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qui fe pratique entre autres, par ceux qui ont fait quelque vou. Leur tête demeure feule au-deffus de la terre, ornée de joïaux & de fleurs. D'autres le font enterrer la tête, & ont le corps dehors. D'autres fe couchant font bêcher un peu de terre fur eux. D'autres ont des maniéres auffi étranges, & l'on ne fait à quoi tout cela peut aboutir.

Ils demeurent en cet état jufqu'au lever du Soleil, qu'un d'entre eux vient comme fi c'étoit un de leurs Dieux, auffi extraordinairement acoutré que ce qui fe fait eft extraordinaire. Il a le corps & le vifage peints, portant un fabre nud d'une main & de l'autre un arc & des fléches. On améne aprés lui un bouc, qu'on facrific dans le lieu où fe font toutes ces poftures.Il en prend le fang & en afperge ceux qui font veautrez dans la terre, ou enterrez, & ils fe relevent auffi-tôt pour s'en retourner dans leurs maifons.

Ce même jour-là chaque famille méne un bouc dans un certain lieu marqué, & on l'y facrifie. On laiffe la tête pour la récompenfe de celui qui l'a tué, & on emporte le corps pour faire feftin dans la fa mille. Voilà quelles font les folemnités de cette rare journée.

Le matin en fe lavant le vifage, ils fe tournent vers le Soleil, & en fe retournant

quel

quelquefois ils lui font une espéce de revérence avec des fignes de leurs mains. Les Bramines hommes & femmes, fe vont fouvent baigner dans des étangs & dans des viviers, & ceux qui demeurent le long dés riviéres s'y baignent. Ils plongent la tête plufieurs fois dans l'eau, afin de se laver auffi, à moins que l'eau ne foit trop froide, ne faifant alors que s'en afperger la tête, au lieu de la plonger dedans.

Lorfqu'il fe fait une éclipfe de Lune, ce qu'ils favent bien prévoir & calculer ils vont à grandes troupes, hommes, femmes & enfans, fe baigner dans la mer. Ils font même zo. à 3o. licues pour cela, & ceux qui en font trop loin vont fe baigner dans les plus grandes riviéres; ce qui eft un éfet de fuperftition, vû qu'ils "croient que les bains faits dans cette circonftance les lavent de leurs péchez.

La premiére fois que je vis l'étrange & éxécrable pratique que les femmes obfervent de fe brûler avec les corps de leurs maris morts, j'étois avec Jean van Wee fick. Nous fumes avertis de ce qu'on alloit faire, & nous fumes fur le lieu. Le frére du mort vint au-devant de nous, nous remercier de l'honneur que nous faisions à fon feu frére. Nous vîmes un creux de 1 o. à 12. piés en quarré, & de la hauteur d'un homme, environné de bois, & dans le fond

Tome VII.

Y

quantité de charbons ardens. Il y faifoit auffi chaud que dans le four le plus ardent, De-là on nous mena chez une femme en préfence de qui l'on danfoit, ou jojoit des inftrumens, & l'on mâchoit de la bételle avec des airs fort gais. Nous lui parlâ mes pour la détourner de fon deffein, elle nous répondit, que nôtre confeil la couvriroit d'infamie; qu'après avoir tant aimé fon mari, il ne feroit pas honnête de l'abandonner, & de ne vouloir point lul tenir compagnie dans l'autre monde.

Enfuite elle fe leva, & nous aïant pré fenté de la bételle, elle s'en fut vers la riviére, pour s'y baigner & fe purifier; puis elle mit fur elle une chemife foulphrée, diftribua fon collier, fes pendans-d'oreilles & fes braffelets à fes parens, fortit de fa maifon & s'en alla au bûcher, en fit le tour, & levant les mains, fe jetta d'un air gai & fatisfait dans le creux, où on la couvrit de bois fec, & d'autres matiéres préparées pour cet éfet. On y jetta auffi quel ques pots d'huile; afin que le brafier fût plus ardent, & que les flâmes la dévo Taffent plus vite. Au moment qu'elle fauta dans le feu, les Prêtres, les parens & les autres affiftans fe prirent par la main, & hurlérent pendant un quart d'heure, C'étoit une femme des plus confidérables, qui n'avoit que 24. ans, & qui laiffoit un enfant de 3. mois après elle,

La feconde femme à qui je vis faire ce funefte manége, étoit âgée d'environ so. ans. Elle pratiqua les mêmes cérémonies; mais ce qu'il y eut de différence eft que quand elle fut au milieu du feu, elle le trouva fi chaud qu'elle tâcha de s'en tirer, & l'eût fait, fi les affiftans ne l'en euffent pas empêchée. Un Bramine de nos voifins, s'étant noïé, fut mis fur un gros bûcher, où fa femme alla fe mettre auprès de lui. le baifant, & le prenant entre fes bras. Alors on vint la couvrir impitoiablement d'un gros monceau de bois, où l'on mit le feu, avec de l'huile qu'on y jetta, & ils brûlérent enfemble. L'horreur que nous. avions eue des deux premiéres éxécutions que nous avions déja vûes, nous empêcha d'aller voir celle-ci, & trois ou quatre autres, où nous fûmes invitez.

Dans les lieux où les Maures dominent cette barbare extravagance n'eft pas tolérée, étant regardée comme contraire à leur Loi. Deux fois que des femmes étoient entrées dans cette frénéfic, en des lieux où je me fuis trouvé, & que tout étoit prêt pour l'éxécution, on envoia les en empêcher. Plufieurs perfonnes m'ont alluré qu'on fait prendre à ces malheureufes cer taines drogues qui leur troublant le cer yeau, leur ôtent le fentiment de ce qu'el les vont faire.

Les Benjanes tiennent l'immortalité de Fame. Ils difent que felon qu'on a bien ou mal vécu, l'ame entre dans le corps d'une bête bonne ou méchante. Je me fuis fouvent entretenu avec des Bramines, au fujet de leur croïance: mais il paroît qu'ils n'ont pour fondement que des fables pleines de fens impénétrables, & de queftions inutiles. Ils font beaucoup de vœux pour des pélérinages, & fur tout pour aller vifiter certaines Pagodes, particulié rement celles qui font vers le Gange, & encore plus celle où ils difent qu'eft enterrée la tête de Rama Raga, autrefois Souverain de tous ces païs-là, avant que fes vaffaux fe fuffent foulevez contre lui. Ils difent qu'il y a tous les ans un prodigieux concours de peuple à ce tombeau.

Il y a encore une autre Pagode pour laquelle ils ont une dévotion extraordinaire. Elle eft dans la Ville de Tripetti," au païs des Gentives, & les peuples y vont auffi en foule. J'ai vu beaucoup de gens porter des vivres par ofrande hors de La Ville, fous un certain arbre, où ils af furoient qu'ils étoient confumez peu après qu'ils étoient oferts; mais j'étois fort perfuadé que tout le miftére confiftoit dans la voracité des corbeaux, qui revenoient tous momens à cet arbre, fous lequel ilt

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