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gens a donné la figure dans fes Voiages. Le païs d'Anfüannii eft par les 1 1.degrés 50. minutes de latitude Sud. La rade eft affez bonne. Au bout feptentrional de la baie, les vaiffeaux font à l'abri de la mouffon du Sud. Pour y entrer il faut rafer la côte le plus qu'on peut, jusques à ce que la Ville de Samodo vous demeure au Sud-fud-eft.

Les grands vaiffeaux y mouillent fur 23. à 25. braffes, fond de fable mêlé de roches.

Au côté oriental les vaiffeaux font à couvert de la mouflon du Nord, dans une belle baie, où ils ancrent fur 20. 23. à 30. braffes, proche de la Ville de Demommoo, où réfide la Reine, nommée Mollana Alachorra, dont le mari a dominé fur toutes les Ifles de Comorre.

Il y a dans cette Ifle quatre grandes Villes murées & 34. villages. Les Infulaires font Mahométans. Il y a beaucoup de Mofquées. Leurs Docteurs font Arabes, Le peuple eft d'un naturel doux. On n'y voit point les femmes, comme dans Jes Indes. Il y a beaucoup d'efclaves qu'on tire des païs du Prête-Jan, d'Ethiopie, & de Madagascar, à bon marché. Ils peuplent le païs, cultivent les terres, & les Maîtres en font bien fervis.

L'Ifle arrofée de quantité de clairs ruiffeaux coulans des montagnes, eft très-fer

tile. Il y croît diverfes fortes de bons fruits. Il y a quantité de volatiles, des paons, des perdrix, des cailles, des perroquets, &c. Avec un nombre extraordinaire de cocos, & abondance de poisson.

Les vaiffeaux font joints & coufus avec du Cairo au lieu de clou. Quand la mouffon y eft propre, ils vont à Madagascar querir du ris, du millet, de l'ambre gris & des efclaves ; qu'ils portent en Arabie, par la mer Rouge, pour y troquer des toiles & des mouchoirs des Indes, du coton, & de l'amfion.

- De retour auprés du Général, il me fit embarquer dans une chaloupe, pour aller à l'Ifle Gafifa à douze lieues d'Anfüannii, où nôtre navire Naffau, qui avoit chaffé fur fes ancres, avoit remoüillé. D'abord en aprochant nous ne trouvâmes point de rade: mais enfuite nous jettâmes le grapin au côté feptentrional, devant une baie de fable blanc & la feule de femblable autour de l'Ifle. L'endroit où l'on moüille a 25. ou 30. braffes de profondeur; à une portée de petit canon du rivage, devant un banc long & étroit, fur lequel à peine une chaloupe peut paffer de baffe eau.

Le Roi & toute fa Cour me reçurent fort bien. Il me fit prefent de quelques bœufs maigres, & de noix de cocos de mauvais goût. Il y a dans cette Ile fi: peu d'eau

douce que la plupart des habitans font obligez d'en boire de fomache, & les gens confidérables boivent l'eau de leurs chétives noix de cocos. Nos vîmes avec étonnement, que les matins & les foirs le bétail qui venoit des plaines & des montagnes, s'en alloit boire de l'eau de la mer.

Le peuple eft malin & de mauvaises mœurs. Il y a près de dix petits Rois dans l'Ifle, qui fe font la guerre fans ceffe ; deforte que les étrangers s'y doivent bien tenir fur leurs gardes.

Le 2. de Juillet 1613. le Général aiant fait remettre la flote fous voiles, nous aljâmes la rejoindre. Le 28. du même mois, devant paffer par le travers de l'entrée de la mer Rouge, & perfonne de nôtre nation n'y aiant navigé jufques alors, il fut réfolu dans le Confeil qu'on m'y envoieroit en qualité de Capitaine Major, fur le Naffau, pour examiner quel commerceon y pouvoit faire, & quels avantages de Compagnie en retireroit.

Le 2.d'Août, le Naffau s'étant détaché de la flote, nous courûmes par le travers du païs de Mélinde, & mettant le cap fur la côte, nous fîmes jufqu'à 60. lieuës de chemin en 24. heures. Nous entrâmes le 9. dans une belle baie, au cap Dorfou, & lui donnâmes le nom de baie de

de

Naffau, parce qu'aucun Hollandois n'y avoit été, & que nous ne la trouvâmes point dans les cartes.

Le lendemain nous levâmes l'ancre, & aiant doublé le cap de Gardafin, qui eft par les 11. degrès 45. minutes, nous remoüillâmes à côté du cap, afin de voir f nous trouverions des gens avec qui l'on pût parler. Nous y vîmes des Négres, qui prirent la fuite lorfqu'ils nous aperçurent; mais on les joignit. Ils ne voulurent par ler que le loin, & dirent qu'il n'y avoit point-là d'eau, ni d'autres rafraîchiffemens à efpérer.

Nous continuâmes donc à naviger vers Monte de Felix, dont les habitans ne vou lurent point non plus parler à mes gens.Ala fin on gagna jufqu'à un petit village,nom mé Dordori, d'où les habitans s'enfuïant emportoient tout ce qu'ils pouvoient.

On découvrit quelques vaiffeaux A rabes à la rade, de l'autre côté du cap, où l'on aprit que nous étions à Illie de Mette, d'où nous devions traverfer vers l'Arabie Heureufe. Le 26. du même mois d'Août 1613. nous la découvrîmes, & fûmes à demie lieuë au-deffous d'Aden.

Le Sous-commis alla dans une chaloupe, avec la banniére blanche, déclarer au Gouverneur le fujet de nôtre venue. Les Turcs le reçurent fort bien, & me le ren

voiérent promtement, avec du poiffon & des moutons gras, pour me dire que j'é tois le bien venu.

Le lendemain nous moüillâmes fous le fort, fur fept braffes d'eau, proche de quelques petits bâtimens Arabes, Perfans & Indiens, qui pour décharger la nuit leurs effets, étoient allez fe pofter à l'abri du Fort.

Le Capitaine des foldats envoié par le Gouverneur pour vifiter le navire, m'in vita de fa part à dîner avec lui; ce que j'acceptai, puifque je voulois obtenir la liberté du commerce.

Sur le midi, on vit venir de terre unë obfcurité furprenante, qui amena une très-groffe ondée de pluie. Une rougeur formoit, dans cette obfcurité, comme dans un four ardent, un objet affreux. Le Gouverneur prit foin de nous envoier dis re, que nous jettaffions encore deux ou trois ancres. Le nuage alla roulant vers l'Ethiopie, & quand l'orage qu'il caufa fut ceffé, nous vimes tout notre vaiffeau cou vert de fable rouge, auffi épais que le doigt.

Le Gouverneur me dît aprés que ce nuage obfcur, femblable à un tourbillon, fe forme du fable de la mer, qui fouvent en retombant enfeveliffoit des caravanes entiéres, hommes & chameaux, & que 'étoient-là les véritables Momies qu'on

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