Mais que Junon, conftante en fon averfion, REMARQUES. Taffo, qui de nouveau dans Solyme a conduit Pour le dire, en paffant, la pables en eux-mêmes de faire Les vers font le parler des Anges & de Dien, Pleuft au Ciel que tout bon, tout Chreftien & tout Saint Voïés fur le même fujet les dix derniers des Vers de ce Poëte, cités fous le Vers 133. du IV. Ch. Ramenons Desmarêts fur la fcène. Il raifonne conféquemment à fon principe; & ce principe, au fonds n'eft pas auffi ridicule qu'on l'a dit. Je ne fuis afluré. ment rien moins, que tenté de l'admettre; mais je ne vois pas pourquoi je ne ferois pas équitable. La Poefie eft un Art d'illufion, qui nous préfente des chofes imaginées comme réelles. Quiconque voudra réfléchir fur fa propre expérience, fe convain 185 Que Neptune en courroux s'élevant fur la mer, REMARQUES. era fans peine, que ces chofes imaginées ne peuvent faire fur nous l'impreffion de la réalité, que l'illufion ne peut être complette, qu'autant que la Poefie fe renferme dans la Créance commune & dans les Opinions nationales. C'est ce qu'Homère a penfé. C'eft pour cela qu'il a tiré du fonds de la Créance & des Opinions répandues chés les Grecs, tout le Merveilleux, tout le Surnaturel, toutes les Machines de fes Poemes. Citons une autorité plus refpectable. L'Auteur du plus ancien Poëme, qui nous foit connu, du Livre de Job, écrivant pour les Hebreux, prend fes Machines dans le fonds de leur Créance. Les Arabes, les Turcs, les Perfans en ufent de même dans leurs Ouvrages de Fiction. Ils empruntent leurs Machines de la Créance Mabométanė & des Opinions communes aux différens Peuples du Levant. Et tout cela fur le Principe de l'Illufion que doivent opérer la Poefte & la Fiction, qu'il faut ici confondre avec elle. En conféquence du même principe, on ne fauroit douter, qu'il ne fallût puifer le Merveilleux de nos Poëmes dans le fonds même de nôtre Religion, s'il n'êtoit pas inconteftable que De la foy d'un Chreftien les myfleres terribles VERS 187. des Syrtes les efpèce d'Image; mais cette Image eft fauffe. Remarquons d'abord, que nôtre Auteur s'efforce dans ce Vers & les deux précédens, de rendre les principales Images & même quelques Expretions de cet endroit du Liv. 1. de l'Enéide, Vers 125. & 142o -graviter commotus &alto Profpiciens, fummd placidum caput extulit undâ, &c. & dicto citiùs tumida aquora placat: Collectafque fugat nubes, folemque reducit. Cymothoë fimul & Triton adnixus acuto Detrudunt naves/copulo. Levat ipse tridenti; Et vaftas aperit Syrtes & temperat aquor. M. Defpréaux dans l'Hémiftiche, que je reprens, a perdu de vue fon original, & n'a pas fait at eention, qu'il fait agir feul, Nep tune, un Dieu tout puiflant, l Souverain des Ondes, qui d'un mot calme les flots, & met la paix dans l'air. Convient il que ce Sans tous ces ornemens le vers tombe en langueur, morte, ou rampe fans vigueur : 190 La Poëfie eft même Dieu fafle des efforts, pour,, mi les actions d'un Heros Chre remettre à flot des Vaiffeaux en gravés. C'eft ce dont il s'agit; & le Verbe arracher, fignifie: déta. cher avec effort. VIRGILE, le plus judicieux de tous les Poëtes, n'avoit garde de faire cette faute. On voit dans fes Vers Cymothoë & Triton emploïer leurs forces à pouffer hors des rochers les Vaiffeaux, qui s'y trouvoient engagés. Que fait NEPTUNE? Levat ipfe Tridenti. Il les foulève de fon Trident. Le Triton ou la Nimphe agiffent en Dieux fubalternes, dont les forces font fupérieures à celles des Mortels, mais dont la volonté n'eft pas toute puif fante. Neptune agit en Souverain des Mers. J'ai fait cette Remarque avec quelque regret. C'eft principalement le Bon fens, qu'on doit admirer dans les Ouvrages de M. Defpréaux ; mais quandoque bonus dormitat Homerus. VERS 189. Sans tous ces ornemens, &c.] L'Auteur avoit en vue S. Sorlin des Marêts, qui a écrit contre la Fable. DESP. On fe doute bien que Desmarêts n'eut garde d'applaudir à la décifion contenue dans ce Vers & les trois fuivans. "Tout cela, dit,, il, p. 91. ne nous eft point ,, propre.... Il faut voir fi fans ,, tous ces ridicules ornemens on ,, ne s'élève pas en des inventions bien plus hautes, & en ,, une diction auffi belle que celle des Anciens. ., . Si l'on mêloit des Divinités fabulenfes par tien & parmi celles d'un Roi très-Chretien... on fouilleroit les actions de l'un & de l'autre, & l'on feroit une confufion monftrueuse Il y a certainement du vrai dans ces réflexions, que je n'adopte pourtant pas. Au refte, ce que nôtre Auteur dit dans les quatre Vers, dont il s'agit ici, n'eft pas vrai du Taffe, le plus grand Génie, que la Poefie ait eu de puis Virgile. Prefque tous nos Poëtes Epiques ont marché fur les traces de ce Poëte Italien. Ils ont emploïé le même genre de Fictions. Mais ce n'eft point par cette raifon, c'est par la foibleffe de leurs talens, que leur Vers tombe en langueur, que leur Poëfie eft morte, ou qu'elle rampe fans vigueur. Oferois-je ajoûter une réflexion bien fimple ? Pour être en êtat de prononcer avec M. Despréaux , que quiconque. n'orne pas le Poëme Epique des Machines d'HOMERE & de VIRGILE, n'est plus qu'un Orateur timide, qu'un froid Hiftorien d'une Fable in pide; il faudroit examiner avant tout: Si, le caractère de nôtre Na tion fuppofé tel qu'il est aujourd'hui ; le MERVEILLEUX, le SURNATUREL, les MACHINES en un mot font néceffaires dans un POEME EPIQUE, composé par un FRANÇOIS, pour des FRANÇOIS. Je ne ferois nullement furpris en voïant la négative établie fur des raifons folides. C'est donc bien vainement que nos Auteurs deceus, 195 Pensent faire agir Dieu, ses Saints & fes Prophetes 99 REMARQUES. 130 VERS 193. même n'aurons nous jamais de Poëme Epique, capable d'enlever tous nos fuffrages, à moins qu'on ne fe borne à faire agir les différentes Paffions humaines. Quelque chofe que l'on dife, le Merveilleux n'eft point fait pour nous, & nous n'en voudrons jamais que dans les Sujets tirés de l'Ecriture-Sainte, encore ne ferace qu'à condition, qu'on ne nous donnera point d'autres Merveilles 2 que celles-mêmes qu'elle décrit. Envain fe fonderoit-on, dans les fujets profanes, fur le Merveilleux admis dans nos Opera. Qu'on le dépouille de tout ce qui l'accompagne, j'ofe répondre qu'il ne nous amufera pas une minute. VERS 197. Mettent à chaque pas le Lecteur en Enfer :] HOMERE & VIRGILE y ont auffi mis leurs Lecteurs puifqu'ils y font defcendre leurs Heros C'eft ce que Desmarêts répond, p. 91. & dans fon fiftème il a raifon. VERS 202. Que penitence à faire & tourmens meritex: ] " Il ne faut 205 Et de vos fictions le mélange coupable: Et quel objet enfin à presenter aux yeux, REMARQUES. ,, pas, dit Desmarêts, p. 89. re- rées du fonds de nôtre Religion. de vos fictions le mélange coupable Ce Vers & les trois fuivans n'eft jamais préfenté que ra ,, rement; mais avec de telles fureurs que jamais Mégère ,, n'en pouffa de pareilles. Et co n'eft pas une grande merveille, que le Demon difpute la victoire à Dieu, puifque le Fils de Dieu même l'a appellé le Prince du Monde DESMARESTS a toujours raifon dans fon fiftème. |