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Le 6. de Juillet 1605. nous fumes battus d'une furieufe tempête. La miféne de l'Amiral fut emportée hors des rallingues, & il arriva divers autres femblables acci dens. Je croi que quand l'on eft vers la Terre de Natal, il faut prendre garde à la conftitution de l'air, car avant que la tempête commençât, on y avoit vû des éclairs fort long-tems.

Le 23. comme la flote étoit par les 17. degrés 14. minutes, le Confeil s'affembla pour délibérer fur l'article de l'Inftruction fecréte des Sieurs Directeurs, qui por toit qu'on chercheroit la flote de Portugal pour la combattre, & qu'elle feroit aparemment à Mofambique, ou dans les parages qui en font proches. Ainfi il s'agifloit de favoir où on la devoit atendre, & fi ce feroit à Maïotte, ou à Comore, ou à Mofambique.

Il y avoit dans l'Inftruction un article qui portoit défenfes de paroître à la vuë de Mofambique, pour empêcher que la flote ne fût découverte. Néanmoins après quelques réflexions, on reconnut que fi l'on relâchoit à Maïotte, ou à Comore, il faudroit envoier un yacht vifiter le Port de Mofambique, parce qu'autrement on ne pourroit pas favoir fi les carraques n'y feroient point toutes, ou s'il n'y en auroit point une partie. Or en cas qu'el B

Tom. VII.

les y fuflent, il n'étoit pas poffible d'aller les y ataquer, vû que quelques-uns de nos vaiffeaux étoient grands & fort chargez, & que pendant la mouffon où l'on avoit les vents & les courans contraires, ils ne pourroient aprocher, ni entrer malgré les carraques dans le Port de cette Ifle & c'étoit à quoi les Sieurs Directeurs n'avoient pas penfé.

Il fut donc réfolu qu'on iroit en droiture à Mofambique, & que fi la flote Portugaife n'y étoit pas, on l'y atendroit : qu'on commanderoit deux yachts pour croifer inceffamment en mer, afin de don-, ner avis à l'Amiral, s'ils venoient à la découvrir : que cependant, pour ne pas demeurer dans l'inaction, on ataqueroit le Fort de Mofambique,quoi-que non pas de la maniére qu'on auroit pû le faire,s'il n'eût point fallu fe tenir toûjours en état d'aller combattre les carraques, lorfqu'elles paroîtroient.

Le 24. on concerta les ordres qu'il faudroit obferver en faifant defcente. Il fut réglé qu'outre les foldats & leurs Oficiers, on mettroit à terre deux compagnies de Matelots, chacune de 100. hommes, & que chaque homme feroit pourvû de vivres pour deux jours: que les vaiffeaux les Provinces-Unies, Delft, Hollande, & Amfterdam, fourniroient 138. befches,

118. pelles garnies de fer, 5 2. haches, &c. avec des Charpentiers, des Chirurgiens, & des médicamens: que chaque vaiffeau fourniroit à fes gens de la poudre, des balles, &c. que chacun des grands navires fourniroit 25. Matelots armez, hormis le Lion Rouge, qui ne fourniroit que 10. moufquetaires, &c. que le Viceamiral feroit Général de cette petite armée, Jean de Molre Lieutenant Colonel, Simon Janfz Hoen Général de l'artillerie, Jean de With Général des munitions de Guerre, Henri van Cranenbourg Sergent Major, Huibert Schuurmans Quartiermaître général, Job Janfz d'Utrecht Infpecteur général des travailleurs.

Le 28. du même mois de Juillet, la flote étant par la hauteur des 14. degrés 50. minutes, on eût la vûë de Mofambique, qui nous demeuroit à trois lieuës au Nord, & vers le foir on moüilla l'ancre à la rade, à demi-lieuë du Fort, par un vent de Sud-fud-ouëft, fur onze braffes d'eau. On examina la variation de l'aiguille qui avoit nord-ouëft, & l'on trouva 13. degrés 14. minutes.

Dès le même jour l'Amiral aiant fait tirer un coup de canon, & arborer un pavillon blanc pour fignal aux Officiers de fe rendre à fon bord, il fut arrêté que comme il y avoit une carraque & deux au

autres petits bâtimens à la rade, devant le Fort, on envoieroit les quatre yachts & une chaloupe armée de foldats pour les aborder; ce qui fut éxécuté, & les yachts l'Aigle & le Griffon prirent la carraque qui étoit montée de 34. ou 35. canons dé fonte & de fer. Elle avoit hiverné dans ce Port, & on l'avoit alors armée pour faire voiles dans 7. ou 8. jours, & aller à Goa.

Elle étoit chargée de draps d'Efpagne, de ras, de ferges, de dents d'éléphans & de chevaux marins, d'ébéne, de vins, d'huiles, & de quelques autres marchandifes. Les prifonniers furent diftribuez fur la flote; mais comme on amenoit la prife fous le pavillon, l'eau aiant baiffé, elle demeura échouée.

Les deux autres yachts le Faucon & le Paon, qui avoient abordé les deux petits bâtimens Portugais, les trouvérent léges. Dès la nuit fuivante on déchargea de la carraque quelques effets, de peu de conféquence. Il y avoit encore deux autres petits bâtimens, que le Gouverneur nommé Don Eftevan d'Attaida, fit toüer & prefque haler fur le fec, où il n'y avoit plus moien de les joindre.

Cette expédition faite, l'Amiral fit tirer un nouveau coup de canon & arborer le pavillon rouge. Auffi-tôt toutes les

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chaloupes armées fe rendirent à fon bord où le Vice-amiral en qualité de Général des troupes de débarquement, reçût de lui fes Inftructions, & enfuite il fit defcente avec fon armée, avant que le Soleik fut couché, & fans que perfonne s'y opofât.

Le Confeil de Guerre s'étant affemblé fur le rivage, on nomma pour Capitaines Arent Jelifz, Leonard Hendrikfz, Crifpin Roelant ou Roulant, & Pierre la Brofche: pour Enfeignes Henri Jacobfz, Tobie van Varlar, Jean Jobfz, & Cléophas van Reuven. Chacune de leurs Compagnies étoient de 100. hommes. Le Général conduifoit l'avant-garde qui étoit compofée de trois compagnies, avec les Charpentiers & les Matelots pourvûs d'inftrumens pour remettre la terre & pour hacher le bois. Jean de Molre commandoit l'arriére-garde, qui étoit auffi compofée de trois compagnies.

Ils pafférent au travers du bois & du bourg, pour aller droit au Fort, & firent halte dans le jardin du Couvent des Dominicains, où l'armée fut rangée en ordre, & campa autour de l'Eglife du Couvent. Le 29. les tranchées furent conduites jufques au pié du Fort, d'où il ne fut pas tiré un feul coup jufqu'à midi. Mais aprés cela les ennemis firent un grand feu de moufqueterie, & une fortie de 40.

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