que de long-tems ils ne font en affez bonne difpofition pour agir comme à l'ordinaire. Les Maures épient cette circonftance, quand ils veulent les ataquer.

Alvarez a écrit que le Prête-jan peut mettre fur pié plufieurs millions d'hommes. Le tems & l'expérience ont bien fait connoître le contraire. Il y a un Ordre Militaire fous la protection de S. Antoine, & quand un Gentilhomme a trois fils l'Empereur a droit de choifir lequel il lui plaît, pour le lui conférer. On tire douze mille cavaliers, des mieux faits de ce corps, pour fa garde. Ils font destinez par leur inftitution, à garder les frontiéres du Roïaume, & à les garantir des incurfions des ennemis.

L'Empire des Abiffins confine aux païs de trois puiflans ennemis: Le premier eft le Roi de Borneo, qui a auffi plufieurs Princes pour vaffaux. Sa domination s'étend depuis Guengalo vers l'Eft environ 5o. lieuës, entre les deferts de Seth & de Barca, & fes Sujets n'ont point d'autre occupation que de faire des courfes fur leurs voifins, de les piller, & d'enlever hommes, beftiaux & fruits.

Du côté de l'Et il confine au Turc, & entre l'Eft & le Sud au Roi d'Adel. Les Turcs defolent auffi les parties de cet Empire qui les avoifinent. L'an 1558. ils fi

rent une irruption dans le Roiaume de Bernagas, & en pillérent & brûlérent la plus grande partie. Il fallut que les habitans s'obligeaflent de paier au Grand Seigneur un tribut annuel de 3 2. livres d'or.

Le Roi d'Adel, qui eft fon troifréme ennemi, ne le maltraite pas moins. Celui-ci gouverne les païs qui font proche de Fatigar, & une partie de la côte de la mer Rouge. Il enléve continuellement des troupes d'Abiffins, hommes & femmes, & les fait efclaves car ils font plus estimez dans les païs étrangers que dans le leur, parce qu'on les fait travailler dans ces premiers, & ils s'y accoutument si bien, que fouvent ils obtiennent la liberté, en confidération de leurs grands fervices. Cela même fe voit dans l'Arabie, à Cambaic, à Bengale, à Sumatra, où l'on fait plus d'état des efclaves Abiffins, que de tous les autres.

Le Vice- roi des Portugais dans les Indes, envoie beaucoup de fes gens dans leur païs, & à la Cour de leur Monarque; ce qui a donné occafion à quelques Abiffins d'aprendre d'eux à manier les armes, à faire des exercices militaires, & quelques fortifications aux places. Il y a de l'aparence que les autres s'y exerceront auffi avec le tems, & que peu à peu ils fe rendront capables de fe défendre,car déja leurs enne

mis ne les méprifent pas tant qu'ils faifoient autrefois. Il y des Marchands Florentins qui s'y font aufli établis, & qui contribueront à les inftruire des chofes qu'ils ne favent pas. L'Empereur carelle fort les étrangers, fur tout les Européens, qu'il retient autant qu'il peut dans fes Etats.

Il a encore d'autres ennemis, comme le Roi de Dancali, à qui apartient Suela fur la mer Rouge, & les Maures dans la Province de Domba, qui eft pourtant de fa domination. Néanmoins ils fe révoltent inceffamment, d'autant plus volontiers qu'il y a une loi entre eux qui leur interdit le mariage, jufques à ce qu'ils aient tué douze Chrétiens.

Cependant de nôtre tems, les Sujets du Prête-Jan aiant commencé à s'aguerrir, ainfi qu'il a été dit, ce Monarque a battu le Roi de Mofambique, & une autrefois l'armée de la Reine de Barfaga, qui est proche du cap de Bonne-efpérance. Il a encore batu Termidem Prince des Noirs qui font à l'Ouëft de fon païs, & le Roi de Manicongo, dont les terres font visà-vis de l'Ile de S. Thomas, directement fous la Ligne. Un de fes Généraux nommé Azamur, a auffi défait trois fois les Turcs commandez par le Bacha de Zuaquen, & dans le dernier combat aiant

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pris le fils de ce Bacha, il lui fit tran cher la tête.

Pour les Egiptiens, ils le craignent, parce qu'il peut détourner le cours du Nil, & les priver de ce fleuve. Plufieurs Arabes le craignent auffi par cette même raifon, qui fait que les uns & les autres lui païent tribut. Car il peut affamer l'Egipte, ou bien l'inonder, ainfi que divers Auteurs l'ont démontré.

Parmi les refpects exceffifs que les Abiffins rendent à leurs Princes; comme fi c'étoit une Divinité, ils ont coutume de faluër fa tente dès qu'ils la voient, & ils touchent d'une main à terre lorsqu'ils l'entendent nommer. Il ufe d'un pouvoir abfolu fur tous fes Sujets, Nobles & Roturiers, Eccléfiaftiques & Laïques. Il dif'pofe de toutes les charges féculiéres & Eccléfiaftiques, & tous ceux qui les poffédent font obligez de lui en faire hommage.

L'adminiftration des Sacremens apartient à l'Abuna, ou Patriarche. Les Empereurs font élûs d'une des trois races de Gafpar,de Melchior, ou de Balthafar. Tous les enfans qui viennent de ces trois races, font gardez fur le mont Amaran, & quand l'Empereur eft mort, on en élit un pour tenir fa place. Mais prefque toûjours les aînés font préférez aux plus jeunes, & l'élection ne fe fait que par eux mêmes.

Les

Les femmes & les filles de joie font leur demeure hors des Villes & des villages, où elles ne peuvent jamais entrer. Elles font entretenuës aux dépens du public, & doivent être toûjours vétuës de jaune.

Les fils aînés recueillent feuls la fucceffion des peres. Il y a une loi par laquelle l'Empereur ne doit pas réfider plus de deux jours dans un endroit, fa Cour étant fi groffe, & fon train fi nombreux, qu'ils en confumeroient tous les vivres.

Le premier Ordre de l'Etat eft celui qui comprend les Evêques, & les autres Ec cléfiaftiques. Le fecond eft des Sages du païs, qui fe nomment Balfamates & Tenquates. Le troifiéme eft de la Nobleffe. Le quatriéme eft de ceux qui reçoivent la folde, dont on fait choix auffi.

Les Juges ne peuvent condamner perfonne à mort, fans en donner connoiffance au Gouverneur qui reprefente la perfonne du Prince. Ils n'ont point de Loix pour fervir de régles aux Sentences qu'ils rendent: ils fe laiffent feulement guider par les lumiéres naturelles de la raifon. Une femme convaincuë d'adultére reçoit fon fuplice de la main de celui à qui elle a fait l'ofenfe.

Prefque tous les Sujets du Prêtre-Jan font Chrétiens. Il n'y a que quelques Ma hométans, & ils lui paient tribut.