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Négocians particuliers, qui alloient à l'envi les uns des autres, & ruïnoient le com merce. Je les laiffai& pris la route de Morré, où je troquai toutes mes marchandifes pour de l'or.

Cependant nôtre vaiffeau, que j'avois quitté à Lowango y territ auffi. Je vendis le yacht, & m'étant rembarqué dans ce yaiffeau, nous allâmes, en compagnie de deux autres, au cap de Lopo, où nous relâchâmes le 1. de Février 1609. & delà fîmes voiles en Hollande.

En paffant fous la Ligne nous vîmes un poiffon à corne, qui paroiffoit avoir prés de cinq braffes de long, & fa corne prés de demie braffe. Ses nageoires étoient bleuës, & fon corps d'un bleu azuré. Pendant qu'il fut proche de nôtre vaiffeau, nous ne vîmes aucun autre poiffon. Nous préfumâmes qu'il falloit que ce fût un poiffon pareil à celui qui, dans un des voiages précédens, avoit fiché fa corne dans l'Amfter dam. Cette corne, qui fe trouva dans le gros du vaiffeau, lorfqu'on voulut lui redonner un doublage à Amfterdam, & qui n'en pût être retirée qu'avec une peine extrême, avoit paffé au travers du doubla ge de fapin, & du bordage de chêne, jufques dans l'allonge. On m'a dit qu'elle eft encore entre les mains du Sieur Bart Janfz van Steenhuifen Directeur, & qu'on l'y peut voir.

Le 4. de Juin 1609. nous terrîmès heureufement au Texel, & le lendemain, nous menâmes à Amfterdam 44. livres d'or, & une groffe partie de dents d'éléphans.

Second Voiage à Angòla, que j'ai fait en qualité de premier Commis fur le yacht Maurice.

N

Ous mîmes à la voile le 17. de Septembre 1609. pour retourner à Angola & le 4. de Janvier 16 1o. nous terrîmes à Lowango. Quoi-que l'air y foit mal fain, j'y établis pourtant un comptoir le 8. Février fuivant. Jufques-là perfonne n'avoit ofé y trafiquer qu'à bord, & l'on m'a dit qu'il a fallu revenir à en ufer de -même.

J'envoiai le yacht à Congo, & demeu rai avec un Contre-maître dans la Ville où fe fait le principal commerce des dents d'éléphans. J'y vis un Négre qui avoit neuf piés de hauteur, mefure de bois en Hollande. Il étoit fort bien proportionné en fa taille. Son pere n'avoit que trois piés de haut, & étoit fort laid. Quelques-uns de leurs compatriotes adoroient le fils à caufe de fa grandeur.

J'allois fouvent me promener fur le rivage de la mer, où je vis une fois un chien marin mort, tout femblable aux autres

chiens, hormis qu'il avoit les jambes plus courtes. La mer l'avoit jetté fur le rivage, où les pêcheurs le laifférent jufques-à ce que les vers s'y fuffent mis, puis ils le por térent au Roi, qui en fit un grand feftin. Il nous fit l'honneur de nous en envoierun quartier de derriére, qui puoit fi horri blement, que j'en fus incommodé. Je don nai un quart d'aune de drap, pour le faire emporter, fecrétement.

Le 9. le Contre-maître qui me fervoit, & qui fe nommoit Willem Barentsz,mourut. On ne voulut pas permettre qu'il fût enterré, parce, difoit-on, qu'il ne pleuvroit plus s'il y avoit un Blanc enterré dans le païs. J'offris en vain de gros préfens. Il fallut que j'emploiaffe des esclaves des Portugais pour le porter à la mer, Ainfi je demeurai feul.

Peu de tems aprés on m'aporta une multitude de perroquets & des chats-civettes à vendre. Comme les perroquets me furent donnez pour très-peu de chofe, j'en pris les langues, & les fis cuire à l'étuvée, aiant oüi-dire qu'on ne mangeoit rien de plus délicat ; & en effet, je trouvai ce ragoût fort bon. J'en réfervai trois des plus beaux, que j'aportai en Hollande, & ily en a encore un chez moi qui parle fi-bien, & fi diftinctement, que je n'en ai jamais vû qui parlât de même.

J'achetai auffi un caméléon qui vécut plus de deux mois fans rien manger; defor te qu'effectivement il y a de l'aparence qu'ils vivent de vent. On a écrit qu'ils reçoivent l'impreffion de toutes les couleurs qui leur font opofées, & qu'ils les prennent; mais aprés en avoir fouvent fait l'expérience, j'ai trouvé que le mien ne prenoit que trois ou quatre couleurs, favoir la verte, la grife, & la jaune. Il reffembloit à peu-près à un lezard. La plus grande différence n'étoit qu'en ce que le deffus de la tête du caméléon étoit plus plat.

Le même mois de Novembre 1609.une Reine nommée Manni Lombre, me fit inviter à manger d'un jeune éléphant, aiant deffein de me faire enfuite coucher avec elle. Elle m'envoia querir par fes Officiers, qui m'emmenérent au lieu de fa réfidence 5 qui étoit à la diftance de dix lieues. La elle me fit manger par force de fon éléphant qu'elle avoit fait tuër exprès pour me régaler, & qui étoit fi puant, que je fus malade d'en avoir mangé. Mais elle fut fort irritée de ce que je ne voulus pas répondre à fon defir, & me renvoia me donnant tant de marques de mécontentement, que je me trouvai heureux d'échaper de fes mains.

Aprés avoir été plus de 15. mois fanguiffant & malade dans ce païs-là, où cepen

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: Voiage de

416 dant je troquai toutes les marchandifes que j'avois pour des dents d'éléphans, du cuivre, & du bois rouge, je pris congé du Roi & de la Cour, le 9. d'Avril 1611. Ce Prince me fit prefent de 1 oo. livres de dents d'éléphans, d'une peau de léopard qui étoit trés-belle, & d'un chat-civette, afin de m'engager à y retourner.

Le Roi, qui depuis qu'il étoit parvenu au gouvernement n'étoit pas allé feulement jufqu'à la diftance d'un jet de pierre de fon Palais, vint me rendre vifite, dans la maifon que j'occupois, pour prier de revenir, & de lui aporter quelque chofe de curieux.

me

Dés le même jour, je fis mettre à la voile, & le 27. de Juillet fuivant je me rendis à Amfterdam, où j'aportai 6 5 000. livres de dents d'éléphans, une partie de cuivre, & une de bois rouge pour fervir de montre.

Troifiéme voiage à Angola, que j'ai fait en qualité de premier Commis, à bord du Soleil.

TR

Rois Vaiffeaux destinez pour Madére, deux deftinez pour la Guinée, & le nôtre, firent voiles du Texel, de compagnie, le 30. d'Octobre 1611.

Lorfque nous fumes proche de Madére, & fur le point de nous féparer, un gar

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