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avoient la tête où les autres ont la queue, Mais ce n'eft qu'une reffemblance de tête; car on prétend que chaque demi-année ils changent; que leur tête fe ferme & que leur queue s'ouvre pendant fix mois; puis pendant fix autres mois leur queue demeure fermée & leur tête ouverte. Il y en a encore quantité d'autres qu'on nomme Cobra Toppella, qui font auffi trèsvenimicux.

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Il y a des élans, des bélettes, des parcépics, & beaucoup de bêtes qui nous font étranges, une efpéce de rats de campagne, quitirent fur la couleur de rofe, & font d'un excellent goût; une multitude innombrable de bêtes privées, de bœufs, de vaches, de buffles, de brebis, de chévres de trois fortes; mais il s'en faut beaucoup qu'elles ne donnent autant de lait que celles de nos Provinces.

Tous les chevaux y font petits, mais trèspropres à voiager, & foutiennent mieux la fatigue que ne font les grands chevaux du païs, qui font fort lâches. Mais on y en méne de Patane fur tout ceux d'Arabie, & d'Ormus y font fort eftimez.

Dans le même mois de Mars 1618. étant arrivez à Mafulipatnam, nous fûmes bien reçûs du Gouverneur, qui nous fit donner une vefte d'étofe d'or, & nous fit conduire à notre logis par les danfeufes publi

ques. Les marchandifes que nous avions portées, furent auffi-tôt vendues argent comptant. Il y avoit même des gens qui ve noient nous aporter leur argent, avant que nous puffions leur faire la livraison; de peur de n'en avoir pas.

Enfuite je partis avec Samuel Kint, qui avoit été Sous-gouverneur de Paliacatte, pour aller à Bantam. Nous relâchâmes à Achin, où il fe fait un gros commerce de poivre. Après la permiffion du Roi, j'allai à terre trouver le Comman dant que nous y avions, nommé Corneille Comans, qui étoit venu dans le vaiffeau Le Faucon, pour traiter avec le Roi, au fujet de Ticou & de Priaman. Nous fumes enfemble lui porter un prefent, afin d'obtenir la liberté du commerce. Pour paroîfre devant lui, on nous fit prendre des habits à la mode du païs, par où l'on nous marquoit que nous étions les bien-venus, & l'on nous renvoia fur des éléphans. Le lendemain nous vîmes un combat d'éléphans privés & fauvages, qu'on fit battre enfemble.

Mais ce qui nous fit grand pitié, fut de voir le traitement que reçût celui qui avoit la garde de l'éléphant du Roi, parce qu'il étoit venu un peu trop tard, il fut livré à l'éléphant fur lequel le Roi étoit affis, qui le prit 3.fois avec les dents, l'enleva,&

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le jetta en l'air, fi bien qu'il fut tout brifé & mourut fur la place. Perfonne n'ofa lui donner le moindre fecours, ni même faire femblant de s'apercevoir de fon infortune.

Le Roïaume d'Achin eft au bout fepten trional de Sumatra par les 4. degrès 28. minutes de latitude Nord. On y recueil ny loit autrefois beaucoup de poivre; mais maintenant il s'y en recueille peu, le Roi aiant fait couper la plus grande partie des arbriffeaux, & fait fémer du ris en leur place.

Ce Prince eft continuellement en guer re avec fes voifins, fur-tout avec le Roi de Johor, quoi-qu'il en ait époufé la fœur, Ses fujets le redoutent beaucoup à caufe des tirannies qu'il exerce fur eux, inventant fans ceffe de nouveaux genres de mort & d'autres fuplices, pour avoir le plaifir de les tourmenter.

S'il arrive qu'un homme, ou une femme faffe la moindre faute, ou feulement quelque chofe qui lui déplaife, il faut quelquefois que toute fa race en pâtiffe. Il ne fe paffe guéres de jours qu'il ne fasse Tuplicier quelqu'un. Faire couper le nez, les mains, ou les jambes, n'eft qu'un jeu à quoi il s'exerce ordinairement, puis il envoie les mutilez en exil dans l'Ifle Pulo Wai, vis-à-vis d'Achin. Il a de belles ga

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féres & de beaux canons de fonte. Entr'autres il en a un qu'on charge de plus de 125 livres de fer. Il entretient un grand nombre d'éléphans.

Je vis le Roi de Pahan, dont celui d'A chin a conquis le païs, & tranfporté à Achin plus de 1oooo. de fes habitans, qui couroit après ce dernier comme les gens du commun. On tient que le Roi d'Achina fait cacher dans un trou en terre plus de 25. bares, ou bahars d'or, chacune du poids de 360. livres.

Lorfque nous eûmes expédié nos a faires à Achin, & que j'eus fait charger à mon bord le poivre que nôtre Commandant y avoit, je pris la route de Jaccatra, par le détroit de Malacca. Quand nous fûmes par le travers de la Ville de ce nom, nous yancrâmes affez proche pour voir au cadran quelle heure il étoit, & par conféquent pour en bien contempler la fituation. Enfuite nous allâmes faire de l'eau à F'Ifle de Carimon, qui eft devant le détroit de Sincapura, & où il y a de fort-grands arbres, qui peuvent fervir à faire des mâts, même à des carraques.

Après cela nous fûmes relâcher dans la riviére de Jambi, où le Sieur André Souri trafiquoit & achetoit du poivre pour la Compagnie. Nous y déchargeâmes quelques paquets de mouchoirs & de toiles.

Cette riviére de Jambi, ou Jambai, eft par les 50. minutes de latitude Sud, dans Ile de Sumatra. Il la faut remonter 2 5. lieuës pour venir à notre loge. Le poivre s'y vendoit alors 6. réales & demie de 8. le picol, qui eft de 12o. livres. Autrefois on en tiroir jufqu'à 1100. laftes, mais à préfent on n'en tire pas plus de 900. On l'améne du païs des montagnes dans des canots qui defcendent fur la riviére.

Le 7. de Novembre 1618. nous terrîmes à Jaccátra, où nous aprîmes avec beaucoup de furprife, que le Général Coën étoit en guerre avec le Roi de Bantam, & qu'il fe fortifioit pour réfifter à ses ennemis. Nous y vîmes une cométte à queue, qui paroiffoit fur ce païs-là.

Le 11.de Décembre 1618. je me rem barquai fur l'Ange, pour retourner à Suratte. Nous rencontrâmes proche du cap Pontam Java, un Viger de Java, monté par un Flamand de Bantam, qui nous aprit que les Anglois s'étoient emparez par trahifon d'un de nos vaiffeaux, nommé le Lion noir, qui venoit de Patane ; ce qui nous fit prendre la réfolution de retourner à Jaccatra.

Sur cette nouvelle que nous y portâmes, il fut jugé à propos de fortifier notre loge, & de la mettre en état de défense

contre

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