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qui eft comme du tabac, aiant une odeur forte, aprochant de celle des feuilles du noïer, & dont la tige s'élève d'une braffe, ou d'une braffe & demie. Nous crûmes qu'elle avoit une vertu médecinale, & fans doute qu'à l'avenir quelqu'un en fera l'épreuve.

L'ufage de toutes ces herbes contribua tellement à la guerifon de ceux qui étoient malades du fcorbut, qu'en huit jours il y en eut plus de la moitié en état d'aller euxmêmes les cueillir, & les aprêter ; & même d'aller à la chaffe aux chévres & aux. fangliers. Il y a auffi quantité de cabris & de boues très-gras, & fort gros, qu'on auroit pris pour des chevreuils, ou pour des veaux. Il y a des pourceaux de diverfes couleurs,. & d'un très-bon goût: mais les unes & les autres de ces bêtes font diffici les à chaffer.

Il y a encore des perdrix, des pigeons, des tourterelles, des paons, qu'on ne peut prendre, & qu'il faut tuer à coups. de fufils. Mais il n'y a point de bêtes devorantes, d'oifeaux de proie, ni de reptiles venimeux. Il n'y a ni loups, ni: lions, ni ours, ni aigles, ni éperviers,. ni vautours ni ferpens, ni crapaux.. Tout ce qui y eft d'incommode font de groffes araignées, & des mouches auffi. groffes que des fauterelles.

res

Au côté méridional de Sainte Héléne gifent certaines petites Ifles, qui ne font proprement que des rochers, où nous voyons des milliers de mouettes noi& d'autres oifeaux blancs, ou ta chetez, dont les uns avoient le cou long, & les autres l'avoient court. Ils faifoient leurs œufs fur les rochers, & ces œufs font très-bons à manger. La multitude de ces oifeaux eft fi grande, qu'on les prenoit à milliers, & ils fe laiffoient tuer à coups de bâton; ce qui fait qu'on les apelle les mouettes folles; mais elles font de très-bon goût.

A

On y a trouvé des montagnes qui donnent du bol rouge & une terre graffe qui eft grife, & affez femblable à la terre Lemnienne, tant par fa qualité graffe, que par le goût qu'on y trouve, en y apliquant la langue. Il y a une montagne au Sud-eft, qui eft pleine d'une forte de couleur rouge, avec laquelle on fait du rouge chargé, du rouge brun & du clair. Il y en a une autre à l'Eft, qui fournit une belle couleur Perfe, & dont la terre, vers le bas de la montagne, eft d'un verd clair, & vers le haut d'un verd brun, ainfi que Jacques de Molre, dans fon Journal, raporte qu'il l'a vû & bien examiné.

Il y a fur les rochers,qui font le long de

la mer, de bon falpêtre, & de bon fel. L'eau qu'on fait dans cette Ifle eft la plus faine & la meilleure qui fe trouve fur toute la route. La mer y eft fort poiffonneufe. On y pêche tout proche du rivage, avec de gros & de petits hameçons; mais non pas avec la feine, parce que le fond y eft fale, & que la mer y brife trop.

Il y a diverfes efpéces de poiffons, favoir des maquereaux, des rougêts, & d'autres qui font comme des barbeaux, des perches, des carpes de différentes couleurs, & d'autres fortes encore. Il y a des ferpens gros comme le bras, qui font d'un excellent goût. Il y a des écrevices, & des huitres meilleures qu'en Hollande, qui font tellement attachées aux rochers qu'il les en faut féparer avec le

Couteau.

Le 30. du même mois de Mai on écrivit deux lettres, par lefquelles on marquoit que l'Amiral Verhoeven, avoit rélaché à cette Ifle avec fa flote, le 15. de Mai, & qu'il avoit remis à la voile le 2. de Juin, pour continuër fa route vers les Indes. Une de ces lettres fut mife dans une boëte de plomb, qu'on enterra dans un creux, à un pié & demi de la porte de l'Eglife, & l'autre fut enfermée dans un bois creux qu'on laissa suspendu dans l'Eglife.

Le 1. de Juin 1608. il fut réfolu de courir au Sud, jufques par les 3 2. degrés, où l'on changeroit de rumb pour doubler le cap de Bonne-efpérance. Le foir du 2. toute la flote remit à la voile. Le 9. on fut par la hauteur des 24. degrés 25. minutes, courant au Sud & au-Sud-quartde-Sud-oucft, par un vent forcé d'Eftfud eft, aiant alors paffé trois fois fous le Tropique du Capricorne.

Ceux qui paffant fous la Ligne, veulent faire route vers le Cap, doivent fe fouvenir que lorfqu'ils feront au-deffus des Albrolhos, il faut qu'ils portent au Sud jufques à ce qu'ils foient fous le Tropique, & par la hauteur des 34. ou 35. degrés, où les vents d'Eft les porteront, afin de rencontrer plûtôt les vents d'Ouest, qui les conduiront jufques au cap. Car fi l'on court trop tôt la bande de l'Eft, on tombe auffi trop tôt dans les calmes..

Le 27. de Juin, au quart du jour, le Vice-amiral fit tirer un coup & mettre deux feux, pour fignal qu'il avoit découvert les terres. Vers le foir on trouva fond fur so. braffes, & l'on crut être fur le cap des Aiguilles. Peu après on vit les terres qui nous demeuroient à 8. lieuës au Nord. Toute la nuit on fit l'Eft-nord-eft, jufqu'au matin du 28. & fur le midi on vit floter quantité de trombes.

On n'avoit pas crû pouvoir doubler le cap de Bonne - efpérance que dans trois jours, & même quelques Pilotes croioient en être encore à cent lieuës, felon leurs pointages, lorfqu'on vit le cap des Aiguilles, qui en eft à 20. lieuës Eft-quart-denord-eft; deforte que les courans avoient beaucoup contribué à le faire doubler, & avoient porté les vaiffeaux avec force audelà de ce premier cap.

Ceux qui viennent de Hollande, pour le doubler en cette faifon, y trouvent l'Hiver, & les vents d'Ouëst, qui leurt font favorables. Mais ceux qui reviennent des Indes, avec de groffes cargaifons, pour le doubler en cette même faifon, ont bien befoin de fe recommander à la miféricorde de Dieu. Ainfi il faut prendre garde à partir des Indes dans la faifon propre pour trouver.l'Eté au cap, en le dépaffant,& à partir de Hollande dans une faifon propre pour y faire trouver l'Hiver. Sans cette précaution on court de grands rifques, dont les moindres font d'être arrêté un ou deux mois par des vents contraires.

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Le 28. l'Amiral ordonna qu'on célébreroit un jour d'actions de graces à Dieu dans toute la flote, pour la faveur qu'il avoit bien voulu nous accorder, de doubler le cap de Bonne-efpérance.

La

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