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mies; il y a tant de cire, qu'on ne fe fert point de fuif, pour faire de la chandelle. Il y croît quantité de chanvre, dont il ne fe fait point de toiles, les habitans ne fachant pas la faire, & n'étant pas excitez à l'aprendre, parce qu'il n'y a point ou prefque point de commerce. Ils ne fe fervent que de toiles de coton.

Il y a diverfes fortes de bêtes & de volatiles. On y en voit prefque de toutes les efpéces qui font en Europe, ou bien il s'en faut très-peu. Il y a une grande incommodité, qui eft une multitude de fauterelles qui gâtent tout, & qui ruïnent quelquefois les moiffons. Les chevaux y font petits, ce qui fait qu'on en tire d'Arabie & d'Egypte, à qui l'on ôte les poulains, dés qu'ils ont trois ou quatre jours, pour les faire allaiter par les vaches.

Il y a des mines d'or, d'argent, de cuivre & de fer. Toutes les campagnes y fourmillent de perdrix, de liévres & de lapins, parce qu'on ne va point à la chaffe. Enfin on y trouve quantité de chofes néceflaires pour la vie & en abondance.

On y a deux Etés & deux Hivers, qui ne font pas diftinguez par le chaud & par le froid, mais par la durée des pluïes.

L'Empereur des Abiffins, eft nommé par les Arabes Anticlibacha, & par quelques-uns Beul-gian, ce qui veut dire Puif

fance du Prince. D'autres le nomment Aceguée, ou Empereur; & d'autres le nomment Négus, ou Roi. Il n'a point de lieu fixe pour fa réfidence. Il va tantôt dans une place, tantôt dans une autre, & couche ordinairement fous des tentes, qu'on porte parmi fes bagages, au nombre de fix mille; deforte que quand il campe en rafe campagne, fa Cour & fon train ocupent plus de 10. ou 12. lieuës de païs. On dit qu'il eft moins noir que les autres Mores.

Lorfqu'il voiage il eft entouré de rideaux rouges aiant fur fa tête un trône moitié d'or & moitié d'argent, & une croix d'argent en fa main. Son vifage eft couvert d'un morceau de taffetas bleu,qu'il hauffe quand il veut favorifer ceux qui font auprés de lui, ou qui defirent lui parler.

Les peuples font tout-à-fait noirs, & n'ont prefque aucune connoiffance des arts nides fciences. Ils n'en ont pas même de la Médecine. Leurs vétemens ordinaires font de toile de coton, & les plus riches en ont de foie.

Leurs maifons font baffes & mal bâties, faites de chaux & de paille. Les portes en font toûjours ouvertes; car il n'y a perfonne qui veüille entrer dans la maifon d'autrui. Ils s'affcient à terre pour manger, & ne mettent jamais de nap-.

pes. Il y en a qui mangent de la chair de bœuf toute crue. Ils ne fe fervent point d'argent monnoié : ils donnent l'or au poids, & trafiquent par troc : fur tout ils troquent du poivre pour du fel.

Quoi-qu'ils aient des vignes,il ne fe boit point de vin que dans la maifon du Roi, & chez le Patriarche qui porte le nom d'Abuna. Leur bruvage eft fait de tamarins, & a un goût aigret. Les riches traitent fort durement les pauvres, ce qui eft caufe que toutes les terres ne font pas enfemencées : parce que ces premiers enléventaux autres tout ce qu'ils ont...

Ils n'ont point de régles pour leur langa ge,& pour écrire une lettre ils y emploient plufieurs jours. Cependant leur caractéres font plus beaux que ceux des Arabes & des Turcs, ainfi qu'on le voit dans le livre de Jofeph Scaliger, De Emendatione Temporum. La Nobleffe demeure à part, la Bourgeoi fie de même, & le commun peuple auffi Les gens de ce dernier ordre peuvent ê ê. tre annoblis en faifant quelque belle action. Ils demeurent ordinairement épars en divers hameaux. Ils péfent le fel au même poids que l'or.

Ils ne jurent que par la tête de leur Roi. Ils fe fervent de mulets pour por ter des fardeaux, & de chevaux pour combatre. Ils ne s'habillent jamais de

noir qu'en deuil, regardant toûjours cette couleur comme un fimbole de triftef fe. Ils pleurent leurs morts 40. jours. Dans. leurs feftins le fecond fervice eft de viande eruë, & c'eft le fervice délicat.

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Ils s'adonnent volontiers à la navigation & ils y ont de l'expérience. Si lorfqu'un vaiffeau eft fous voiles, quelqu'un laiffe tomber dans l'eau une chofe, qui même ne foit prefque d'aucu ne conféquence, ils fe jettent, un ou plufieurs, à la mer, & la vont querir. Ils chantent prefque toûjours en travaillant, & lorfqu'ils n'ont rien à faire, par ticuliérement quand ils font fur des vaiffeaux Portugais, où ils ont toute leur famille avec eux, ils ne font que boite & chanter des chanfons avec leurs femmes & leurs enfans. Les femmes por tent de longues culottes, comme celles des Matelots Indiens.. Les femmes Arabes en portent auffi.

L'or, l'argent, le cuivre & le fer, fourniffent affez de richeffès à l'Empereur & le fucre lui produiroit auffi de grands revenus, fi les peuples pouvoient s'acoutumer à le préparer. Ses revenus font de trois fortes. Les uns proviennent de fes domaines, qu'il fait cultiver par fes efclaves & par fes bœufs le nombre de fes efclaves augmentant tous les jours

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par les mariages qui fe font entre eux, parce que leurs enfans demeurent en leur place.

Ses autres revenus proviennent du droit de capitation, qui fe leve fur tout le peuple, & de la dixième partie de tout ce qui retire des mines qui ne font pas dans l'enceinte de fes domaines. La troifiéme fource eft dans les tributs que lui paient ceux des Princes voifins qui font fes vaffaux, dont quelques-uns lui fourniffent des efclaves, les autres des che-. vaux, du coton, des toiles, & d'autres chofes.

Il y a donc aparence qu'il a de grands tréfors en or, en argent, en pierreries & en perles, Il fit offrir 100000. dragmes d'or au Roi de Portugal, pour faire la guerre aux Turcs, & promettoit d'envoier auffi une groffe armée contre eux, avec des vivres pour elle, & pour celle des Portugais.

Ses fujets ne font pas fort belliqueux. Ils ne favent fe fervir d'aucunes armes ofenfives; ce qui vient de ce qu'on les traite tout-à-fait en efclaves, & qu'ils portent trop loin le refpect qu'ils doivent à leur Prince. Il n'y a dans fes terres aucune place fortifiée & en état de défense. D'ailleurs ils font tous les ans un carême de 50. jours, qui épuife tellement leurs forces>

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