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195 Mais

pour un vain bonheur qui vous a fait rimer, Gardez qu'un fot orgueil ne vous vienne enfumer. Souvent l'Auteur altier de quelque chansonnette, Au mefme inftant prend droit de fe croire Poëte. Il ne dormira plus qu'il n'ayt fait un fonnet. 200 Il met tous les matins fix Impromptus au net. Encore eft-ce un miracle, en fes vagues furies, Si bien-toft imprimant fes fottes réveries, Il ne fe fait graver au devant du recueil, Couronné de lauriers par la main de Nanteüil.

REMARQUES.

VERS 204.
de Nanteuil.]
Fameux Graveur. DES P.
Robert Nanteuil êtoit né à
Rheims en 1630. Il excella dans
la Peinture, & dans la Gravure.
Un talent particulier & les cir-
conftances le bornèrent au Por-
trait, qu'il peignoit admirable-
ment bien en paftel. On le re-
garde comme le plus parfait de
nos Graveurs. C'êtoit d'ailleurs

un homme de beaucoup d'efprit, d'une converfation charmante, aimant le plaifir, fe fouciant peu de fortune, & faifant agréablement des Vers qu'il récitoit parfaitement bien. Il mourut à Paris le 18. Decembre 1678. âgé de 48. ans.

Nôtre Poëte avoit deffein de finir ce Chant par ces deux

Vers:

Et dans l'Académie, orné d'un nouveau luftre
Il fournira bientoft un quarantiéme Illustre.
Mais il ne voulut point en faire
ulage dans l'imprellion, pour ne

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pas déplaire à Meffieurs de l'A■ cadémie Françoife.

CHANT III.

CHANT III

L n'eft point de Serpent, ni de Monftre odieux
Qui par l'art imité ne puiffe plaire aux yeux.
D'un pinceau delicat l'artifice agreable
Du plus affreux objet fait un objet aimable.

REMARQUES.

eft parfaite, ajoute-t-il, plus nous les regardons avec plaifir. Mais ce plaifir ne vient pas de la beauté de l'original, qu'on a imité ; il vient de ce que l'Efprit trouve par là moïen de raifonner & de s'inftruire.

VERS 1. Il n'est point de Ser- femblables. Plus l'imitation en pent, &c.] Cette Comparaifon eft empruntée d'Ariftote Ch. IV. de fa Poetique, & Ch. XI. Propof. XXVIII. du Liv. I. de fa Rhétorique. Rien ne fait plus de plaifir à l'Homme, dit-il, que l'imitation. C'eft ce qui fait que nous aimons tant la Peinture, quand même elle répréfente des objets hideux, dont les originaux nous feroient horreur comme des bêtes venimeufes, des hommes morts, ou mourans & l'autres images

La Frefnaie Vauquelin dans le 1. Livre de fon Art Poëtique, avoit fu faire, avant nôtre Auteur,un ufage à peu près femblable du même fonds de Comparaison & des Idées d' Ariftote que M. BroTette vient d'expofer.

C'est un Art d'imiter, un Art de contrefaire
Que toute Poëfie, ainfi que de pourtraire,
Et l'imitation eft naturelle en nous :
Un autre contrefaire il est facile à tous :
Tome II.

E

5 Ainfi pour nous charmer, la Tragedie en pleurs D'Oedipe tout fanglant fit parler les douleurs, D'Orefte parricide exprima les alarmes,

Et pour nous divertir nous arracha des larmes.

Vous donc, qui d'un beau feu pour les Theatre épris, 10 Venez en vers pompeux y difputer le prix, Voulez-vous fur la Scene étaler des

ouvrages,

Où tout Paris en foule apporte fes fuffrages,

REMARQUES.

Et nous plaift en peinture une chofe hidenfe,

Qui feroit à la voir en effence fachenfe.

Comme il fait plus beau voir un finge bien pourtraist
Un dragon écaillé proprement contrefait

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Un visage hideux de quelque laid Therfite,

Que Le uray naturel qu'un fcavant peintre imite:
Il eft auffs plus beau voir d'un pinceau parlant
Depeinte dans les vers la fureur de Roland,
Et l'amour forcené de la pauvre Climene,
Que de voir tout au vray la rage qui les mene.
Tant s'en faut que le beau contrefait ne foit beau s
Que du laid n'eft point laid, un imité tableau:
Car tant de grace avient par cette vray-femblance,
Que furtout agreable est la contrefaifance.

M. Defpréaux difoit pourtant,
ajoute M. Brofette, qu'il ne faut
pas que l'imitation foit entière;
parce qu'une reflemblance trop
parfaite infpireroit autant d'hor-
keur que l'original même. Ain-
fi, l'imitation parfaite d'un Ca-
davre répréfenté en cire, avec
toutes les couleurs, fans aucune
différence, ne feroit pas fuppor-
table. Les Portraits en cire n'ont
pas réuffi, parce qu'ils étoient
trop reflemblans. Mais que l'on
falle la même chofe en marbre,

en plate peinture, ces imitations plairont d'autant plus, qu'elles approcheront davantage de la vérité; parce que, quelque reffemblance qu'on y trouve, les Ieux, & l'Efprit ne laiffent pas d'y appercevoir d'abord une différence telle qu'elle doit être néceflairement entre l'Art & la Nature.

VERS 6. D'Oedipe tout sanglant, &c. 1 Sophocle. DES P.

VERS 7. D'Orefie parricide,&c.] Tragédie d'Euripide.

Et qui toujours plus beaux, plus ils font regardez,
Soient au bout de vingt ans encor redemandez ?
IS Que dans tous vos difcours la passion émuë,

Aille chercher le cœur, l'échauffe, & le remuë.
Si d'un beau mouvement l'agréable fureur
Souvent ne nous remplit d'une douce Terreur,
Ou n'excite en noftre ame une Pitié charmante,
20 En vain vous étalez une Scene favante;

Vos froids raifonnemens ne feront qu'attiedir
Un Spectateur toûjours pareffeux d'applaudir,

REMARQUES.

VERS 13. plus ils font regardex] pour plus ils font vus. Le terme eft très-impropre. On ne dit point regarder, mais voir

une Tragédie, une Comédie, &c. IMIT. Vers 14. Soient au bout de vingt ans, &c.] HORACE, Art Poëtique, Vers 190.

Fabula, qua pofci vult, & spectata reponi.

IMIT. Vers 16. Aille chercher HORACE, Livre II, Epit. I. Vers le cœur, l'échauffe, & le remue.] 190.

meum qui pectus inaniter angit, Irritat, mulcet,falfis terroribus implet.

LA FRESNAIE-VAU QUELIN caractérise ainfi la Tragédie dans

fon Art Poëtique, Livre troifiéme.

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le fujet Tragic eft un fait imité:
De chofe jufte & grave, en fes vers limité:
Auquel on y doit voir de l'affreux, du terrible,
Un fait non attendu, qui tienne de l'horrible
Du pitoyable auffi, le cœur attendrissant
D'un Tigre furieux, d'un Lion rugissant:
Comme quand Rodomont abufé par cautelle,
Meurtrit fe repentant la pudique Ifabelle.
Ou comme quand Créon, aux fiens trop inhumain
Voit fa femme & fon fils s'occire de leur main :

Comme l'efpace me manque,
je ne puis pas faire connoître les
exemples que cet Auteur indi-
que; mais le Lecteur y peut ai-
fement fuppléer d'autres exem-
ples, tirés de nos Tragédies mo-
dernes.

VERS 21. Vos froids raifonne mens, &c.] M. Despréaux ne fe cachoit pas d'avoir dans ce Vers & les trois fuivans, attaqué directement le grand Corneille qui dans la Tragédie d'Othon in troduit fur la Scéne trois Mi

Et qui des vains efforts de vostre Rhetorique Juftement fatigué, s'endort, ou vous critique. 25 Le fecret eft d'abord de plaire & de toucher. Inventez des refforts qui puiffent m'attacher.

Que dés les premiers vers l'Action préparée,
Sans peine, du Sujet applaniffe l'entrée.

Je me ris d'un Acteur qui lent à s'exprimer,
30 De ce qu'il veut, d'abord ne sçait pas m'informer
Et qui débrouillant mal une penible intrigue
D'un divertissement me fait une fatigue.

REMARQUES.

niftres d'Etat, auxquels il prête beaucoup de raifonnemens politiques. Cette Pièce, l'un des derniers Ouvrages de fon Au. teur, ne laiffe pas d'être remplie de grandes beautés. Mais tout s'y dit pour l'Efprit, &

C'est ce que nôtre Poëte appelle Vers 35. un tas de confufes merveilles.

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Impatiens defirs d'une illuftre vengeance,
Dont la mort de mon Pere a formé la naissance
Enfans impetueux de mon ressentiment,
Quema douleur féduite embrasse aveuglément:
Vous prenex fur mon ame un trop puissant empire, &c.
divertiffement. Pour parler avec
précifion, il falloit oppofer à
ce dernier celui de travail, ou
pour mieux faire encore celui
de peine, qui très-vague dans fa
fignification n'eft déterminé
pour tel ou tel fens, que par ce
qui l'accompagne. D'ailleurs,
quoiqu'on puifle dire & qu'on
dife en effet: faire un travail
faire une peine; il ne s'enfuit pas
qu'on dife de même: faire une
fatigue, L'ufage n'a point encore
adopté cette Locution.

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VERS 32. D'un divertiffement me fait une fatigue. ] DESMA RESTS p. 86. cenfure le dernier Hemiftiche de ce Vers: me fait une fatigue. Cette façon de ,, parler ne vaut rien, pour dire, ,, me fatigue,,. Cette Critique eft mal rendue. Mais au fonds la Locution eft répréhenfible. Le terme de fatigue n'eft pas tout-àfait en oppofition avec celui de

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