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VOYAGE

D'Amfterdam à Angola & à la riviére de Congo, à bord du Neptune, dont le Capitaine Je nommoit Adrien tansz.

Près mon voiage du Cap Vert, je me

Arengageai pour aller encore en quali

te de Sous-commis à Angola & à ia riviérede Congo. Nous fîmes voiles du Texel le 26. de Novembre 1607. en bonne compagnie. Le gros tems nous contraignit de relacher deux fois à Flamouth en Angleterre, où nous aprîmes qu'il étoit péri 5. ou 6: vaiffeaux de la Flote avec laquelle nous étions partis.

Lorfque nous fumes par le travers de la Guinée, nous mîmes le cap fur la côte de Manigette, & bien-tôt après nous vîmes venir s. ou 6. canots avec des Négres, qui nous aportoient des rafraîchiffemens mais ils n'oférent aborder que nous n'euffions moüillé trois fois un de nos doigts dans la mer, & que nous n'euffions laiffé tomber dans nos yeux les goures d'eau qui y pendoient; cérémonie que nous prîmes pour être un ferment parmi eux.

Quand cela fut fait ils s'aprochérent,

fans vouloir néanmoins paffer à nôtre bord, craignant qu'on ne les prit & qu'on ne les retint, ainfi que les Portugais avoient fait plufieurs fois. Ils nous aportérent du manigette, ou blé de leur païs, & des dents d'éléphans. Le 4. de Mars 1607. nous fûmes par le travers de Cabo Cors, & du Fort de la Mine, où nous trouvâmes le Général Adrien van der Goes, avec deux navires & quelques yachts, qui trafiquoit de l'or.

Les Hollandois donnoient foixante morceaux de toile de Siléfie, chacun d'une aune & demie, pour une Bende d'or, qui fait le poids de deux onces. Ils donnoient, diverfes fortes de verroterie, des chauderons de cuivre & des baffins, dont ils tiroient beaucoup de profit. Cette côte fourniffoit alors plus de 1800. fivres d'or par an.

Nous prîmes de-là nôtre cours vers le cap di Lopo de Gonfalo, où le Roi d'Ollibatte vint à notre bord avec un grand canot plein d'hommes & de femmes, de dents d'éléphans, & de rafraîchiflemens. Il me troqua une partie de dents d'éléphans, pour lefquelles je lui donnai des toiles de coton.

Le lendemain je remontai la riviére, & allai trouver le Roi, pour avoir encore des rafraîchiffemens. Les femmes m'in

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commodérent extrémement, & j'eus bien de la peine à m'en débaraffer. Le Roi même, pour m'obliger, m'offrit le choix dé fes concubines.

Le 3. d'Avril 1607. nous remîmes à lá voile, à deffein de courir vers le Brefil,par la hauteur du cap de Bonne-efpérance, & puis de ranger la côte de Lowango. Mais les travades elles-mêmes nous y pouflé rent, & au grand étonnement des Pilotes qui l'ont fouvent entrepris fans fuccès, nous moüillâmes l'ancre le 2 2. à Lowango, qui eft par la hauteur des 4. degrez & demi de latitude Sud.

Nous y rencontrâmes notre autre vaiffeau qui étoit parti avant nous du Texel fous le commandement du Général Wemmer van Berchem, qui du cap de Lopo avoit auffi gouverné fur le Brefil. Ainfi nous avons été les premiers qui aient fait en dix-neuf jours le chemin depuis ce cap jufqu'à Lowango. Mais nous avons apris qu'aprés noas, piefieurs autres, l'ont auffi fait. Nous courions toûjours à 10. ou 12. lieues de terre, parce que les courans que caufent les embouchures des riviéres, portent de Benin vers le golfe. Mais à cette diftance nous ne nous en apercevions pas.

Nos gens pêchérent une dorade, qui avoit cinq piés de long, & trouvérent dans

Ton corps un poiffon volant d'un pied & trois pouces de long. Etant encore tout frais, je le fis rôtir fur le gril, & lui trou vai le goût de l'éperlan.

Le 1. de Mai 1607.nous commençâmes à troquer du drap pour des dents d'Eléfans, Enfuite le Commis m'envoia porter des préfens au Roi, pour obtenir la permiffion de trafiquer à Maïomba qui dépend de lui, qu'il m'accorda.

Le matin du 1 1. de Juin, comme je me promenois fur le tillac, je vis quatre che vaux marins qui alloient paître à terre, & je me mis dans la chaloupe pour les voir de plus près. Ils nous regardérent fort paifiblement aprocher d'eux, puis quand nous en fûmes bien proche, ils retirérent pas à pas, & rentrérent dans la mer. Quelquefois ils mettoient leurs mufeaux hors de l'eau; mais dès qu'ils nous apercevoient, ils replongeoient. Quoi-que nous fiffions tous nos efforts pour tirer deffus & en tuër un, il ne nous fut pas poffible :-aparemment qu'ils ont l'odorat fort fubtil. Ils font de la grandeur des buffles, & ont la peau unie à peu prés comme les chiens marins. Ils ont les oreilles courtes, comme quand on les a coupées aux autres chevaux, les nafeaux larges, deux dents crochues qui leur fortent de la bouche, comme celles des pourceaux. Ils ont les

jambes courtes, & les pieds de la figure. d'une feuille de tréfle. Ils hanniffent comme les autres chevaux.

Enfuite le Commis me fit paffer à bord du yacht, pour aller dans la riviére de, Congo, où je fus feize jours avant le Général Berchem, qui m'envoïa en commiffion à Banfa de Songeo, vers le Comte nommé Don Migiel, pour lui demander permiffion de nous retirer marchandifes étant prefque toutes venduës.

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Ce Comte fait fa réfidence à fept lieuës en remontant la riviere. Il me fit rendre beaucoup d'honneurs par fes enfans, jufques au lendemain que je le vis. Il étoit aveugle, & âgé de plus de 110. ans. Les gens y font acoutrez à peu près à la Por tugaife, avec un manteau fur les épaules, & un chapelet à la main. Ce Seigneur fait bien entretenir les loix dans fon païs, & tout y eft bien reglé. Il y a quatre ou 5. Eglifes où les Portugais difent tous les jours la Meffe, & deux ou trois Ecoles pour inftruire les enfans..

Le peuple eft doux & traitable, propre à la guerre, & adroit à faire fes affaires.Ce font les femmes qui travaillent en ce païs là. Elles labourent, elles fément & moiffonnent, les maris les tenant comme en fervitude, & les obligeant de travailler.

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