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ter des épiceries qu'on y aporte des Moluques; fi bien que ce feroit un lieu propre pour trafiquer avec les Chinois, & acheter les foies qu'ils y ménent.

On avoit détaché l'Aigle & le Faucon, afin d'aller acheter des vivres, fous la conduite du Commis Jaques de Bitter, à qui l'on envoia des ordres pour faire voiles inceffamment à Banda, parce qu'on craignoit que l'Amiral des Anglois, qui avoit été à Cambaie, où il avoit pris des toiles, ne fe rendit avant nôtre flote aux Moluques, où l'on en manquoit, & qu'il n'achetât le clou de gérofle, les noix mufcades & le macis.

Cet Anglois avoit tâché de faire un Traité à Cambaie ; mais comme le Roi, à la follicitation des Portugais, avoit fait mourir le premier Commis David van Denfen, & s'étoit faifi de fon fonds, l'Anglois ne vit pas qu'il y eût cfpérance de réüffir. Le Confeil de nôtre fote envoia auffi, par la chaloupe, ou le yacht, des lettres à Bloemart, premier Commis de Succadana ⚫ pour traiter alliance avec le Roi, ou la Reine de Bengermarffin, & avec les autres Rois & Princes de l'Ifle Bornco, s'il y voioit quelque avantage à espérer pour la Compagnie.

Succadana eft au bout oriental de Borneo, par les 15. degrés de latitude Sud, où

fe décharge dans la mer une groffe riviére, que les chaloupes peuvent remonter jusqu'à 40. lieuës; c'est du païs qui eft vers le haut de cette riviére, qu'on aporte les diamans dans cette Ville. La Reine Régente avoit fait mourir, le mois de Janvier précédent, le Roi fon époux, par jaloufe, & s'étoit emparée du gouvernement.

Les 22. du même mois de Mars, la flote traverfa entre 21. Ifles, qu'on nomme les Paternofters, qui font au-delà de Madure, & l'on y eut un grain fi.violent, qu'on crut que toutes les voiles en feroient défoncées.

Entre Java & Madure, à l'Ouëst, il n'y a que 15. ou 16. piés d'eau. Tour proche gifent les Pater nofters, Ifles fort dangereufes à traverfer. Le paffage entre Java & Baly eft aufft très-étroit, & le moindre grain, ou bien un changement de vent, vous peut pouffer à la côte, & Vous mettre en péril; deforte que quand on navige avec de gros vaiffeaux, il vaut mieux aller chercher le paffage des Bousherons..

Ceux qui navigent fur la fin de la mouffon d'Ouëft, c'eft à-dire vers la fin de Mars, ou au commencement d'Avril, feront bien de ranger la côte de Java, juf ques-à ce que les Ifles de Banda, ou d'Amboine, s'ils y veulent faire route, leur de

meurent au Nord - quart - de - nord-eft, parce que les courans leur feroient favora bles le long de cette côte.

La mouffon d'Ouëft commence ici ordinairement dès les premiers jours de Novembre, & finit à la fin de Mars. Mais on a des calmes tout le mois d'Avril, & enfuite des vents variables, jufques à la mouffon d'Eft, qu'on a les vents de Sudeft, ou de Sud-eft, tirant un peu plus à T'Eft. Quand on navige dans la faifon des calmes, il eft bon de rafer auffi la côte, parce qu'on y trouve encore les courans de la précédente mouffon.

Le 8. d'Avril 1609. la flote entra dans le Port de Néra, une des Ifles de Banda, où l'on trouva trois vaiffeaux de la flore de l'Amiral van Caerden, nommez Banda, Patane, & le yacht la Concorde, le Banda y étant en charge. On y rencontra auffi un navire Anglois, du port de quatre à 500. tonneaux, qui fe difoit avoir un gros fonds d'argent, de toiles, d'armes; & qui avoit beaucoup d'empreffement pour trouver fa cargaifon. Il fut caufe que les Hollandois achetérent 12. réales de huit la bare de noix mufcades, dont ils n'avoient coûtume de paier que 9. réales.

L'Amiral voiant le tort que cette maniére d'agir faifoit auffi-bien à l'Anglois

qu'aux autres, réfòlut à fon tour d'offrir au-deffus de lui, & de le fatiguer. L'Anglois s'en étant aperçû, retira fes gens des ifles Pulo Wai & Pulo Rin, où ils trouvoient peu de marchandifes, & fit mine de vouloir s'en tenir au prix ordinaire, & de n'avoir pas envie de les faire hauffer davantage.

Mais ce n'étoit pas-là fa penfée. Il paroiffoit mieux pourvû de toiles & d'armes, que d'argent, quoi-qu'il fit courir un bruit bien contraire. Il étoit allé acheter les toiles à Cambaie pour les vendre aux Moluques, & il ne pouvoit s'être chargé de tant d'armes, que pour les vendre aux Efpagnols de Ternate, qui en

avoient befoin

Le 10. le Capitaine de ce vaiffeau, qui étoit un homme puiffant & vigoureux, qui parloit fort bien Arabe & Malais, alla lui-même trouver l'Amiral, dans le Con feil, & le pria de lui déclarer s'il avoit quelque defein formé fur l'Ifle de Néra, afin qu'il rapellât fes gens à fon bord. Il pria auffi l'Amiral d'envoier à terre un homme fidelle & intelligent, pour avoir l'œil fur les démarches des Bandanois, afin qu'il eût connoiffance de tout à heure & à tems; & afin de vouloir fecourir les Anglois, fi les Bandanois entreprenoient de nuit, ou par furprise, quel,

que chofe contre eux, & que pour cet effets, l'Amiral fît toûjours tenir dans fa Joge 36. Moufquetaires.

Les Bandanois, au nombre de plus de 2000. hommes, faifoient toutes les nuits. la garde autour de la loge des Hollandois, aiant envoié dans la montagne leurs familles & leurs effets. Ils firent dire à l'Amiral qu'ils vouloient s'affembler, & délibérer, felon la coûtume de leur païs. Ils envoićrent auffi demander fecours aux habitans des autres Ifles, & aux Javanois, qui étoient-là au nombre de plus de 1500. avec quelques jonques.

Ceux de Lontor & leurs confédérés répondirent qu'une flote fi confidérable ne pouvoit être venuë que dans l'une de ces deux vues, ou de bâtir un Fort à Néra, ou de venger les meurtres auparavant commis dans les perfonnes des Hollandois, & que ces deux chofes ne les regardoient nullement qu'à l'égard du Fort, ils ne doutoient point que dans la préfente conjoncture, la chofe n'arrivât, ou de la part des Hollandois, ou de celle des Caftillans que les Hollandois n'avoient fait aucun tort aux habitans de Banda : qu'ils avoient trafiqué avec honnêteté & douceur, & bien paié : que c'étoit à eux de prendre leur parti, & de voir

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