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nos gardes, à caufe de 200. cavaliers par qui Malder Gaen, qui étoit fous le commandement de Melic Ambaar, Général des troupes du Roïaume de Décan, nous faifoit attendre fur les paffages pour nous furprendre, parce qu'ils croioient que nous étions fort chargez d'or & d'argent.

J'envoiai le Sous-commis lui porter un préfent, lui montrer mon paffe-port, & lui demander quelque fecours pour mes gens bleffez. Quand il eut vû le paffe-port il fit venir tous fes foldats, & leur ordonna de nous laiffer paffer par-tout, fans nous faire aucune peine.

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Aprés deux jours de repos, à caufe de nos malades, nous traverfames Tiefgau, boug muré, où il y a un bon Château. Delà nous allâmes dans une autre bourg auffi muré, nommé Sinduat, puis dans la petite Ville de Berrenera, à dix Cos & demie de Wandanderin.

Le lendemain nous partîmes avant jour, & paffâmes par les villages de Sabergau, Malagam, Sanklei, Sontanne, Milgera, jufqu'à la petite Ville de Patoda, qui eft à 14. Cos de Berrenera. Ce païs eft trés-fertile il eft à 2. lieuës des Gatos, qui font deux montagnes voisines fur chacune defquelles il y a une Fortereffe, l'une nommée Anneque, & l'autre Tanneque. Il n'y a qu'un paffage entre ces deux

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montagnes, par où le Mogol puiffe paffer. Mais il trouve trop d'oppofition de la part des Rois de Décan, de Vifapour, & de Golconda. Les Gatos s'étendent depuis Partabaffa jufqu'à Coetfie, ou Coutfie, & y fervent comme d'un mur.

Aprés un féjour de 2. ou 3. jours à Patoda, nous confidérâmes que nous faifions une prodigieufe dépenfe, & il fut réfolu que ceux qui étoient en fanté partiroient, laiffant-là le Sous-commis avec les malades. Je les recommandai fort au Gouverneur, puis nous nous mîmes en chemin, & aiant traverfé 6. villages, nous allâmes coucher à i 2. Cos, au bourg de Dutanna.

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Le lendemain nous traverfâmes encore 7. villages, & allâmes coucher à Lafour, petite Ville murée, à 10. Cos de Dutan& le jour fuivant nous fumes dîner à celle de Nafiampor, à 1o. Cos de l'autre, & à un Cos de Doltabat, capitale du Roïaume de Décan. Je pris une partie de mes gens & j'allai pour la vifiter: mais parce que nous étions des étrangers, on ne voulut pas nous y laiffer entrer.

Elle eft fituée dans une grande place unie, vers le pié d'une montagne prefque ronde, qui, à la prendre à 60. piés du bas jufqu'à la moitié de fa hauteur, eft nonfeulement efcarpée, mais taillée naturelle

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ntme efcarpée, mais taillée naturellement auffi droit & auffi uniment que le pourroit être une muraille, foit que cela ait été fait exprès, comme quelques-uns le croient ou par la nature.

Au haut de cette montagne il y a une Fortereffe qu'on peut mieux nommer imprenable qu'aucune autre du monde, tant qu'on n'y manque pas de vivres On n'y peut monter que par un fentier étroit qui eft dans la Ville, environnée d'un double rempart, & de foffés revétus de pierre de taille; les remparts font flanquez de tours rondes, à la diftance d'une por tée de moufquet. Il y a beaucoup de petites piéces de canon, dont quelquesunes ont 3. ou 5. bouches. C'eft-là qué font les femmes du Roi & des grands Seigneurs; ce qui fait qu'on y laisse encore moins entrer les hommes.

Sur le refus qui nous fut fait, nous allâmes vifiter les fauxbourgs qui font fort grands, mais point murez. On y trouve abondance de toutes chofes. Proche des remparts de la Ville, on voit 3. canons d'une grandeur fi extraordinaire, que je n'en avois jamais vû de femblables, y en aiant un, nommé Moloc Meidaan, qui a une demie braffe de diamétre.

Je retournai au foir joindre le refte de nos gens, & le lendemain, nous fumes au Tome VII.

X

camp de Melic Ambaar, où nous dreffâ.mes nos tentes prés du quartier du Roi de Golconda. J'envoiai mon Sous-commis avec la lettre du Roi au Secretaire, afin qu'il en expédiât auffi une pour nos gens que nous avions laiffez, & nous demeurâmeslà 4. jours, en attendant cette expédition.

Le s. jour j'allai trouver le Général Melic Ambaar, qui étoit un Habeffi du païs du Prête-Jan. Il étoit noir, de grande taille, d'un air & d'un port févére, ai mé & refpecté. Il avoit été efclave d'un Seigneur qui l'avoit acheté 20. pagodes, valant 4. livres la piéce. Aprés la mort de fon Maître fa Veuve l'époufa; & il s'éleva enfuite par fes heureux exploits, comme autrefois leur faux Prophête Mahomet.

La Veuve qu'il avoit époufée ne lui aiant donné que peu de bien, il vécut d'abord de rapines, dans les montagnes où il alla s'établir. Peu-à-peu la troupe de voleurs avec qui il s'étoit mis, s'étant groffie, elle crût jufqu'au nombre de sooo. chevaux, quoi-que Nifiamfam Roi de Déen eût fait tous fes efforts pour les détruire. Mais ces gens-là inftruits des routes des montagnes, fachant y prendre leurs avantages, foutinrent long-tems la Guerre contre lui.

Enfin le Roi de Décan fachant que le Grand Mogol avoit deffein de l'ataquer,

fit offrir la paix à Melic, & de grands avantages, s'il vouloit entrer dans fes interêts, & combattre pour lui. Melic, auffi adroit que courageux, pénétra fon deffein, & le refufa, continuant toûjours fon premier métier, jufques à ce qu'enfin il fe vit à la tête de 8000. hommes, & alors fa faction augmenta encore de beaucoup dans le Roiaume.

Le Roi craignant les fuites de fes attentats, lui fit faire de nouvelles offres encore plus confidérables. Melic fit réponse que file Roi vouloit épouser fa fille, & la faire Reine, il entréroit dans fon parti contre le Mogol, & ne l'abandonneroit jamais. Le Roi y confentit, & aiant époufé la fille de Melic avec toutes les folemnitez requifes, le fit Général de fes armées, & lui donna de grands revenus, dequoi il n'eut pas fujet de fe repentir; ce Général l'aiant depuis fort bien fervi.

La premiére femme du Roi, fille du Roi de Perfé, jaloufe de cette feconde, lui reprocha qu'elle n'étoit qu'une Caffarine, c'eft-à-dire concubine, & que fon pére n'étoit qu'un miférable rebelle. La fille de Melic s'en étant plainte à lui, il gagna le Secretaire du Roi, qui empoifonna la Princeffe Perfane.

Aprés la mort de Mouto Nifiamfiam le jeune Nifiamfiam, qui n'avoit que cinq

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