliquent tousjours au plus criminel, c'est par cette raison que j'ay cru devoir refpondre à tout ce qu'on pourroit entendre par cet arti

cle.

XV. Vous dites que quelque jour vous pourrez me monftrer mes erreurs. Je le fouhaite de tout mon cœur, pourquoy voudrois-je eftre trompé? Et au fond que m'importe que les Modernes vallent mieux que les Anciens, ou les Anciens que les Modernes? Mais je declare par avance qu'il faut des raifons pour me defabufer (voila la difficulté)& que des injures, des Epigrammes & des Satyres ne feront rien.

XVI. Vous dites qu'il eft difficile de fentir les beautez de Pindare fans s'eftre familiarisé le grec ; (33) j'en demeure d'accord pour certaines beautez qui dépendent du langage, mais pour les beau

[merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small]

les

tez qui font dans le fens, comme les fentimens, penfées, la conduite & l'entente de l'ouvrage, qui font de nature à eftre exprimées par toutes les langues; pourquoy ces fortes de beautez ne peuventelles paffer de fon Grec dans noftre François : cela paroift incomprehenfible, il faut ou que le Grec de Pindare ait la vertu de rendre raisonnable une impertinence, ou que le François ait la malediction de rendre impertinente une chofe raison

nable.

XVII. Pour convaincre le Public des beautez de Pindare, vous prenez le parti de compofer une Ode à la maniere de ce grand Poëte; mais vous n'avancez rien par là. Si voftre Ode eft excellente qui empefchera de dire qu'elle n'eft point à la maniere de Pindare, comme en effet elle n'y eft point du tout, (34) ainsi que je l'ay desja fait voir, & fi elle n'eft pas bonne, comme plufieurs gens l'affeurent, vous aurez fait tort à Pindare en difant que voftre Ode reffemble aux fiennes &qu'elle eft faite fur le mefme modelle. (35) Le plus court & le plus feur chemin auroit efté de

REMARQUES.

roifle très-vrai. C'eft pourquoi, dans la Remarque 30. du Difcours fur l'Ode, j'ai dit quelque chofe qui fe rapporte à fon fentiment, & qui fert à le confirmer.

(34) ainsi que je l'ay desja fait voir; ] Ces paroles nous ap. prennent que M. Perrault a fait voir dans quelque Ecrit, que Pode fur la prise de Namur n'eft

point du tout à la manière de Pindare. C'est ce qu'il n'a pas eu, je crois, beaucoup de peine à prouver. Mais je ne connois point du tout cet Ecrit. J'ignore même s'il a jamais vu le jour. Au refte, tout le raisonnement de M. Perrault en cet endroit, eft fort jufte.

(35) Le plus court & le plus

donner au Public une Ode de Pindare traduite par vous-mefme,& de faire voir en mefme tems que j'ay mal traduit le commencement de la premiere de fes Odes, car tant que la traduction que j'ay donnée ne fera point convaincuë d'eftre mauvaise & que vous n'en donnerez point de meilleure, vous ne ferez rien pour Pindare.Quoyqu'il en foit voyons Pode. Voyons cette magnificence de mots (36) que vous y avez jetté à l'exemple des anciens Poëtes Dithyrambiques, & ces figures audacieuses tirées des fources que l'Autheur du faint Paulin n'a jamais connues. Mais non. Cet examen nous meneroit trop loin; d'ailleurs vous ne sçavez que trop le fuccez qu'elle a eu dans le monde, & vous avez la fatisfaction d'avoir prévû fagement dans voftre Preface que Public ne s'accommode pas de vos faillies ny de vos excez Pindariques. Mais laiffons cela & voyons (37) quel fujet vous avez peu avoir de me traiter comme vous faites.

REMARQUES.

feur chemin auroit eflé de donner au Public une Ode de Pindare traduite] Ce que M. Perrault fouhaitoit, que M. Defpréaux eut fait, M. P'Abbé Maffien l'a fait depuis & beaucoup plus. Si j'en crois ceux qui font en êtat d'en juger, le peu que nous avons dans les Mémoires de l'Académie des Infcriptions & Belles-Lettres, de fa Traduction de Pindare, qu'on prétend qu'il avoit achevée avant fa mort, nous met en êtat

de bien connoître ce Poëte.

le

(36) que vous y avez jetté] Il y a comme cela dans l'Imprimé. C'eft une faute apparemment d'Impreffion. Il faut jettée.

[ocr errors]

(37) quel fujet vous avez pen avoir de me traiter comme vous faites.] M. Perrault dit plus bas : Parlons, Monfieur, à visage découvert mon vray crime eft d'avoir dit dans le troifief,, me de mes Dialogues, que les

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »