Imágenes de páginas
PDF
EPUB

tous les ans de Suees, chargé de précieufes marchandifes, couroit trop de rifques à Babel-mandel, par où il falloit qu'il passât pour aller à Aden, où le principal com merce de ces païs-là fe faifoit auparavant. Ainfi la Mocha donne à prefent plus de revenus qu'aucune autre Place.

La Ville eft affez peuplée, & les habitans font de diverfes nations. Le Gouverneur

eft Turc, la plupart de fes foldats le font auffi. La garnifon eft de 300. hommes. Les habitans Benjanes montent à plus de 3000. qui font Marchands, Orfévres, Banquiers, ou Artifans. Il y a auffi beaucoup de Juifs fort rufez, des Indiens, des Perfans, des Arméniens; mais la plûpart font des Arabes.

Les vaiffeaux que j'y vis arriver furent, un de Suratte, un de Goga, s. de Diu, 2. de Touwel, 2. de Dabul, un de Goa, 2. de Calicut, 3. de Canaor, un d'Achin, un de Mafulipatan, 16, de Negena, Promiens, & Cadts, un de Mofambique, 2. de Melinde, 3 ou 4. d'Ethiopie, chargez de tant de diverfes marchandifes qu'on en étoit furpris. Elles fe tranfportent par les caravanes, ou par le navire Roial, Juda Mecca, à Suces, & au Caire.

à

Ces mêmes vaiffeaux amènent des multitudes de Pelerins qui vont à la Méque. Ils fe rendent à la Mocha ordinairement

depuis la mi-Mars jufqu'à la fin d'Avril Is en partent dans l'autre mouffon, qui commence en Août, & s'en retournent avec de bonnes cargaifons de marchan difes d'Europe, & beaucoup d'argent comptant. Le navire Roïal aporta plus de 350000. réales de huit, & soooo. ducats de Venife, ou Maures, quantité de draps & d'autres étoffes de laine & de foie, de l'étaim, du mercure, du vermillon, du fafran, des merceries de Nuremberg, des cuirs de Mofcovie, du fou wa dont on fait des teintures en écarlate des Káhauwa* efpéce de fêves noires qu'ils mettent dans de l'eau bouillante qui en devient noire auffi, & ils la boivent.

A mon retour de la Mocha à Chihiri, le 16. du même mois de Juillet 1616. je caffai le comptoir que j'y avois établi, & en retirai mes gens & les marchandifes; dequoi le Roi & plufieurs de fes Sujets témoignérent beaucoup de déplaifir. Lorf que je fus au Palais, ce Prince me reçût fort bien, & m'offrit toutes fortes de conditions avantageufes pour faire demeurer mes gens; mais comme je n'avois ni com→ miffion, ni fonds fufifant, je m'en défendis, & repris la route des Indes.

Le 2. d'Août 1616. nous moüillâmes *Il femble que ce foit ici la premiere fois que les Hollandois ont vû des fêves de café

l'ancre dans la riviére de Suratte. J'allai trouver le Gouverneur, pour lui déclarer le fujet de ma venue. Il me reçût favora blement, & m'offrit la liberté du commerce, furquoi je lui demandai une maifon pour y établir un Comptoir, ainsi que les Anglois. Mais il n'ofa me l'acorder fans la permiffion du Grand Mogol fon Maître, Il y avoit deux mois de chemin à faire pour aller trouver ce Monarque, dans la Ville d'Agra où il tient fa Cour, & comme la mouffon s'en alloit paffer, je n'ofai pas en entreprendre le voiage. Cependant les An glois firent tous leurs efforts, & n'épargné, rent ni prefens ni promeffes pour nous faire renvoier.

Je m'aperçus de cette intrigue, & étant allé chez le Gouverneur qui nous avoit mandez, je lui dis que j'étois prêt à me re tirer, & à retouner à l'heure même à mon bord; dequoi les Marchands un peu étonnez, & craignant que je n'infultaffe le vaiffeau que j'avois vû à la Mocha, & qu'ils attendoient tous les jours, allérent prier le Gouverneur de me rapeller, & de m'accorder pour cette fois la même faveur qu'il faifoit aux Anglois. Je retournai à terre, & il offrit de me laiffer loüer une maifon jufques au tems de mon retour, auquel il tâcheroit d'avoir l'agré ment de l'Empereur.

1

J'en louai donc une, & j'y laiffai un Commis, avec trois autres hommes & des marchandifes. Le Gouverneur me donna fa main, & me promit de les conferver comme la prunelle de fon œil. Il me fit auffi un prefent de 9. petites piéces de toile de Gufuratte; c'eft le plus grand honneur qu'on puiffe faire à un homme en ce païs-là. Ce changement furprit également les Anglois & les habitans.

Lorfque nous eûmes remis à la voile,nous découvrîmes par le travers de Baffaie, Ville que les Portugais poffédent fur la côte des Indes, une frégate toute neuve que nous emmenâmes à Bantam, & qui a été une bonne prife pour le fervice de la Compagnie.

Le 10. d'Octobre 1616. nous moüillâmes l'ancre à la rade de Calicut, où nous vîmes venir à nôtre bord un canot avec deux An→ glois, que ceux de leur nation y avoient laiffez pour y trafiquer fous nôtre nom.

Le lendemain j'allai à terre, aiant commiffion de notre Général pour parler au Samorin, qui étoit alors en campagne devant Coetfie. Je déclarai le fujet de ma ve nue au Prince fon fils, qui parut extrêmement furpris de ce que je venois réveiller l'affaire de l'Amiral Pierre Willemfz, dont il y avoit fi long-tems qu'il n'avoit oui parler. Il me dit qu'ils avoient été

abufez par les Anglois qui étoient-là venus fous nôtre nom, & qu'il ne lui étoit pas poffible de rien faire en cela, vû l'abscence du Secretaire qui étoit avec l'Empereur. Il me pria donc de lever l'ancre, & d'aller trouver le Roi fur la côte, m'offrant 3.ou 4. de fes Gentilshommes, pour m'accompagner. Mais le vent étant trop contraire nous ne pûmes y aller.

Le lendemain le Prince nous régala, & nous vint reconduire jufques fur le riva ge avec fes gardes. Là je reçûs un messa

ge de la part de l'Impératrice, avec priere d'aller la trouver. Elle étoit à demie-lieuë dans les terres, où après m'avoir reçû d'une maniére fort gratifiante, elle me pria de faire enforte qu'on entretint le Traité fait avec l'Amiral P. Willemfz. Elle me donna auffi une bague d'or où il y avoit deux beaux rubis, à condition que nous reviendrions l'année fuivante. Le Pa lais où elle logeoit étoit beau & bien bâti. Comme j'allois m'embarquer le Prin ce me fit faire une falve de 7. coups de canon, & m'envoia trois pirogues pleines de rafraîchiffemens.

Les Lafcares, foldats, (ou Nairos) ont ici de grands privileges. Lorfqu'il leur plaît de coucher avec une femme, ils entrent hautement dans la maifon, & erient au mari, Po, Po, ou Retire-toi

« AnteriorContinuar »