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tiére, n'en fournit pas plus de 100. Machian, qui eft auffi toute entiére à nous, fournit 2. à 3oo. bares de clou par an, & 15. à 1600. dans la grande mouffon. Ce qu'on en tire fi peu vient de que les habitans gagnent plus à pêcher, qu'à amasser & à nétoier le clou. Batfian n'en fournit que fort peu, ou point du tout. Gilolo ne. fournit que du fagu, des pourceaux, quelques autres vivres pour les garnifons

&

En partant de Batfian, nous prîmes la route de Bantam, où nous terrîmes heureufement. Le Préfident Coen, fuivant les ordres du Général Reynft, me fit rembarquer fur le Naßau, & m'envoia, pour Préfident, aux côtes de la mer Rouge, où j'avois déja été. Sur la route nous relâchâ mes à Ticou & à Priaman, dans l'lfle de Sumatra, où j'achetai une partie de poivre, à 16. & à 17. réales de huit les 3 60. livres. On tient que c'eft le meilleur poivre de toutes les Indes. On pouroit y charger tous les ans plus de 3000. bares de poivre, fi l'on avoit de l'or pour le paier, & fatisfaire le Roi d'Achin, de qui cette place dépend.

Nous remîmes à la voile pour Ceilon, où je devois parler au Roi, & nous y mouillâmes à la rade de Palagama fur treize braffes. Les habitans étant allez en diligence avertir le Roi de ma venuë, i

me fit prier inftamment d'aller le trouver dans le haut païs. Mais je ne pûs, vû que la faifon d'aller à la Mocha fe feroit paffée, je m'en excufat, & lui fis favoir, par une lettre, ce que j'avois ordre de lui dire.

Ceilon eft, à mon gré, la plus agréable & la plus fertile de toutes les Ifles, & même de tous les païs que j'ai jamais vûs. On y voit de belles plaines & des montagnes couvertes de verdure. Il y croît abondance de la meilleure canelle qui foit au monde. Le quintal, qui fait 128. livres, y vaut 4. larins, ou 40. fous. Il y a quantité de belles pierreries de couleur, de bétail, de bêtes fauvages & de privées, & de poiffon. La monnoie dont on fe fert vers les côtes de la mer, pour vendre & acheter, & du poiffon fec qu'on prend proche des Ifles Maldives, & qu'on nomme Albacorifes. Il y a des éléphans qu'on croit en tous lieux avoir des qualités fi extraor dinaires qu'on leur attribuë de l'intelligence. On tient même pour certain que les éléphans des autres païs en rencontrant quelqu'un de Ceilon, le reconnoiffent, & lui témoignent du respect.

J'ai vu dans cette Ifle un homme & une femme qui avoient la jambe groffe, & telle que Jean Huigens en a fait repréfenter dans fon livre. On dit qu'ils font de la race de S. Thomas.

Aprés nous être un peu rafraîchis nous remîmes à la voile, & fur nôtre route, vers le Fort de Colombo qui apartient aux Portugais, nous prîmes un petit bâtiment tout chargé de canelle deftinée pour Coct fin, où on la vouloit charger dans les carraques qui devoient aller en Portugal. Nous fimes tous nos éforts pour ranger la côté des Indes, & nous rendre devant Coetfin, afin de voir s'il n'y auroit point de moien d'infulter quelqu'un des vaiffeaux qu'on difoit y être en charge affez avant en mer. Mais comme nous n'y trouvâmes pas les chofes dans l'état que nous avions crû nous continuâmes nôtre route vers la mer Rouge.

Le1 1. de Janvier 1616. nous prîmes 1erre à Chihiri, où nous trouvâmes deux des gens que nous y avions laiffez, qui ćtoient Viflcher & Crabbe, qui ne furent pas peu réjouis de nous voir, auffi-bien que les Habitans. J'y laiffai Wouter Heute en qualité de Sous-commis, à la place de Viffcher, & fis voiles à la Mocha où nous terrîmes le 15. du même mois, au grand é tonnement des Habitans, qui n'avoient jamais vû de vaiffeaux d'Europe.

Nous allâmes jetter l'ancre entre trente bâtimens, grands & petits, Indiens, Perfans & Arabes, qui furent furpris & éfraïez de nous voir. Le Gouverneur envoia fur

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l'heure une barque avec 2.ou 3.Turcs,nous demander qui nous étions & pourquor nous venions-là? Aprés notre réponse, ils s'en retournérent, & le lendemain 27. je defcendis à terre,& fus conduit au palais,au fon des flûtes & des tambours, où le Gouverneur me fit encore les mêmes demandes.

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Quand je l'eus informé de tout, il me fit beaucoup d'honnêtetés & me fit donner une vefte de drap d'or, felon la coûtume du païs. Après quelques entretiens, & nous avoir régalez, il nous fit conduire dans une belle maifon, qu'il nous avoit fait préparer, & qui devoit nous coû ter 140. réales de huit de loier, pendant la mouffon, qui eft 6 mois. Enfuite je m'accordai avec lui fur les droits à paier, dans le Gouvernement du Vice-Roi de l'Arabie Heureufe. Ils furent réglez à 3. & demi pour too. tant pour l'entrée que pour la fortie des marchandifes. Ee lendemain je fis porter des marchandifes à terre, que je vendis fort bien. Je fus paié en réales & en ducats d'or.

Le 6. de Mars 1616. il arriva à la Mocha, un Caffel, ou une caravane d'Alep & de Suees, d'environ rooo. chameaux, qui aportérent prés de zooooo. réales de huit, & 100000. ducats, tant de Hon grie & de Venife, que des païs des Maures, fans ce qu'il y en avoit qui ne fut

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point déclaré aux bureaux. Il y avoit auffi des velours, des fatins, des damas, des armoifins, des étoffes d'or de Turquie, des camelots, des draps, du faffran, du mercure, du vermillon, & des merceries de Nuremberg.

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Ces caravanes mettent ordinairement 2. mois à faire le voïage. Les marchandifes font des manufactures des Arabes, des Indiens, & des Perfans. On les troquoit-là pour des toiles de coton groffes & fines, de l'indigo, du poivre, du clou de gérofle, des noix mufcades, du macis, & des marchandifes de la Chine.

Le même jour j'obtins permiffion du Gouverneur d'arborer le pavillon du Prinçe furnôtre maifon, dans la Ville de la Mocha, dequoi toutes les nations étrangeres. murmurérent beaucoup. Il faifoit alors, jour & nuit, une fi grande chaleur, que ne la pouvant fuporter je me faifois fouvent jetter de l'eau fur le corps.

-Le 21. d'Avril, le Bacha m'envoia un Firman, paffe-port, ou lettre de créance pour tous Seigneurs & Gouverneurs de fa jurifdiction, afin de me faire défraïer & traiter par-tout comme fa propre perfonne, & le Capitaine des Galéres eut ordre de me conduire avec vingt foldats Turcs au Palais, pour lui parler. Le lende

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