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qui leur en fourniffent. Ils fe fervent aufli d'arcs & de boucliers qui font faits d'écorces d'arbres.

Le Gouverneur de Batta entretient des

arquebufiers, pour tenir en refpect les Giaquas, qui font des peuples qui habi tent le long du Nil, du côté de l'Eft. Sans cela ils feroient de continuelles irruptions, & même ils en font fouvent. Mais les habitans de Batta, étant avertis par un coup de moufquet, qui s'entend de fort loin, prennent auffi-tôt les armes, & chaffent ces ennemis. Cette feule Province peut mettre fur pié 70. à 80000. hommes.

Il y a un Gouverneur dans chaque Province qui fait fa réfidence dans la Ville capitale. Tout le peuple, jufqu'aux principaux Seigneurs, reconnoît le Roi pour Maître abfolu de tout ce qu'il poffede. Les Seigneurs fe nomment Mani. Le Roi ne fuit aucunes loix écrites, pour rendre la justice. Il ne fuit que les anciennes coûtuimes, & que ce que la raifon lui dicte touchant le droit des parties.

Toutes les troupes du Roiaume de Congo ne confiftent qu'en Infanterie. Quand il faut combattre, elles fe refferrent, ou s'étendent felon que le terrein le permet, ou bien elles fe divifent en petits corps. L'armée régle fes mouvemens fur les fignaux du Général, qui a fon pofte dans le

Tome VII.

S

milieu, ou fur les ordres qu'il envoie dans chaque quartier. Il y a un fignal particulier concerté pour chaque évolution, qui fe donne par le moien des inftrumens.

Ils en ont un de bois qui fait un bruit terrible, quand on foufle dedans. Ils ont des tambours faits d'une écorce entiére d'arbre couverte d'une peau, & ils battent deffus avec des baguettes d'ivoire. Ils ont un autre inftrument triangulaire, qui eft fajt de plaques de fer bien jointes, furquoi l'on frappe avec un bâton. Ils fe fervent encore de dents d'éléphans creufées, qui rendent un fon guerrier qui anime beaucoup.

Le Général a un grand nombre de ces inftrumens grands & petits, pour s'en fervir felon les ocafions, & que les corps d'armée font plus ou moins gros. Les foldats ont auffi des fignaux particuliers entre eux. Ceux qu'on place dans les premiers rangs, font ordinairement les mieux faits & les plus difpos, qui au fort d'un combat doivent animer les autres, & les avertir par des clochettes de ce qu'ils ont à faire.

Il n'y a perfonne dans le Roiaume de Congo, qui pofféde rien en propre, ni qui puiffe difpofer d'aucune chofe au profit des fiens. Tout apartient au Roi, qui ôte & qui donne felon qu'il plaît. Les enfans même du Prince font fujets à cette

loi; deforte que fi chacun paioit tous les ans au Roi ce qu'il lui doit, ils feroient dépouillez de tout ce qu'ils ont."

On fait mourir peu de gens pour crimes. Si un Sujet du Roi de Congo a un différent avec un Portugais, il fe décide felon les loix de Portugal.

Quoi que la Religion Chrétienne foit introduite en quelques endroits, la plûpart des peuples font pourtant encore idolâtres. Les uns adorent le Soleil & le croient le mari de la Lune. D'autres adorent la Lune comme la femme du Soleil. D'autres adorent des bêtes aîlées. D'autres encore adorent la Terre comme mere nourrice de tout le genre humain.

Voici comme la Réligion Chrétienne s'y eft introduite. Jaques Cano aiant été envoié par Jean II. Roi de Portugal, en qualité de Capitaine Général, pour reconnoître la côte d'Afrique, entra afin dans la riviére de Zaïre, où étant defcendu à terre, il trouva des gens mieux faits & plus traitables que dans les autres. Provinces. Il fe rendit à la Cour, & y fut bien reçû. Il emmena un Ambaffadeur & des enfans de plufieurs Seigneurs avec lui en Portugal, pour être inftruits en la Réligion Chrétienne. Ils furent bâtisez & dans la fuite renvoiez dans leur païs, où quelques Prêtres allérent avec eux, &

en même tems on y envoia une célébre ambaflade.

Les Prêtres, qui étoient des Moines Dominicains, étant arrivez à Congo, gagnérent d'abord un Oncle du Roi & fon Fils. Enfuite le Roi & la Reine même fefirent auffi bâtifer, & firent bâtir une Egli fe fous le nom de Sainte Croix. On brûla un grand nombre d'Idoles. Le Roi prit le nom de Jean, la Reine celui d'Eleonor, & leur fils aîné celui d'Alphonfe.

Les Dominicains firent auffi bâtir des Convens & des Eglifes pour eux. Ils nom mérent la Ville de Congo Santo Salvador. Ils atirerent beaucoup de gens à leur croiance, & ne manquérent pas de s'atitirer en même tems de grands dons. Aprés la mort de ce premier Roi Chrétien, & aprés celle de quelques autres qui le fuivirent, auffi-bien que de ces Freres Prêcheurs, il furvint des troubles, jufques. là que les frères s'élevoient les uns contre les autres.

Il y avoit un Archevêque à S. Thomas, qui prenoit foin d'envoier un Evêque à Congo. Mais il y alloit très-peu de Prêtres; ceux qui y étoient envoiez fe hâtoient peu d'y aller les peuples, qui ne vouloient pas changer leur ancienne idolâtrie pour la nouveauté qu'on leur prefentoit, s'opofoient à leurs

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progrez,

les

femmes fe foulevoient avec fureur, parce qu'on vouloit qu'elles fe contentaflent d'un feul mari, ou que n'étant point ma riées, elles vécuffent chaftement. Toutes ces circonftances firent qu'au lieu des nouveaux progrez qu'on auroit pâ efpérer, ceux qui avoient été déja faits, fouffrirent beaucoup de diminution.

Enfin les Jéfuites y font allez, & ont bâti un Convent dans l'Ifle de Loando d'où ils envoient toûjours quelque Miffionnaire au continent. Mais le peuple qui n'a point de connoiffance de la langue Latine, qui vit d'une maniére fort débordée, & ne veut point être tenu en bride, va par curiofité, par coûtume, & par legéreté, les écouter un jour, & le lende main il retourne à l'idolâtrie domeftique, & reprend fon premier train.

Quand j'eus fait mon raport de ce qui s'étoit paffé à la Cour du Comte, au Confeil de nôtre vaiffeau, je me rembarquai dans le yacht pour me rendre à Lowango, où je reçûs ordre de m'en aller avec le refte de la cargaifon vers la côte de Guinée. Je partis le 20. de Septembre 1607. & je pris terre le 6. d'Octobre à Camende fur la côte d'Or.

Aprés y avoir trafiqué, je paffai par le travers du Fort de la Mine, & me rendis à Cabo Cors, où il y avoit plufieurs

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