l'Ambaffadeur qu'il falloit qu'il donnât fa défenfe par écrit, comme on l'avoit demandée au Capitaine du vaisseau ; que la Cour y répondroit en la même maniére; & qu'il trouveroit la réponse prête à fon retour de Jedo. Cependant on voit peu d'aparence qu'il obtienne aucune reftitution.

Les démarches de l'Ambaffadeur des Caftillans avoient été fort fuperbes & peu concertées. Il étoit allé à Jedo faluër le Prince, avant que d'avoir vû l'Empereur, & la Cour l'avoit trouvé mauvais. Il étoit entre à Soringau environné de 40. Moufquetaires, avec une enfeigne d'Efpagne déploiée. Il avoit fait fonner les trompettes dans toutes les rues où il avoit paffé, & faire des décharges de moufqueterie.

Les préfens qu'il avoit fait porter au Confequidonne, lui avoient été renvoiez, ainfi que ceux de l'Ambaffadeur de Portugal.. Il avoit enfuite demandé à être admis à l'Audience de l'Empereur, & avoit fait quatre propofitions; favoir: Qu'il fût permis aux Caftillans de bâtir autant de vaif feaux,& tels qu'il leur plairoit. Qu'il leur fût permis de faire reconnoître par leurs Pilotes toutes les côtes & les ports du fapon. Que l'Empereur nous défendit de trafiquer dans les païs de fon obéiffance, &

qu'il ne nous l'accordât plus, à quoi, s'il plaifoit à Sa Majefté de confentir, le Roi d'Efpagne · fon Maître envoieroit des nazires de guerre au Japon, pour détruire & brûler les nôtres.. Que lorfque les vaißeaux Efpagnols viendroient au Japon ils ne feroient fujets à aucune vifite, ni à aucuns inspecteurs, & qu'ils vendroient leurs marchandifes à qui leur plairoit.c

Ces propofitions aiant été faites de bouche furent auffi données par écrit.. L'Ambaffadeur avoit été cinq jours à Soringau, avant que de pouvoir obtenir audience. On lui déclara d'abord que ce n'étoit pas la coûtume que perfonne entrât & parût avec des armes devant l'Empereur; que tous ceux qui alloient à l'audience étoient obligez de les quitter. Néanmoins la fierté de l'Ambaffadeur ne lui permettant pas d'avoir égard à cer avis, il fe prefenta devant le Palais avec la banniére de fon Maître, & avec fes foldats, au travers defquels il paffa, non fans obferver beaucoup de cérémonies.

Mais il fut introduit feul au Palais, où il préfenta les lettres dont il étoit chargé, portant réponse à celles que l'Empereur avoit écrites l'année précédente. I ofrit auffi les préfens envoiez par le Vice Roi du Mexique, qui étoient une felle de cheval brodée d'or

fin; un beauharnois de guerre; quelques précieux médicamens, & d'autres raretés. L'Empereur lui fit meilleur vifage qu'il n'avoit fait au Portugais mais il ne luiparla point non plus. Enfuite il reçût sa réponse, qui fut; Qui lui étoit permis de bitir des vaißeaux, & de faire choix du lieu qui lui paroîtroit le plus propre pour cet éfet. Qu'il lui étoit permis de reconnoître les côtes du fapon, & qu'on lui fourniroit des barques s'il en avoit befoin. Que les pais de Sa Majesté étoient ouverts à tous les étrangers; que chacun y pouvoit venir librement ; que n'aïant aucune raifon pour nous en exclure, il vouloit nous Laiffer jouir d'un privilége qu'il accordoit à toutes les nations; que fi nos Princes avolent guerre ensemble, cela ne regardoit pas Sa Majeflé, qui les laißoit volontiers guider leurs différens dans leurs piis. Que ceux qui viendroient trafiquer au Japon," n'y seroient traitez que felon les régles de la raifon, fans aucune explication plus particuliére fur cet article. Et après cette réponse l'Ambaffadeur fe retira. Au reste, M. Adamfz vit & entendit tout, étant alors proche de la perfonne de l'Empe

reur.

Les Caftillans dirent la nouvelle de la mort du Roi de France, qui avoit été tué d'un coup de couteau dans le ventre, en

fon caroffe, par un Etudiant de chez les Jéfuites. Ils parlérent auffi de la Tréve qui avoit été conclue entre le Roi d'Ef pagne & les Etats Généraux : mais ils dirent qu'ils ne favoient pas ce qui avoit été réglé à l'égard des Indes, à l'Eft du cap de Bonne-cfpérance; affurant que la Tréve n'avoit pas encore été publiée en Espagne.

M. Adamfz, qui étoit préfent, leur repliqua qu'ils favoient fort bien le contraire: il foutint que la Tréve avoit été publiée, & les réfuta même par l'excufe que les Portugais alléguoient, que la Tréve n'avoit pas été publiée aux Indes, mais feulement en Europe : qu'il étoit fi conftant que les uns & les autres étoient informez de la vérité de ce fait, & qu'ils avoient reçû d'Europe des nouvelles qu'ils falfifioient, qu'on avoit fait voir des lettres à Macau, qui portoient que le Prince Maurice étoit mort, & que Don Emanuel de Portugal avoit été élû par les Etats Généraux pour remplir fa place ce qui faifoit connoître que c'étoit à deffein que les Efpagnols ne vouloient pas paroître informez de la Tréve que d'ailleurs lorfque le yacht qui étoit venu aux Indes, étoit parti de Hollande, on n'y parloit point encore ni de la mort du Roi de France, ni de celle du

Prince Maurice: que cependant la Tréve que les Espagnols affectoient de taire, y avoit été publiée prés d'un an auparavant; que par conféquent il ne falloit pas douter qu'ils n'euffent quelque deflein caché, en voulant ignorer une chofe connuë depuis long tems à toute l'Europe.

L'après-midi, le Confequidonne. nous fit avertir que nous ne pouvions voir l'Empereur ce jour-là, mais que ce feroit le lendemain. M. Adam fut d'avis que nous devions auffi aller faluër le Prince à Jedo, puifque les Portugais & les Caftillans y étoient allez.

Le matin du 17. nous allâmes vifiter Ohoto Sionfabrondonne, Tréforier Général, Maître des monnoies, & Confeiller d'Etat, & nous lui prefentâmes cinq aunes de drap rouge cramoifi; deux au nes d'étofe de foie travaillée en camelot & piquée, une piéce de drap violet & or, une pièce de damas vert; trois carpettes de Nuremberg; cinq bouteilles de verre; une carabine, & un cornet à amorcer.

Après avoir accepté nos préfens avec les complimens ordinaires, il nous promit de nous faire avoir audience ce jour là. C'eft un homme fort eftimé de l'Em-pereur, qui ne fait pas de grandes promeffes aux gens, ni ne les amufe pas de paros

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