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les Espagnols; c'eft ce que je fis faire à mon arrivée par un Capitaine qui leur en alla donner avis & pleine connoiffance en mon nom, leur offrant de nôtre part d'éxécuter les articles de la Tréve, les requérant de les éxécuter auffi, & protestant en même tems qu'en cas qu'ils en fiffent refus, nous ne ferions pas coupables dé tous les maux qui pourroient s'en enfuivre.

Cependant ni Don Juan de Silva, ni les autres Officiers du Roi, n'ont tenu compte de cette déclaration, ni ne fe font point abftreints à l'éxécution de ce Traité. Leur prétexte a été qu'ils n'avoient point reçû d'ordre de leur Roi de l'éxécuter. Ainfi la continuation de la Guerre tombe abfolument ou fur le Roi, ou fur

que

fes Sujets, foit dans les tems requis îl ne foit point venu d'ordre à ceux-ci d'entretenir les claufes de la Tréve, foit que ces ordres aient été retractez, ou fufpendus, ou que les Commandans qui font dans les Indes, empêchent qu'ils n'aient leur effet.

Quoi-qu'il en foit, nous favons avec certitude, qu'il y a déja plus de deux ans, c'eft-à-dire avant le départ de Don Juan de Silva des Manilles, que la Tréve leur étoit connue, & que les avis en avoient été aportez ici aux Moluq ues, par

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Don Jéronimo. Nous avons auffi apris par les Portugais qui font tombez entre nos mains à Banda & à Amboine, qu'elle avoit été publiée, par ordre du Roi d'Efpagne à Goa & à Malacca. D'où il paroît qu'ils ne veulent pas aujourd'hui s'y foumettre à caufe des grands avantages qu'ils ont remportez, & du butin qu'ils ont fait fur l'Amiral François Wittert, depuis le tems que la Tréve a dû être obfervée, parce qu'ils feroient obligez de reftituer ce butin, de rendre ce qu'ils ont ufurpé fur les côtes de Sabouge & de Gi lolo, & tous les prifonniers entre lefquels font le vieux Roi de Ternate, & l'Amiral Paul van Caerden.

Mais quoi que pour exécuter les ordres: de Noffeigneurs les Etats & de nôtre. Prince, nous aions recherché tous les moiens imaginables d'entretenir la Tréve, & de prévenir l'effufion du fang, ce n'est pas que nous manquions de moiens pour nous dédomager par la force ouverte, même au quadruple, des torts qu'on nous a faits, & des pertes qu'on nous a fait frauduleufement fouffrir. Aufliavonsnous réfolu de le faire en tems & lieu, fur tous les Sujets du Roi d'Efpagne, & leurs Adhérans.

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Il feroit à fouhaiter que le defir infatiable que cette nation a de dominer fur les

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corps & fur les ames, & que les pratiques & les terribles moiens qu'elle emploie pour cet effet, fuffent connus à V. M. comme ils nous le font. Vôtre Majefté ne ferviroit pas pont aux Efpagnols, pour paffer à l'établiffement de leur tirannie & de leur fanguinaire empire, ainfi qu'elle fait au grand regret de tous les autres peuples des Moluques. Elle comprendroit bien que toute la récompenfe qu'elle doit efpérer de tant de fidelles fervices qu'el-: le leur rend, fera de fe voir elle-même un jour l'objet de leur perfécution & de leur cruauté, qui font allées jufqu'à détruire dans notre païs plus de 40000, perfonnes par les mains des Boureaux, jufqu'à faire périr par l'épée, ou dans les mines, aux Indes Occidentales, des millions de gens, dont le fang, auffi-bien que le nôtre, crie continuellement ven-: geance à Dieu.

Il feroit trop long de raporter à V. M, les exemples particuliers de ces barbaries. Je ne lui en alléguerai que deux, qui pour ront fervir de matiére à fes réflexions dans l'occafion préfente, puifque les chofes fe font paffées dans ces païs.

Les Portugais, dans la premiére conquête qu'ils firent de Malacca, aiant reçû de grands fervices de Ninache, Tuan, dont la fidélité pour eux étoit au-deffus de tou

te récompense, n'en eût point d'autre que celle d'être deftitué de fa charge de Sabandar, qu'il avoit exercée à Malacca, toute fa vie, avec beaucoup d'honneur. Cet affront l'aiant mis au defespoir, il fit dreffer un échafaut, & un bûcher deffus, où il se jetta & fe brûla tout vif, à la vue du peuple, difant qu'il aimoit mieux finir avec honneur le peu de jours que fon grand âge lui permettoit d'efpérer, que de vivre acablé d'infâmie, & d'être expor fé à tout moment à une mort ignominieufe, pour la fidélité qu'il avoit témoignée à des ingrats.

...

Abdalla Roi de Campar, aiant abandonné fes femmes, fes parens, fes fujets, fon Roiaume, en faveur des Portugais, perdit publiquement la tête fur un écha faut, à Malacca, par les mains d'un infâme Bourreau.

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Il n'eft pas befoin de reprefenter ici de quelle maniére ils ont traité un des prédé ceffeurs du Roi de Ternate. La mémoire en est trop récente, la plaie faigne encore, & toute le monde en a vu ruiffeler le fang, quelques foins qu'ils aient pris de le cacher. En un mot, on fait qu'ils font pro feffion de maffacrer les Princes & les Rois. Ils ont affaffiné l'illuftre Pere de nôtre: Prince. Deux Rois de France ont péri par les mains de deux affaffins qu'ils avoient

apoftez. Ils en ont envoié plufieurs pour tuer nôtre Prince, une Reine d'Angleterre, & le Roi qui y regne aujourd'hui. Ils ont dans leur Réligion des gens qu'on nomme des Cafùiftes, dont la plupart font Jéfuites, qui les abfolvent de tout ce qu'ils font, & ils regardent l'abfolution, ou plûtôt la permiflion que ces gens-là leur donnent de commettre tout ce qu'il leur plaît, comme quelque chofe de réel, qui les garantira de la malédiction de Dieu se

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Je finis en faifant bien des vœux au Ciel à ce qu'il ouvre les yeux de V. M. afin qu'éclairée fur les tiranniques deffeins des Espagnols, elle puiffe fe délivrer de leur joug, & rendre la liberté à fon païs. Pour cet effet, j'offre à V. M. la puiffance & les armes de mes Maîtres les Seigneurs Etats Généraux, & du Prince Maurice, ne doutant pas que la domination Efpagnole ne vous foit auffi infuportable qu'elle nous l'a été, &c. humlar

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