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ans, aïant été déclaré Roi, la Régence demeura entre les mains de Melic, qui pour cet éfet fit auffi fecrétement empoifonner la Reine mére du Roi, qui avoit douze ans lorfque nous étions-là, & qui eut auffi envie de nous voir.

Melic Ambaar, alors Général des armées du Roïaume, faifoit tête aux forces.du Grand Mogol, avec le fecours de 3. Rois, fçavoir de celui de Golconda, qui lui entretenoit 6000. chevaux; celui de Vifiapour, qui lui en entretenoit 10000..celui de Ballegatte, proche de Goa, qui lui en entretenoit 120oo. outre l'infanterie; deforte qu'il avoit fous fon commandement 8o. chevaux, & de l'infanterie à proportion. Nous vîmes ce prodigieux camp, qui étoit prefque au pied des montagnes de Gatos, à l'endroit où le paffage en eft le moins difficile.

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Ce Général fait obferver une bonne dif cipline à fes troupes, & gouverne bien le Roiaume. Il fait fi févérement punir les voleurs, qu'on porteroit fans crainte de l'or fur fa tête dans les chemins. Pour fuplices il fait verfer du plomb fondu dans le corps. Il n'en coûteroit pas moins que la vie à qui porteroit de fortes boiffons dans fon camp, qui avoit bien 4. lieues de tour, & où il faifoit affez froid. On y trouve à vendre tout ce dont on a befoin.

e. Melic donc me fit affeoir fur un fiége auprès de lui. Je lui fis prefent d'un fabre du Japon, & d'un poignard de Java. Il me fit donner un autre paffeport pour les malades que j'avois laiffez, & une vefte d'or & de poil de chameau fuivant la mode du païs, quand on veut faire honneur à un étranger.

Il me demanda fi je voulois demeurer à fon fervice, m'offrant de gages 100.pagodes de 4. livres la piéce, par mois avec le revenu d'un village; ce que je ́ refufai. Pendant que j'étois encore auprès de lui, il y vint des Envoiez de ceux contre qui nous nous étions battus, deman der que nous leur rendiffions les che Vaux que nous leur avions enlevez. H fe prit à rire, & leur dit le voilà, prenez le lui même. Pourquoi les avez-vous laislé prendre?

L'aiant quitté, fon, Secretaire me fuivit & memena voir fon logement, & fon écurie, où il y avoit un très-beau ya cheval Arabe, qui lui avoit coûté 3000. pagodes, ou 1-2000: livres.

Le 23 de Novembre nous paffames au travers de plufieurs villages & d'une petite Ville, & fumes coucher au bourg de Jec kedonne, à trois Gans, ou 12. Cos du camp, relevant du Grand Mogol. Le loademain nous traverfâmes trois villages

allant coucher à 8. Cos, dans la Ville d'Ambar, où il fallut prendre des vivres pour 3. jours. Le jour fuivant nous vîmes 7. villages, & couchâmes au bourg de Degau, à 15. Cos d'Ambar, puis au bourg de Hartegum, à 12. Cos & demi & Degau; & enfuite au bourg de Mangalar, à 12. Cos de Hartegum. Melic a mis fous contribution ce bourg & 100.autres de la domination du Mogol, dont il tire de grofles fommes; car c'eft un païs très-fertile, étant fitué le long d'un des bras du Gange.

Le lendemain nous vîmes encore plufieurs bourgs, & nous traverfàmes le bras du Gange, que je paffai à cheval: puis nous rencontrâmes une troupe de bœufs de charge, qui alloient de Mafulipatan à Suratte, chargez d'épiceries apartenant à des Marchands Turcs, Arabes, & Arméniens. Nous fîmes ce jour-là 12. Cos, & logeâmes au foir à Cafrio, où nous rentrâmes fur les terres de Melic. Nous trouvâmes un grand changement de tems, & un air beaucoup plus fain.

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Le le lendemain nous fîmes e. Cos, & couchâmes à Laüorra; nous montâmes fur une montagne, & paffâmes au-delà de la Ville de Gandaar, où refide un Renégat Portugais, nommé Manffor Gaan, avec 6000. chevaux, étant la frontiére du

Roïaume de Golconda. Nous y vîmes quantité de liévres, de cerfs, de coqs de bruiére, de perdrix, de paons. Sur le haut de la montagne proche de la Ville, il y a un grand étang, fort poiffonneux.

Nous fimes 8. Cos la nuit fuivante traverfant fix bourgs pour ariver à Carna, fur le bord d'une riviére. Nous rencontrâmes une autre troupe de bœufs, chargez de poivre, allant de Goa à Décan. On m'aporta une carpe fi groffe, que je n'en avois jamais vû de femblable, & je l'cus à fort bon marché.

Nous marchâmes toûjours, trouvant plufieurs villages fur notre route, jufqu'au lendemain, que nous fûmes fur les terres de Golconda. Nous abordâmes au village de Chamentapour, où nous dreffâmes nos tentes, étant proche de Caulas, Ville Roïale, près de laquelle l'armée du Roi campoit. Le lendemain nous allâmes nous repofer dans un lieu proche de la Ville, L'armée étoit de 6000. chevaux, & de 10000. hommes d'infanterie. La Ville eft dans la pente d'une montagne, entourée de murailles de pierre blanche & grife. On ne voulut pas m'y laiffer entrer, & l'on me dit que je venois affûrément comme efpion.

De- là nous paffâmes par plufieurs places & bourgs ruïnez. Le 4. jour nous paffâ

mes devant Golconda, à 36. Cos de Chamentapour. On ne nous permit pas non plus d'y entrer, parce que c'eft la demeu re des femmes de la plupart des Seigneurs. du païs. Nous allâmes loger à un demi Cos de la Ville de Bagganaga..

J'envoiai le Sous commis trouver le Gouverneur de Mafulipatan, nommé Mier Caffiem, alors à la Cour, pour lui donner avis de mon arrivée, & le lendemain j'y allai moi-même. Il me demanda la commiffion du Roi, & m'en donna une autre de fa main, me promettant qu'il feroit toûjours nôtre ami; de forte qu'il me parut que nous nous féparions en bonne intelligence, & que je devois atendre toute forte de gratification de fa part.

Ce jour nous fimes huit Cos, & logeames au Bourg de Mellictoufiar. Le lendemain, nous difpofant à en partir, nous fûmes emmenez dans la Ville, avec quelque forte de violence, & l'on nous y tint deux jours dans une vieille grange, après que le Fifcal nous eut fait defarmer.

Le lendemain le Roi paffa devant la grange où nous étions, pour aller dîner chez le Gouverneur de Mafulipatan, où je fus mandé: mais je m'en retournai plus vîte que je n'étois allé, & je ne fis pas mal. Après avoir follicité pendant trois jours, pour obtenir la liberté de partir, nous al

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