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L'efprit ne fe fent point plus vivement frappé,
Que lorsqu'en un fujet d'intrigue enveloppé,
D'un fecret tout coup la verité connuë,

à

60 Change tout, donne à tout une face imprevuë.

La Tragedie informe & groffiere en naissant, N'eftoit qu'un fimple Choeur, où chacun en dansant,

REMARQUES.

Leon de Bradamante ayant efté vainqueur
Par Roger inconnu, fon amour & Son cœur
Par la loy du combat de Charles ordonnée
Elle devoit au Grec epouse estre donnée:

Mais elle ne pouvant en fon ame loger
Un autre amour egal à celuy de Roger,
Pluftoft que de le prendre elle fe veut defere:
Son Roger d'autre part de mourir delibere.
Par un event divers il avient autrement:
Roger eft reconnu pour avoir feintement
Combattu foubs le nom du Prince de la Grece
Sous ce mafque vaincu, foy-mefme & fa maistreffe:
Desja toute la Cour de l'Empereur Latin,
La donne bien conquise au fils de Constantin :
Quand Leon le voyant eftre Roger de Rife,
De fa vaine pourfuite abandonne la prife,
Luy quitte Bradamante, & courtois genereux
Aide à conjoindre encor ce beau couple amoureux
Ainfi font joints ensemble & la reconnoiffance:
Et le contraire event qui luy donne accroiffance.
L'Heroic, le Tragic, ufe indiferemment
Avecques le Comic, de ce dous changement.

Dans un autre endroit du même
Liv. il parle de la Tragi-Comédie,

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dont M. Defpréaux n'a rien dit ;
mais il en parle avec goût.

On fait la Comedie auffi double, de forte
Qu'avecques le Tragic le Comic fe raporte:
Quand il y a du meurtre & qu'on voit toutefois
Qu'à la fin font contents les plus grands & les Rois.
Quand du grave & du bas le parler on mendie,
On abuse du nom de Trage-comedie,

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Car on peut bien encor par un fuccez heureux,
Finir la Tragedie en ebats amoureux:
Telle eftoit d'Euripide & l'Ion & l'Orefte
L'Iphiginie, Helene la fidelle Alceste.
Taffo par fon Aminte aux bois fait voir d'ailleurs
Que ces
eces contes Tragics ainfi font des meilleurs.

VERS 61. La. Tragédie infor- me, &c.] Ce que notre Auteur

Et du Dieu des raisins entonnant les louanges,
S'efforçoit d'attirer de fertiles vendanges.
65 Là le vin & la joye éveillant les efprits,
Du plus habile Chantre un Bouc eftoit le prix,

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Quand au commencement, au temps de leurs vendenges,
Que les Grecs celebroient de Bacchus les louenges,
Ils dreffoient des autels de gazons verdelets,

Et chantoient à l'entour quelques chants nouvelets,
Puis joyeux, envinex, fimples & fans malice,
D'un grand bouc amené faisant le facrifice,
Ils le mettoient en jeu trepignans des ergos:
Et ce bouc s'apeloit en leur langue Tragos,
D'ou vint premierement le nom de * Tragedie!
Et celuy qui chantoit de plus grand' melodie
De ce loyer eftoit content infiniment:

Ces vers n'eftoient finon qu'un gay remerciment
De la bonne vendange, un los de la fageffe
De Dieu qui leur donnoit de biens telle largeffe.

* c'est-à-dire,

chant du Bouc.

Mais pour ce que les Grands, les Rois & les Tirans
Commencerent depuis, les fiecles empirants,
D'ufurper la louange aux dieux apartenante,
Il y eut des efprits, qui de Mufe fcavante,
Commencerent auffi par leurs vers à montrer,
Que l'homme à tous propos peut la mort rencontrer
Combien de maux divers font joints à noftre vie,
Et d'heur & de malheur egallement fuivie,
Au refpect du plaifir, de la felicité

Qui tousjours eft au Ciel, des Dieux feuls habité :
Et pour le faire voir par des preuves certaines,
Lors ils ramentevoient des plus grands capitaines,
Des Princes & des Rois les defaftres foudains,
Comme ils eftoient tombez de leurs eftats hautains
En mifere & fouffrête: & cela nous fait croire
Que c'est du vers Tragic la plus vieille memoire :
Ainfi la Tragedie eut fon commencement:
Ainfi les Rois chetifs en furent l'argument.

70

Thefpis fut le premier qui barboüillé de lie,
Promena par les Bourgs cette heureuse folie;
Et d'Acteurs mal ornez chargeant un tombereau
Amufa les Paffans d'un spectacle nouveau.
Eschyle dans le Chaur jetta les personnages;

D'un mafque plus honnefte habilla les vifages:

REMARQUES.

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IMIT.Vers 67.Thefpis fut le premier, &c.]HOR. Art Poët. V. 275.
Ignotum tragica genus inveniffe Camœna

Dicitur, & plauftris vexiffe poëmata Thefpis;
Que canerent, agerentque perunēti facibus ora.

Ce que La Frefnaie.Vauquelin pa- raphrase ainsi, Art Poët. L. II,
De Thefpis le premier la maniere eft venue
De la Farce Tragicque encor lors inconnue,
Quand dans les Chariots & Tombereaus couverts
Conduit, il fift jouer publiquement fes vers
Par des gentils bouffons, qui d'une lie epeffe
Leur face barbouilloient par les villes de Grece :
Ainfi vont à Rouen les Conards badinants,
Pour tout deguisement leur face enfarinants.

VERS 68. Promena par les Bourgs IMIT. Vers 71. Efchyle dans le eette heureufe folie.] Les Bourgs Chaur, &c.] Horace au même de l'Attique. DESP. endroit, Vers 278.

Poft bune perfona, pallaque repertor bonefta fchylus, & modicis inftravit pulpita tignis ; Et docuit magnumque loqui, nitique cothurno. M. Defpréaux rioit de la méprife de M. Baillet, qui dans fes Jugemens des Sçavans, Tom. V. p. 146. fait dire à Horace, qu'EsCHILE fit mettre fur le Théatre une efpèce de pupitre, Le mot Latin Pulpitum, fignifie ce que nous appellons aujourd'hui le Théa

tre. C'êtoit chés les Anciens, la partie du Théatre où les Acteurs joüoient. BROSS.

Voici ce que La Fresnaie-Vanquelin, en paraphrafant Horace, dit d'Efchile immédiatement après les Vers, que j'ai rappor tés plus haut.

Mais par Efchile fut cette facon oftee
Depuis que brave il eut la maniere inventee
Defe fervir du mafque, & proprement changer
D'habillement divers, commencant à ranger
Les limandes, les ais, pour dreffer le theatre:
Il enfeigna deflors à parler, à s'ebatre
Un peu plus hautement, & lors fut amené
L'usage encor non veu du foulier cothurné,

Sur les ais d'un theatre en public exhauffé, Fit paroiftre l'Acteur d'un brodequin chauffé. 75 Sophocle enfin donnant l'effor à son genie, Accrut encor la l'harmonie,

pompe, augmenta

REMARQUES.

De fauffe barbe ainfi nos vieux Francois uferent »
Quand leurs moralitez au peuple ils expoferent:
Ils ont montré depuis d'un vers avantageux,
Jouant devant les Rois, leurs magnifiques jeux,
Qui feroient aisément que la Mufe Francoife,
Peut-eftre pafferoit la Romaine & Gregeoife,
S'elle avoit en l'apuy d'un grand Roy pour fouftien:
Pluftoft le bien eftrange on prife que le fien.

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On ne fera pas fâché de voir mier qui mit au jour des comment Quintilien, Lib. X. ,, Tragédies. Il a de la force & Chap. 1. caractérisé les trois de l'élevation, il s'exprime Poetes Tragiques Grecs. Mr. Dej- ,, avec une grandeur qui va juípréaux en dit trop peu pour fai-, qu'à l'excès. Mais il a peu re connoître Elchile & Sopho- ,, connu l'art du Théatre & cle; & je ne vois pas pour quelle fouvent il pèche contre les raifon, il ne parle point d'Eu- Règles.... Sophocle & Euripi RIPIDE. Tragedias primus in lu de ont porté l'honneur de la cem Efchilus protulit, fublimis Tragédie infiniment plus loin. & gravis grandiloquus fape ,, Lequel, dans leur différente ufque ad vitium, fed rudis in ple- manière d'écrire, eft le meilrifque & incompofitus.. Sed leur Poeté, c'eft une queflonge clarius illuftraverunt hoc opus tion débattue entre beaucoup Sophocles atque Euripides: quo- de Savans..... Le ftile d'Eu rum in difpari dicendi via uter fit,, ripide ( & c'eft même ce que poëta melior; inter plurimos quæri.,, blament ceux à qui la majesté, is (Euripides) & in 5, le ton, &, pour tout dire en fermone (quod ipfum reprehendunt,,, un mot, le cothurne de Sophoquibus gravitas & cothurnus & so- cle paroît avoir quelque chofe nus Sophoclis videtur effe fubli-,, de plus élevé. ) Le ftile d'Eumior) magis accedit oratorio ge- ,, ripide, disje, approche davanneri;& fententiis denfus ; & in ,, tage du genre oratoire. Il eft iis, que à fapientibus tradita funt, pene ipfis par; & in dicendo ac refpondendo cuilibet eorum

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qui,

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plein de pensées, & dans les chofes que les Philofophes enfeignent, peu s'en faut qu'il fuerunt in foro diferti, comparanne les égale. Que fes Perfondus. In affectibus verò cùm omnibus ,, nages parlent ou répondent ; mirus, tum in iis, qui miferatione, il eft comparable à tout ce conftant, facilè præcipuus: Ce que ,, que le Barreau peut avoir eu M. l'Abbé Gédoyn traduit à peu ,, de difert. Mais il n'eft pas près ainfi." Eschile est le pre-,, feulement admirable quand il

Intereffa le Choeur dans toute l'Action,
Des Vers trop rabotcux polit l'expreffion;
Luy donna chez les Grecs cette hauteur divine,
80 Où jamais n'atteignit la foibleffe Latine.

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REMARQUES.

teur divine, Où jamais n'atteignit la foibleffe Latine. ] Voyez Quintilien, Liv. 10. Chap. 1. DESP

J'ai deux Remarques à faire à propos de ces deux Vers.

1°. Le mot hauteur ne me pa

roît pas meilleur ici que dans le début du I. Chant. Voïés-y la Remarque fur le 1. & le 2. Vers.

,, s'agit d'émouvoir toutes les ,, pallions, il n'a même perfon2, ne au deftus de lui dans l'art d'exciter la pitié Quintilien n'eft pas ici tout à fait d'accord avec Denis d'Halicarnafe, qu'il femble avoir fuivi dans la plufpart des Jugemens, qu'il porte des Ecrivains Grecs. In generofis magnificis illis tum moribus, 2o. Le Jugement que nôtre tum affectibus exprimendis non fe- Auteur porte de la foibleffe de Licem > ut Sophocles, habuit fuc- la Tragédie Latine, eft vrai des ceffum.. Sophocles qui miférables Pièces du Rhéteur Sédem non fuperfluam, fed neceffa- nèque comparées aux chefs-d'œuriam orationem adhibet: Euripides vres de Sophocle & d'Euripide. Il verò multus eft in Rhetoricis rudi- êtoit plein fans doute de la com. mentis. C'eft ainfi que M. Cap. paraifon, qu'il en avoit faite peronnier, dans fon Edition de quand il compofa les Vers, qui Quintilien, P. 632. Not. 296. contiennent fon Jugement. Mais traduit le paflage de Denis d'Ha. ce même Jugement eft faux de licarnaffe. On peut, je crois, le la Tragédie Latine en général. rendre en François de cette ma. Il est même abfolument démenti nière."Euripide n'a pas auffi bien par Quintilien, qui dans l'enréuffi que Sophocle, dans l'ex- droit auquel la petite Note nous difficulté de ,, preffion des caractères magna- renvoie, ne fait pas nimes & des grands fentimens mettre le Thyefte de Varius en pa& Sophocle ne dit que le né- rallèle avec toutes les Tragédies ceflaire & rien de fuperflu; Grecques. TRAGOEDIE fcriptores, mais Euripide s'occupe beau- dit-il Accius atque Pacuvius, à faire des effais de Rhe- clariffimi gravitate fententiarum. coup ,teur,,. J'entens par Ffais de verborum pondere, & auctoritate Rhéteur, ce qu'on appelle ordi- perfonarum. Cæterum nitor nairement des amplifications de fumma in excolendis operibus manus Rhétorique. Au refte je ne fuis magis videri poteft temporibus, pas fur que ce foit comme cela quam ipfis defuiffe. Virium tamen qu'il faille traduire les derniers Accio plus tribuitur: Pacuvium mots du Texte Latin, qui ré- videri doctiorem, qui effe docti afpondent exactement à ceux du fectant,volant, Jam Varii THYESGrec. TES cuilibet Græcorum comparari poteft. Ovidii MEDEA videtur miki

"

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VERS 79. & 80.

cette bau

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