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Il en étoit autant arivé deux ans auparavant. On avoit fait plus de préfens que ne valoient les profits qu'on fit fur la cargaifon; & il falloit que la même chose arivât encore, fi nous voulions nous maintenir dans l'eftime des Japonois, & continuër le commerce avec eux: c'est pourquoi il n'y faut envoier que de riches cargaifons, afin qu'elles puiffent porter de fi grands frais. Car quoi-qu'on n'ait point de requête à faire, dès qu'il arive des vaiffeaux, il faut toûjours que les préfens fe faffent.

Cependant la chofe n'iroit pas trop loin, fi l'on avoit chaque fois quelque nouveauté & quelque rareté qui pût plaire à l'Empereur, quoi-que ce ne fût rien de haut prix; car il ne regarde pas tant à la valeur qu'à l'agrément. Enfin ce qu'on donne n'eft plus ou moins confidérable, que par raport à la cargaison qui en doit porter la dépenfe, vû qu'on ne fait point d'autres frais, & qu'on ne paie de droits ni d'entrée, ni de fortie, ni aucuns autres impôts, quelles que foient les marchandifes qu'on ait. Au refte en livrant tout eft paié comptant.

Le 10. de Juillet nous vîmes ariver de Nanguefacque, Hans Verftreepen, Corneille Laurent d'Alcmaar, & Jean Corne. lifz d'Enchuife, Affiftans, qui étoient

partis le 3. de Mars, de Patane pour aller à Siam, où ils s'étoient embarquez dans une jonque du Japon pour y venir. Ils avoient féjourné 15. jours à Satfuma, parce qu'ils avoient le vent contraire.

Le même jour nous allâmes prier le jeune Gouverneur de nous donner des lettres de recommandation, ce qu'il nous acorda, promettant de joindre fes lettres aux dépêches de fon Grand-Pére, & de nous donner un Gentilhomme pour nous conduire, nous ofrant auffi les barques, fi nous en avions befoin, dequoi nous les remerciâmes. Après cela nous allâmes encore délibérer au fujet des préfens qui nous embaraffoient extraordinairement, ne pouvant ménager les intérêts de nos Maîtres en ce point, fans donner lieu aux Portugais de faire mille médifances de nous, qui feroient écoutées à la Cour, que nous n'aurions pas fatisfaite, & qui feroient encore plus capables de bleffer les interêts de nos Maîtres, que ne feroit le coût des préfens.

Le même jour nous reçûmes réponse du Facteur, qui fe réjouiffoit de notre venue, nous remerciant des avis que nous lui en avions fait donner, & nous difant qu'il étoit fort content de ce que nous allions faluër l'Empereur; qu'il nous envoieroit inceffamment des lettres de re

commandation pour le Cofequidonne & pour le Sionfabrodonne; mais il ne nous parloit point d'envoier quelqu'un de fes gens avec nous, dequoi nous étions fort aifes.

Sur le foir le jeune Gouverneur fe rendit à nôtre bord, avec le frére du vieux Gouverneur, que nous n'y avions point encore vû. On ne manqua pas de faire une décharge de l'artillerie en leur honneur. Ce frére étoit un homme qui nous rendoit tous les jours quelque fervice,. & qui tâchoit auffi bien que le Gouverneur, à nous obliger en toutes chofes.

Le 1 1.après avoir fait nos réflexions fur ce que nous avions à faire dans le voiage, il fut arrêté que nous irions auffi faluër le jeune Roi à Jedo, vû que l'Empereur qui a 70. ans, eft fur le point de lui réfigner fon Empire, auffi- bien que le Roïaume de Quando qu'il lui a deja donpé; les Portugais en aiant ainfi ufé, & lui aiant auffi fait des préfens. D'ailleurs les Gouverneurs & tous nos amis nous en avoient donné le confeil.

Outre cela on nous confeilloit encore d'aller vifiter Federi Samma, fils de l'Empereur dernier mort, defcendant des Empereurs du Japon, en ligne directe; que divers incidens avoient éloigné du trône, & qui réfidoit dans le Château

Ofacco, & de lui faire des préfens. Car on jugeoit que lorsque l'Empereur feroit mort, il pourroit bien remonter fur le trône, par les intringues de fa faction, & par le pouvoir du peuple, qui lui paroiffoit fort affectionné. Les Espagnols ne l'avoient pas non plus oublié dans leurs vifites.

Le 13. du même mois de Juillet, nous eûmes des nouvelles certaines qu'il étoit venu un vaiffeau de la Nouvelle Efpagne, avec un Ambaffadeur que le Vice-roi du Mexique envoioit à l'Empereur, pour le remercier du fecours qu'il avoit donné à. Don Rodrigo de Bueta, qui avoit été Gouverneur des Manilles, & qui allant à la Nouvelle Efpagne, à bord du S, Fran cifco, avoit échoué fur la côte de Quando. Cet Ambaffadeur aportoit de grands préfens, & avoit auffi des draps à vendre. C'étoit le premier vaiffeau qui fut venu de la Nouvelle Efpagne au Japon.

Après fon naufrage Don Rodrigo avoiť acheté un vaiffeau, qui avoit été conAruit par le Pilote & le refte des gens de l'équipage de Quaecquernaech, qui s'é toient fauvez, & que l'Empereur avoit emploiez à cette fabrique. L'Efpagnol l'avoit acheté 57oo. ducats, & il étoit parti. de Morongau l'année précédente, pour continuër fon voiage à la Nouvelle Ef

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pagne. Les marchandifes qui furent envoiées au Japon en paiement, étoient des érofes, dont il ne paroiffoit pas que la Cour fût fort fatisfaite.

Le 14. on nous fit favoir que les lettres du Facteur étoient venues, & nous fîmes préfent de deux piéces d'armoifin noir à fes deux Commis, qui nous en avoient avertis; mais le vent contraire ne nous permit pas de mettre à la voile. Lorfque nous prîmes congé du Gouverneur & que nous lui recommandâmes nôtre vaiffeau & nos gens, il nous dit de les bien avertir d'être fobres, & de ne s'ennivrer pas, parce que de-là s'enfuivent de grands defordres ; nous affurant que d'ailleurs, ils feroient à Firando comme s'ils étoient en Hollande. Enfuite il nous envoia quelques petits tonneaux de vin du Japon pour notre voiage.

Nous partîmes le 17. menant Jean Coufins pour Interprête, & étant accompagnez d'un Gentilhomme que le jeune Gouverneur nous avoit donné. Nous nous mîmes dans la barque de la loge avec 16. des rameurs du Gouverneur,qui faifoit auffi aller une autre barque pour le Port de Nangoïa.

Le foir du 18. nous jettâmes le grapin fur la côte de l'Ifle Ainoffima, à 21. lieuës de Naugoïa, aiant prefque toûjours nagé. au vent qui nous étoit contraire.

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