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queue longue & épaiffe d'un pouce., Les Habitans qui prétendent en avoir vû d'autres difent qu'ils ne parlent point, & qu'ils paffent les nuits dans les arbres. Ce fut auffi dans un arbre qu'il fut furpris avec fa femme & fon enfant, mais fa femme & l'enfant échapérent, car ils font fort legers à la courfe.

La plus grande partie du cuivre vient du Roïaume des Infijeffes. On l'en aporte à la dérobée,parceque ces deux peuples fe font la guerre. On m'a dit qu'il y a des mines. d'etaim & d'argent; mais les Habitans font fi pareffeux qu'ils ne veulent pas y travailler. Il y a des endroits où il croît du poivre comme celui de Benin, du gingembre, & des cannes de fucre, dont on ne fat point d'état.

Les Portugais de Louande & de S. Paul, ont trafiqué de Lavaugus'à Lowango, il y a environ 30. ans. Ce font auffi de Lavaugus qu'on donne en païement aux foldats du Roi d'Espagne, qui font dans la place qu'il a conquife à 30. lieues de Louande & de S. Paul, dans les terres, & qui s'appelle Mafagaum, où l'on tient qu'il y a des mines d'argent. Les Portugais y achetent auffi beaucoup de bois rouge, de dents & de queues d'éléphans,

Voiage des Indes Orientales, que j'ai fait en qualité de premier Commis, à la priere du Général Gerard Reynft,

E

N partant du Texel le 3. de Mai 1613.

pour me rendre à bord, les Soldats, aprés avoir bû plufieurs rafades, faifant des décharges de leurs armes, tuérent, nous. tous préfens, un homme d'une tête d'épingle qui lui entra dans le cœur. Le foldat ignoroit qu'il y en eut une dans fa poudre. Cela doit fervir d'avis à ceux qui portent des armes de ne tirer pas légerement & fans befoin fur un homme.

Je m'embarquai fur le Naffau, un des navires de la flote commandée par le Général Reynft, dans le Confeil duquel j'eus ma voix. Nous fimes voiles du Texel le 2. de Juin 161 3. par un vent d'Eft & d'Eftquart-au-nord-Eft. Mais le vent changeant, nous fîmes le tour de l'Angleterre, & courûmes au Nord-eft.

Le 1. d'Août, étant par la hauteur des 60. degrés & demi, nous n'avions que deux heures de nuit. On yoioit à lire à deux heures après minuit. Le 1. d'O&obre, nous ancrâmes dans les baies de S. Antoine & de S. Vincent, qui font vis-à-vis l'une de l'autre. Entre autres rafraîchissemens nous prîmes forces poiffons avec le

feine. L'équipage de l'Amfterdam en prit d'un coup de feine aflez pour nourrir le lendemain toute la flote, fans ce qu'on en ayoit laiflé échaper, de peur que la feine ne fe rompit.

Les Inles de S. Vincent & de S. Antoine ne font pas à plus de trois lieues l'une de l'autre. Celle de S. Antoine eft peuplée de quelques Portugais, de Mulâtres de Portugal, & de beaucoup d'efclaves des deux fexes. Ils fubfiftent des huiles tirées des tortues qu'ils vont pêcher, dans une certaine faifon de l'année, vers l'Ile de Saint Vincent, qui eft auffi peuplée. On y en prend beaucoup, & il vient des barques charger les huiles, qu'on tranfporte en divers païs. Il y a auffi beaucoup de boucs, dont ils aprétent les peaux comme le cuir d'Espagne. C'eft un bon lieu de relâche dans les voïages de long cours. Néan-. moins l'eau n'y eft pas bonne.

Nous remîmes à la voile le 5. de Novembre 1613, & relâchâmes encore à l'Ifle d'Annobon, qui git par un dégré 40. minutes de latitude Sud à 45. lieues du continent d'Afrique. Elle eft très-fertile en oranges, limons, citrons, noix de cocos, figues, ananas, bled de Turquie, millet & divers autres fruits. Il y a peu de bœufs & de vaches, beaucoup de pourceaux & de boucs; des poules, des pigeons, &',

plufieurs autres efpeces d'oifeaux, furtout abondance de poiffon. Elle produit beaucoup de cotton, dont Dona Lofia de Silvia, en Portugal, tire jusqu'à plus de 8000. ducats par an,

Entre les oranges que nous y prîmes, une feule pefoit 3. livres poids de Hollande. Le Gouverneur qui voïant nos forces, en avoit bien ufé, demanda & obtint une lettre de recommandation, pour les autres vaiffeaux Hollandois, qui viendroient à sa rade. II la fit bien valoir pendant que ceux qui y relâchérent fe trouvérent les plus forts. Mais une fois le Delft aiant mis trop peu de monde à terre, il fit prifonniers tous ceux qu'il pût attraper, & ne les rendit qu'en païant des rançons exceffives; ce qui doit obliger les paffagers à fe tenir toûjours fur leurs gardes, & à fe fouvenir de l'infidelité des Portugais.

Nous remîmes à la voile le 21. de Mars 1614.& le 3.de Juin nous moüillâmes à la rade de l'Ifle Anfüannii. Le Général m'envoïa le lendemain porter un préfent au Roi, & le prier de nous faire donner des rafraîchiffemens en païant. Ce Prince vint devant de moi, avec les flûtes & les tambours, & me mena dans fon palais.

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Il étoit Arabe de naiffance. Il nous donna fur le champ treize boeufs, dix

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moutons & vingt poules, avec de fort bons fruits. Convenus de ce que nous paierions pour chaque bœuf, je retournai à bord pour dire au Général, que l'accord étoit fait à douze réales de huit par piéce.

Je fus encore renvoié à terre de l'autre côté, à la Ville de Démonio, où je fus magnifiquement reçû par la Reine & fes Sujets. On offrit de nous accommoder de tout ce qui étoit dans le païs, & on nous logea dans la maifon d'un Gentilhomme où nous fûmes défraïez. On nous fit préfent d'un bouc dont on tira 25. livres de graiffe, outre celle de la viande cuite dans le chaudron. Les Matelots ne l'aiant pû manger, elle fut gardée pour mettre avec des légumes.

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Je fis marché de 203.bœufs, 30. moutons, 1 o. boucs extraordinairement gras, & 600. poules; d'une partie de ris qui n'étoit pas encore net de millet, de fêves aprochantes des fêves de haricot. Je donnai 12. réales de huit pour chaque bœuf, une barre de fer pour 3. bœufs, un miroir de Nuremberg pour un, une fonnette d'épervier pour un autre. Je donnai au Roi une main de papier pour un bœuf qui auroit coûté en Hollande 90. livres. Ces bœufs ont de groffes boffes fur le dos, femblables à ceux dont Jean HuiTome VII. T

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